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De toutes mes forces de Chad Chenouga : attention grand film !

Mis à jour le 4 mai, 2017

Nassim est en première dans un grand lycée parisien et semble aussi insouciant que ses copains. Personne ne se doute qu’en réalité, il vient de perdre sa mère et rentre chaque soir dans un foyer. Malgré la bienveillance de la directrice, il refuse d’être assimilé aux jeunes de ce centre. Tel un funambule, Nassim navigue entre ses deux vies, qui ne doivent à aucun prix se rencontrer

Il est étonnant que De toutes mes forces n’ait pas été en sélection dans une des compétitions cannoises. Il a cependant obtenu le Grand Prix Sopadin du Meilleur Scénariste.

Le film commence par l’histoire d’un lycéen, parent de sa mère, mais qui n’en laisse rien paraître. Il s’absente une soirée et quand il rentre, elle est morte… suicide, surdose médicamenteuse ? Même lui ne le sait pas, c’est écrit dans un dossier auquel il n’a pas accès. Cette brutale disparition engendre, bien sûr, une culpabilité et un désarroi énormes. Comme  souvent dans ce genre de situation, sa tante, lâche, refuse de s’occuper du très jeune homme, qui est placé  dans un foyer.  Sa réaction naturelle, de façon tout aussi réaliste,  est de le cacher à ses amis de son lycée huppé. Il prétend alors être à la charge d’un oncle qui le gâte et le fait voyager.

Le quotidien de Nassim ? Éducateurs, ASE (Aide Sociale à l’Enfance)… Dandy, intelligent, Nassim paraît prétentieux et différent des wesh du foyer, pourtant sa personnalité va se modifier à leur contact. En plus de traverser un drame et un abandon criant, il traverse sa crise d’adolescence et les premières amours…


Nous n’avons que du bien à dire de De toutes mes forces. Le casting -sauvage- est parfait, aucun rôle n’est indigent ou accessoire. Le personnage de la mère ne paraît que quelques minutes à l’écran. Pourtant ce passage marque tant il est incarné avec force. Il en émane une grande beauté, un contraste saisissant entre le sentiment d’amour et celui du désespoir.
Nous retrouvons, dans le rôle d’une fille de foyer s’acharnant sur son concours de médecine, l’excellente Jisca Kalvandra, qui nous avait déjà ébloui dans Divines. Khaled Alouach crève l’écran, tant dans son interprétation d’un personnage complexe que par sa cinégénie. Les pensionnaires du foyer (dont certains sont pour la plupart dans leur propre rôle) ainsi que ceux du lycée existent en plein écran, tous aussi charismatiques, dirigés et écrits que les personnages principaux. Étonnamment la seule interprétation sur laquelle nous aurions un peu de réserve est celle de Yolande Moreau, qui, bien que césarisée, commet quelques faussetés de jeu, plus à l’aise dans ses rôles à l’ouest -notamment chez Kervern et Délépine.


Chad Chenouga parvient à transmettre sans artifice cinématographique les états intérieurs des personnages : lorsqu’il se retrouve ivre, drogué, confus mentalement, nous sommes aussi ivre, drogué, confus. Cette capacité à nous infuser cela est la marque d’un très bon cinéaste, sinon d’un très grand cinéaste. Bien que le sujet, autobiographique, soit lourd, le film n’est en rien glauque ou déprimant, bien au contraire. Les scènes -véritablement- drôles sont aussi nombreuses que les scènes plus graves. Celle où Nassim, un rien érudit, essaye d’expliquer à un comparse du foyer la signification du mot « subterfuge » est déjà culte. Les adolescents du foyer ne sont pas des gens qui s’apitoient sur leur sort, et ne sont en aucun cas filmés d’une manière pesante, qui, par trop de naturaliste, viendrait appuyer un quotidien « social » -pourtant le réalisateur est fan de Ken Loach. De toutes mes forces va à l’encontre des frères Dardennes, et autres cinéastes de la même veine, de la même école filmique. Ces jeunes sont si vivants, jeunes et soudés qu’ils sont la vie même. De toutes mes forces est un film incomparable mais cependant on peut, pour vous donner une idée de mélange des mondes et de fraîcheur vitale, faire référence à L’esquive de Kechiche.

De toutes mes forces est, on l’a déjà dit, autobiographique. Il s’agit d’une des meilleures sublimations que nous ayons eu le loisir de voir.

Rares sont les films qui nous cueillent ainsi, sans qu’on ne s’attende à rien, et nous donnent tant de forces vitales. Passer à côté serait équivalent à rater une bonne Palme d’Or – beaucoup de Palme d’Or ne sont pas aussi jouissives et singulières.

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