« Adaptation de Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaitre, suite de la saga initiée par Au revoir là-haut. » C’est ainsi que nous est présenté ce film et c’est, bien avant le nom du réalisateur, le principal élément d’accroche de la bande annonce de Couleurs de l’incendie. Une saga historique qui dans ce deuxième volume s’appuie sur des personnages autres que ceux de Au revoir là-haut. En 2017 dans Au revoir là-haut (Populaire et ambitieux), la mise en images des écrits de Pierre Lemaitre était signée Albert Dupontel. En 2022 dans Couleurs de l’incendie, Clovis Cornillac lui succède derrière mais aussi devant la caméra. La saga se poursuit donc sur grand écran à travers un casting renouvelé des deux côtés de la caméra. Finalement, seul Lemaitre demeure en tant que scénariste, adaptant au cinéma, ici et de nouveau, ses propres écrits.
Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe.
Le récit de Pierre Lemaitre démarre sur une riche succession, celle du fondateur d’un empire financier. Le partage des biens va être la source de dissensions dans la famille Péricourt et ses alliés. Les revers de fortune qui suivront ne feront qu’exacerber ces conflits alors que monte en Europe la crainte d’un autre conflit, mondial celui-ci, à venir.
Si une des affiches du film montre Madeleine Péricourt (Léa Drucker) au milieu de figures masculines anonymes, son rôle dans l’intrigue contée n’est central qu’en filigrane. Les autres protagonistes, pas exclusivement masculins, sont multiples. C’est là une des qualités de ce long-métrage. En effet, le scénario ménage des récits en parallèle qui ne cessent de s’entrecroiser. Cette narration foisonnante mêlant fiction et actions inspirées de faits réels prend par instants des allures feuilletonnesques et, cela va souvent de pair, abracadabrantesques. Ce mixte entre fiction et faits réels se retrouve parmi les protagonistes mis en scène. Lemaitre fait ici se rencontrer ceux inspirés de personnages réels pour leur faire prendre cause plus ou moins commune. Le sort d’après-guerre de ceux-là nous sera révélé par quelques intertitres avant le générique de fin.
Ces multiples fils narratifs laissent un espace d’expression à chaque personnage. Il est dès lors difficile de les qualifier de secondaire. Certes, chacun ne bénéficie pas d’une épaisseur narrative suffisante mais le conséquent travail d’écriture est à souligner. Parmi les personnages au traitement manquant un peu de profondeur, on citera celui d’Olivier Gourmet animé de motivations prêtant peu à conséquences. De même, la cantatrice interprétée par Fanny Ardant hérite d’un revirement narratif final dans l’Allemagne nazie peu crédible. Faut-il voir dans ce switch narratif une sorte d’exorcisme de quelques acteurs du cinéma français de l’époque ? Mais n’intellectualisons pas le film Couleurs de l’incendie qui ne semble pas prêter le flanc à ce type de critique.
Le récit de Couleurs de l’incendie passionne cependant moins que celui de Au revoir là-haut. En conséquence, ou pas, l’adaptation cinématographique prodiguée par Clovis Cornillac suscite moins d’intérêt que celle d’Albert Dupontel qui valut à celui-ci d’obtenir cinq César en 2018. Comme souvent, la suite « commandée » par le succès du premier volume nous laisse sur notre faim. Les voies du succès sont impénétrables. Les recettes du succès ne se déclinent pas par de simples itérations. La réalisation du film n’est pas critiquable en soi. Forte d’un budget de 16 millions d’euros, rien ne manque à l’appel de la reconstitution des années 30 à Paris jusqu’aux costumes d’époque. Mais, classiquement, les efforts et réflexions de mise en scène se concentrent en début de métrage puis deviennent sporadiques pour finalement disparaître totalement avant d’aborder la seconde moitié du film. Le cinéma contemporain sait trouver des budgets de fonctionnement conséquents. Malheureusement, les durées de tournage ne bénéficient pas des mêmes largesses malgré l’inflation constatée sur la durée des films produits : 2h15 pour Couleurs de l’incendie.
Dans l’attente de l’adaptation cinématographique de Miroir de nos peines, ultime volume de la trilogie Les enfants du désastre de Lemaitre ?
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