Yeo Siew Hua propose avec Stranger Eyes, son troisième long métrage en compétition à la Mostra de Venise, un cinéma très proche de celui d’Haneke, plus exactement de ses débuts. Minutieux, très précis car très étudié, le réalisateur Singapourien soigne ses cadres et en joue (le fameux cadre dans le cadre, l’image dans l’image, ou plus justement, la vidéo dans le film). Vidéo pièce à conviction, objet de vérité, à plus d’un titre. En optant pour une narration très progressive, un fil où le moindre détail revêt (ou pas) de l’importance, nous pénétrons dans un jeu de piste, parfois très intime, qui entretient un mystère et une tension permanente. Malin, très malin même, Yeo Siew Hua interroge le dispositif: il nous perd dans un dédale de conjectures, tout en filant, et l’art réside ici, une logique impeccable.
L’atmosphère instaurée, qui use et abuse d’allers retours entre un cadre extérieur (l’enquête, l’action), et un cadre plus intime, intérieur (les vidéos amateurs du suspect principal), alimente un thriller psychologique perspicace, dynamique et intelligent. Seule ombre au tableau, une fois l’intrigue principale semble-t-il résolue, ce qui nous aurait semblé une jolie fin, démarre une variation de celle-ci, sensée prolonger l’effet premier. Au contraire, par effet de trop plein et de surenchère, Yeo Siew Hua s’écarte alors de l’univers hanekien qu’il avait si patiemment approché. Cette prolongation, certes inattendue et surprenante, vient altérer les vertus de patience et de parcimonie. dont l’auteur faisait jusqu’ici preuve, pour nous proposer des maximes pseudo-énigmatiques comme nous en trouvons pléthores dans les thrillers de second rang. N’eut été cette propension soudaine à trop en faire, dans une compétition relativement peu relevée cette année encore à Venise, Stranger Eyes se serait imposé comme notre Lion d’Or.
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