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Bonjour l’asile: La Puissance du rire

Mis à jour le 22 novembre, 2025

Jeanne quitte quelques jours le stress de la vie urbaine pour aller voir sa grande amie Elisa, récemment installée à la campagne. Au cœur des bois voisins, un château abandonné devenu tiers-lieu, foisonne d’initiatives collectives. Elisa aimerait s’y investir, mais entre biberons et couches lavables, elle n’en a pas le temps. Jeanne, en militante des villes, n’y voit aucun intérêt. Quant à Amaury, promoteur en hôtellerie de luxe, le château, lui, veut l’acheter. Tous trois convergent malgré eux vers ce lieu d’entraide et de subversion… Mais combien de temps cet asile d’aujourd’hui pourra-t-il résister à ce monde fou ?

Bonjour l’asile commence avec, en images, les pages d’un dossier de demande de financement pour un film, en l’occurrence Bonjour l’asile réalisé par Judith Davis, accompagné par, en bande son, les appels téléphoniques de Jeanne (joué par la réalisatrice elle-même), excédée des dysfonctionnements et des problèmes administratifs. Ce début, intelligent, drôle, et original, marque une des qualités les plus importantes du scénario: la qualité d’auto-dérision. L’humour qui abonde dans les dialogues, se montre franc et grinçant. Le film porte par ailleurs un regard réaliste sur les personnages et sur l’environnement social qu’il démontre/critique. Quand Jeanne nous embarque avec elle en campagne, à la recherche d’une amie de longue date, aujourd’hui écrasée par la charge mentale d’élever trois enfants en bas âge, et se permet de critiquer le mode de vie qu’elle a choisi, le sens du comique s’intensifie; personne n’est épargné des piques d’ironie ou des remises en question permanentes. Tout le monde est à son tour attaqué, pardonné, compris. En s’intéressant à de multiples sujets politiques, le film développe une forme chorale, et bordélique !

Ce bordel anarchisant et décentralisant, fonctionne et ne fonctionne pas à la fois, étincelle de génie sur certains points, et laisse à désirer sur d’autres. Si le point fort du film se situe avant tout dans ses dialogues très bien écrits (en utilisant les concepts et le langage militant de gauche notamment), dans sa capacité de rire de tout, jusqu’à vouloir ériger le rire en geste politique ultime, si le regard autocritique du film sur les revendications et les pensées anti-capitalistes/anti-autoritaires qu’il développe, s’avère original, naturel, et charmant(au moins pour le spectateur affilié aux mêmes revendications), en revanche, les qualités techniques (scénario, réalisation, jeu d’acteurs) ne se situent pas au même degré d’exigence. Etonnamment, et jusqu’aux clichés, réitérés, la mise-en-scène se raccroche bien davantage à une logique théâtrale que cinématographique.

Passé le premier tiers du film, le tiers-lieu devient le sujet central du récit, ce qui donne l’impression d’une bifurcation importante; des éléments fantaisistes et symboliques s’invitent dans l’image et nous amènent ailleurs, alors que nous nous étions habitués, jusque là, à un certain réalisme. Ainsi le sérieux et le sentimental prennent le devant et nous éloigne de la drôlerie sarcastique des débuts, l’ambiance change radicalement – le film partait indéniablement sur de bonnes bases, nous familiarisant rapidement aux quelques personnages présentés dans les premières scènes avec lesquelles nous pouvions aisément nous identifier -. De trop nombreux nouveaux personnages entrent en jeu, chacun présentant son manifeste tour à tour; le scénario n’arrive ni à approfondir son postulat initial ni à harmoniser les différents propos. A ce titre, certains personnages atténue la charge politique , le trait vire à la caricature. La qualité assez hétérogène des jeux d’acteurs (membres d’un collectif théâtral, « L’Avantage du doute ») accentue ce ressenti: Autant Judith Davis ou Maxence Tual par exemple excellent dans leurs rôles, autant Nadir Legrand qui joue le rôle pourtant important d’Amaury, ne parvient pas à apporter de la singularité à son personnage et à le sortir du cliché.

Malgré ces quelques défauts, nous trouvons l’approche de Judith Davis, qui propose une voix insigne rare – seulement deux long-métrages avant bonjour l’Asile-, prometteuse, et sans aucun doute nécessaire dans le paysage du cinéma français indépendant d’aujourd’hui.

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