Mis à jour le 20 décembre, 2022
Dans Corsage, Marie Kreutzer revisite le mythe d’Elisabeth d’Autriche alias Sissi. L’ambition de la réalisatrice et scénariste est de dépeindre l’impératrice d’Autriche sous un regard plus moderne mais aussi et, malheureusement, actualisé. Dès lors, il est illusoire de juger sereinement ce portrait indéniablement souhaité sérieux et appliqué mais au final plutôt brouillon et déconcertant. Etait-ce l’ambition initiale de la cinéaste ? Le doute est permis.
Noël 1877, Élisabeth d’Autriche (Sissi), fête son 40e anniversaire. Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Étouffée par ces conventions, avide de savoir et de vie, Élisabeth se rebelle de plus en plus contre cette image.
Pour mener à bien son ambition, Marie Kreutzer fait usage, certes sporadiquement, de dialogues et de quelques gestuelles trop actuels et donc mal appropriés pour rendre compte d’une fin de XIXème siècle approchante. Après visionnage de Corsage, nous pouvons nous rendre compte que l’une des affiches du film était à prendre au premier degré et donc comme une alerte… Mais, ce que cette affiche ne souffle pas c’est la teneur de l’habillage musical de ce long métrage. La bande originale du film composée par Camille est en effet en complet décalage avec la période restituée à l’écran. Là encore, le portrait de Sissi s’en voit dénaturé.
Enfin, Corsage n’est pas exempt d’anachronismes. Le plus flagrant est celui porté par « Louis le Prince » interprété par Finnegan Oldfield. Dès 1878, celui-ci aurait inventé un système de « photographies animées » qu’il venait expérimenter auprès de l’impératrice d’Autriche incarnée à l’écran par Vicky Krieps. Ce « Louis le Prince » aurait donc devancé de près de deux décennies les frères Lumière. Ce choix scénaristique paraît étrange d’autant que ce personnage est le seul à parler uniquement français. Quel message Kreutzer compte-t-elle porter à l’adresse des frères Lumières, inventeurs français du 7ème art ?
En définitive, si la réalisatrice et scénariste autrichienne parvient à libérer Corsage des contraintes maintes fois constatées dans les films en costumes (Corsage n’est pas un film corseté), la liberté prise semble bien trop grande. Cette liberté débordante se révèle finalement non maîtrisée au sein d’une ambition cinématographique trop ample. En soi, Corsage n’est pas un mauvais film mais les choix de mise en scène prêtent à discussions et, pour notre part, à critiques. L’intention de Kreutzer est bonne. Son portrait de Sissi est très éloigné de celui brossé par la trilogie composée par Ernst Marischka (1955 à 1957) avec Romy Schneider dans le rôle-titre, mais le résultat obtenu à l’écran reste décevant et laisse dubitatif. Le film, pris dans sa globalité, se montre contre-productif. En soi, Corsage vient en déclinaison d’une inversion des rôles mise à l’écran : l’impératrice d’Autriche dont le rôle principal tournait autour de l’éducation de ses enfants endosse la stature d’une élève plus que celle d’une éducatrice.
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