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La bête de Bonello, peu inspirant …

Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour. Mais une peur l’envahit, le pressentiment qu’une catastrophe se prépare.

Bonello nous déçoit comme rarement. Certes, La bête ne manque pas d’ambitions, ni sur le fond ni sur la forme. Certes, nous reconnaissons la patte Bonello, et quelques figures ne nous y trompent pas.

Ainsi retrouvons-nous pêlemêle une interrogation sur les liens entre des époques très lointaines (ramener le passé au présent), une fascination quasi fétichiste sur le mannequin, les poupées, la mode, ce qu’ils renvoient de l’homme, une fusion de différents genres de cinémas, un emprunt à des références assumées, une très haute importance accordée au geste artistique, littéraire, à la primauté de la musique et de l’ambiance, une recherche esthétique assez totale, où la forme nait d’un assemblage soigneux, très réfléchi et contrôlé. Nous ne pouvions donc qu’être curieux de ce que Bonello saurait faire de cette nouvelle qui a déjà inspirépeu de temps avant lui Patrick Chiha (La bête dans la jungle). (deuxième fois que Bonello voit l’un de ses projets doublé par une autre projet similaire sur l’intention – après Yves Saint Laurent)

La proposition de Chiha, a su séduire le public exigeant de la Berlinale -un peu plus que le public français, par sa singularité, son caractère relativement hypnotique en ce qu’elle parvient à renvoyer un récit de l’époque victorienne à nos jours, tout en conservant une qualité d’observation du temps qui passe: ces modes , ces apparences, ces danses qui changent sans que le fond, l’aspiration à la vitalité portée par une jeunesse qui se cherche, se séduit, s’évade d’une réalité.

De ce matériau quasi Proustien, comportant une touche fantastique, mystérieuse, évoquant des mythes comme une réflexion philosophique sur le caractère évanescent du temps, de la jeunesse et de la beauté, nous pensions que le réalisateur de L’apollonide, Souvenirs de la maison Close, saurait le concilier avec son propre art pour pousser l’effet hypnotique un cran plus loin, pour y apporter sa propre part de mystique. Manifestement, l’intention artististique se situait là.

Mais, làs, Bertrand Bonello, à vouloir s’aventurer sur des territoires cinématographiques qui ne sont pas les siens, qu’il adule probablement, s’y est totalement pris les pieds dans le tapis. Bonello n’est pas Resnais, a-t-il pu se dire notamment. Il n’est en tout cas manifestement ni Nolan, ni Glazer et encore moins Lynch, auxquels La Bête nous a renvoyé, sans subtilité. L’ouverture épurée si proche de celle d’Under The Skin (elle même pas si éloignée de celle de Barbarella en faisant preuve d’un peu de sagacité), Léa Seydoux, plutôt perdue en ersatz française de Scarlett Johanson, les interrogations sur la possibilité de mondes parallèles qui communiquent les uns aux autres, soit technologique (Nolan), soit par une forme d’inconscient, une force mystique indéterminée (Lynch), rien de tout cela ne nous convainc pris séparément, la copie rendue ne valant pas du tout la copie originale. Pire, à trop s’éparpiller, à se dérouter en permanence sans ligne de conduite esthétique affirmée, le film comme son propos viennent à en perdre en cohérence, en force, qui plus est quand les inserts de science fiction ou les réflexions sociétales sur l’intelligence artificielle nous semblent tout droit sortis d’un cerveau en cage, confiné et inspiré principalement par les mesures gouvernementales anti-covid, jusqu’à ce générique en QR code. Certes, nous partageons avec lui cette vision de la tristesse de l’évolution que les nouvelles technologies semblent nous promettre et leurs premiers effets sur les comportements sociaux, mais, bon sang, que cela vient-il faire dans une adaptation d’un texte d’Henri James ? D’autant plus dommage, que nous tenons le cinéma de Bonello d’une manière générale en haute estime – sa filmographie dans son ensemble est d’une grande valeur, sur le fond comme sur la forme (il n’en est pas à son premier essai de cinéma fusion dirons-nous, et d’autres tentatives furent bien plus heureuses) , et plus encore les références ici utilisées (Lynch et Glazer, et non Nolan sur lequel nous sommes a minima circonspect).

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