Mis à jour le 30 septembre, 2018
La sélection de la 75ème Mostra de Venise était, comme souvent à Venise, très disparate, pour ne pas dire très inégale.
Autant à Cannes, les propositions en sélection officielle sont, en général, des propositions assez singulières vis à vis de ce que l’industrie cinéma produit au quotidien – quoi que les films américains échappent parfois à cette règle, qaund il s’agit d’inviter des stars sur le tapis rouge- , autant à Venise, une place a de tout temps été accordée en sélection au cinéma « tout public », et la dernière édition en atteste puisque Guillermo Del Toro – président du jury de cette édition 2018 – était reparti de la Mostra 2017 avec le lion d’or pour La forme de l’eau, une sorte d’E.T. revisité, qui ostensiblement cherche à plaire au plus grand nombre.
Ainsi la sélection 2018 comportait des films plus ou moins exigeants, plus ou moins faciles d’accès, et pour notre part nous avions remonté que deux films se dégageaient très nettement des autres, pour leur exigence intellectuelle, à savoir Nuestro Tiempo et Capri, Revolution. Nuestro Tiempo est une réflexion de C. Reygadas sur le couple, sur le désir, sur l’amour, mais aussi et surtout une mise en abyme mi-poétique, mi-philosophique de ses propres conceptions. Reygadas y joue un personnage que l’on peut supposer être son double qu se voit contrarié lorsque l’amour (libre) qu’il voue à sa femme est mis à l’épreuve d’une réalité bien différente, le ressenti de sa compagne, son désir d’émancipation, son processus de redécouverte d’elle même après s’être sentie écrasée. Capri, Revolution est quant à lui une oeuvre très particulière qui convoque différents sens pour porter une réflexion sur la fin d’une époque particulière, laquelle peut résonner avec les temps présents.
Làs, le palmarès du jury emmené par Guillermo Del Toro s’est clairement positionné sur un choix bien différent, en récompensant Alfonso Caruon pour un film Netflix certes correct – Roma, mais très passe-partout et sans réel éclat selon nous, très loin du chef d’oeuvre vendu par certains en tout cas.
Faut-il y voir du copinage ? Del Toro a certainement voulu précéder une telle critique, en insistant en conférence de presse sur le fait que le processus de délibération du jury fut démocratique et que cela lui tenait à cœur.
En tout cas, deux autres films trouvent leur compte dans ce palmarès, de manière surprenante le très imparfait The nightingale de Jennifer Kent, – prix du jury et Meilleur acteur espoir, et de manière beaucoup moins surprenante le baroque The favourite de Yorgos Lanthimos, qui repart avec le grand prix du jury et le prix de la meilleure actrice pour Olivia Colman -Natalie Portman eut été notre choix, quoi que Vox Lux ne soit pas mémorable.
The Nightingale est un survival movie qui appuie sur la violence, démarre bien mais ensuite sombre dans une trivialité rédhibitoire pour nos yeux de critique, quant à The Favourite, on peine à se souvenir d’un film de Lanthimos qui soit aussi limpide, aussi accessible, et comme il est formellement plutôt joli, la récompense qui lui a été accordée fait pleinement sens.
Ah on oubliait, et pas des moindres, Audiard repart avec le prix du meilleur réalisateur, pour Les frères Sisters, Willem Dafoe avec le prix d’interprétation (il est le Van Gogh de Schnabel) tandis que les frères Coen sont récompensés pour le scénario de The Ballad of Buster Scruggs . On sent là encore une grande volonté de consensus, le film d’Audiard est réussi, bien meilleur notamment que Dheepan qui lui valut – année de disette oblige – une palme d’or, le Coen relève plus de l’exercice de style que de la pleine réussite, l’interprétation de Dafoe est bonne sans être bluffante.
N’empêche, ouf, le plus mauvais film de la sélection 22 Juillet ne figure pas au palmarès, là on aurait été méchant !
Voici donc le palmarès de la sélection officielle:
Lion d’Or du meilleur film:
Roma d’Alfonso Cuaron
Lion d’Argent, Grand Prix du jury:
The Favourite de Yorgos Lanthimos
Lion d’Argent de la meilleure mise en scène:
Jacques Audiard pour Les Frères Sisters
Prix du meilleur scénario:
Joel et Ethan Coen pour The Ballad of Buster Scruggs
Prix spécial du jury:
The Nightingale de Jennifer Kent
Coupe Volpi de la meilleure interprète féminine:
Olivia Coleman dans The Favourite de Yorgos Lanthimos
Coupe Volpi du meilleur interprète masculin:
Willem Dafoe dans At Eternity’s Gate de Julian Schabel
Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir:
Baykali Ganambarr dans The Nightingale
Lion d’Or d’honneur:
Vanessa Redgrave / David Cronenberg
ainsi que les autres palmarès:
Prix Luigi de Laurentiis
Meilleur premier film (toutes sélections confondues): Yom Adaatou Zouli (The Day I Lost My Shadow) de Soudade Kaadan (en sélection Orizzonti)
Orizzonti
Meilleur film: Kraben Rahu de Phuttipohong Aroonpheng
Meilleur réalisatrice: Emir Baigazin pour Ozen
Prix spécial du jury: Anons de Mahmut Fazil Coskun
Meilleure actrice: Natalya Kudryashova dans The Man Who surprised Everyone de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov
Meilleur acteur: Kais Nashif dans Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi
Meilleur scénario: Jinpa de Pema Tseden
Meilleur court métrage: Kado d’Aditya Ahmad
Venice Virtual Reality
Meilleur VR: Spheres d’Eliza McNitt
Meilleure expérience: Buddy VR de Chuck Chae
Meilleure histoire: L’île des morts de Benjamin Nuel
Venezia Classics
Meilleur film restauré: La notte du San Lorenzo de Paolo et Vittorio Taviani
Meilleur documentaire sur le cinéma: The Great Buster: a Celebration de Peter Bogdanovich
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