Un corps retrouvé sur une plage, un employé de sauna, un douanier peu scrupuleux, un prêteur sur gage et une hôtesse de bar qui n’auraient jamais dû se croiser. Mais le sort en a décidé autrement en plaçant sur leur route un sac rempli de billets, qui bouleversera leur destin. Arnaques, trahisons et meurtres : tous les coups sont permis pour qui rêve de nouveaux départs…
Le monde du cinéma n’est pas strictement exempt de pratiques industrielles marketing douteuses, pour verser dans l’euphémisme… Il y a très peu, la sortie de Lucky Strike aurait été un non événement sur la planète cinéma, pour la majorité de la presse, et du public, et ce premier film de Yong-hoon KIM aurait été qualifié tout au plus de premier film encourageant qui n’atteint pas l’intensité d’autres thrillers coréens références, tels ceux de Park Chan Wook, Na Hong-Jin, ou encore Bong Joon Ho. D’aucuns ne se seraient essayés à tenter un parallèle avec Im Sang Soo, au cinéma diamétralement opposé, et d’ailleurs, cette remarque est d’autant plus gratuite, que d’aucuns ne s’y essayent davantage aujourd’hui, ce qui nous aurait quand même surpris.
Donc, résumons la situation. Parasite, petite comédie intéressante à la mise en scène soignée, qui s’est vue remettre la Palme d’or, selon nous, principalement pour honorer un travail d’ensemble bien plus qu’un film en particulier (Syndrôme Dheepan-Audiard) , a ouvert la voie. Le message est maintenant clair; le cinéma coréen, les thrillers coréen, désormais, ce n’est plus du « genre », c’est de l’art, c’est de la balle, du must, du génie en boîte (à consommer avant une date de péremption mal définie, mal indiquée).
Les pensées sont parfois courtes, de manière intentionnelles (ceux qui aiment les raccourcis vendeurs), ou pas (ceux qui ont une tendance aiguë à l’amalgame). Quelle injustice à mettre tant en avant Lucky Strike dans une logique de marketing amont si l’on se réfère à l’absence de lumière, au traitement parfois méprisant qu’ont pu recevoir de très nombreux excellents thrillers coréens – on pense à ceux de Na-Hong-Jin par exemple, qui certes étaient reconnus par un public d’expert, par des magazines et blogs spécialisés, mais qui étaient allègrement oubliés par des médias plus enclins à considérer la valeur esthétique, à diffuser une parole qui auraient de facto éliminé la co-notation péjorative assimilée à la sémantique « de genre », comme si le « genre » était, de prime abord, à mettre de côté, quand la vocation première du cinéma reste de brasser large, et donc de ne pas avoir une voie académique/classique qui se distingue des autres genres …
Non, Lucky Strike n’est pas la nouvelle bombe du cinéma coréen, on vous ment ! Non, le cinéma coréen n’est pas devenu meilleur qu’il n’était, il continue son entreprise, et il reste intéressant dans sa production artistique, mais aussi dans son enracinement industriel.
Mais regardons l’objet en lui même maintenant. Il se fait fort de respecter scrupuleusement chacun des codes du genre (nous y revenons), et, à ce niveau, la note est bonne. Nous dirions donc, si nous étions professeur: « travail appliqué qui respecte bien les consignes: un peu de noir, du sang, des railleries policières, un peu de moiteur, du labyrinthe, une image bien travaillée sur son noir et son flashy, du mouvement incessant, vous avez bien compris les consignes ». Mais nous rajouterions également, « mais n’auriez-vous pas pu chercher une voie plus personnelle ? N’auriez-vous pas pu creuser davantage les intentions de vos personnages, leurs portraits ? N’auriez-vous pas pu chercher, par instant, à assumer pleinement la caricature que vous proposez, et à d »autres, vous en éloigner pour mieux vous recentrer sur un trait réaliste qui nous aurait confondu ? N’auriez-vous pas pu proposer un rythme, une mélodie qui vous soit propre ? N’auriez-vous pas pu fuir les recettes, prendre le risque de déplaire, fuir les consensus ? »
Lucky Strike, en effet, pêche clairement en inventivité, en humour, en psychologie; en plans majestueux, en mystères, en cinéma. Le divertissement proposé s’avère bien banal, et ce dés ces premières images, dés ses premières intrigues, qui nous ramènent aisément dans les productions françaises des années 80 – les bébeleries ou autres flics delonisés.
Ces éléments manquants, Yong-hoon KIM, en bon élève, parviendra peut être à les acquérir avec le temps, en progressant de film en film, mais le mettre sous le feu des projecteurs de façon très commerciale, le survendre, ne l’aide pas ! Le pire étant, qu’il s’agit probablement d’une démarche marketing contre-productive pour l’effet de mode en lui même… En tombant si rapidement dans une logique de « vous avez aimé ceci alors vous aimerez cela… », l’effet produit sera probablement contraire à celui escompté … Aussitôt apparue, l’estime, la marque d’intérêt au geste artistique va retomber, se remplacer par un label industriel falsificateur, aussi anodin qu’insipide comme peuvent l’être les étoiles allo-ciné ou sens-critique, dont le sens s’avère, à viser la moyenne, précisément celui de la meute, et non de l’éclairage avisé.
Non vraiment, quitte à découvrir un bon thriller noir, plein d’humour, poisseux comme il en faut, qui nous emmène dans un univers labyrinthique impressionnant, autant revoir Fleuve Noir qui n’avait pas fait tant de bruit…
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