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Borgo: Portrait de groupe avec une dame

Melissa, 32 ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L’intégration de Melissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Une mécanique pernicieuse se met en marche.

C’est l’histoire d’une (anti)héroïne qu’on ne peut qu’admirer. Tout commence, se termine, et se passe autour d’une actrice à la présence magique, Hafsia Herzi. Tout traverse son esprit tantôt pensif, tantôt rêveur, tantôt sérieux. Ibiza (surnom donné à Melissa, jeune femme originaire de la région parisienne fraichement arrivée en Corse, en référence à la chanson de Julien Clerc) se plaît parmi les hommes, leur plaît, se libère avec eux. C’est une femme libre. Qui se trouve, paradoxalement, en prison. C’est l’histoire d’un paradoxe entre (le désir de) la liberté et (s’engager à respecter) les conditions de la prison.

Dans Borgo, film qui raconte, subtilement, avec un regard réaliste, un basculement, le cinéaste ne nous impose pas un jugement moral, il dessine simplement une situation, atypique, mais qui à la fois semble si probable. Une trajectoire de femme, mystérieuse. Nous ne savons jamais pourquoi elle fait le choix de dépasser, petit à petit, ses limites professionnelles, pourquoi elle s’approche des détenus, pourquoi elle se mêle dans des affaires mafieuses qui ne la regardent pas, et met sa vie en danger. Est-ce par amour (pour un jeune et confiant détenu)? par empathie? par ennui ou manques émotionnels qu’elle ressent dans sa vie (de couple, de travail)? C’est peut-être tout cela. Peut-être pas. Ibiza décide et ne décide pas à la fois, elle laisse les choses lui arriver, l’emmener ailleurs. Dans la prison, elle joue le rôle d’un catalyseur, d’un pont, entre celle qui est du coté de l’ordre (la directrice) et les rebelles (les détenus). Elle passe d’un camps à l’autre, mais n’appartient à aucun. Elle comprend les prisonniers, elle fut aussi, à un moment, quelque part, en quelque sorte, prisonnière, en tant que femme. Elle représente, par ailleurs, la seule femme qui circule dans un milieu essentiellement masculin(ce qui impose des choix de mise-en-scène et impacte visuellement le film) avec son uniforme qui forme son corps et ses mouvements. Et s’attache aux hommes, en tant que sœur, amie, complice, sujet/objet de désir, amante.

Malgré quelques longueurs et répétitions au milieu du film, et un mauvais choix scénaristique (montrer l’assassinat de l’aéroport dès le début, puis faire trop d’aller-retours dans le temps), Borgo réussit, en montrant une image originale de la Corse et en évitant la carte postale, à créer une ambiance, un personnage, un concept intéressant. Notamment grâce à la présence d’Hafsia Herzi, qui, avec son jeu plus froid et contrôlé que jamais, ne dévoile pas ses sentiments mais nous plonge dans l’ambiguïté.

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