Deux adolescentes, Autumn et sa cousine Skylar, résident au sein d’une zone rurale de Pennsylvanie. Autumn doit faire face à une grossesse non désirée. Ne bénéficiant d’aucun soutien de la part de sa famille et de la communauté locale, les deux jeunes femmes se lancent dans un périple semé d’embûches jusqu’à New York.
Never Rarely Sometimes Always appartient à ce genre de film que l’on estampille naturellement Sundance. Le film américain indépendant bien fait et touchant par excellence. Il n’embrasse qu’un seul objectif et ne s’en écarte jamais. Comme s’en expliquait Eliza Hittman, la réalisatrice, lors de la conférence de presse du film à Berlin, l’avortement reste un sujet fortement d’actualité aux Etats-Unis, et un combat pour de nombreuses femmes, quand par ailleurs les conservatismes se font de plus en plus influents et radicaux.
Le sujet de Never Rarely Sometimes Always suffit à lui-même pour émouvoir, interroger, choquer, provoquer. Elisa Hittman en était convaincu et elle n’avait pas tort.
Il ne lui suffisait que de s’employer à « dramatiser » son récit, à proposer un parcours d’un point A à un point B qui sonne vrai, qui en dise long sur les protagonistes, et au delà d’eux, sur l’Amérique tout entière. Il ne lui suffisait que de trouver les bons ingrédients artistiques, d’épouser la forme appropriée.
L’école du cinéma indépendant américain s’observe d’années en années à Sundance (puis souvent à Deauville), l’absence de moyens – comparativement aux productions hollywoodiennes – remet souvent le cinéma américain sur des rails qui nous sont plus chers, ceux du message social fort, de la résistance, de la réflexion par l’image, mais aussi et surtout ceux du regard personnel, de la forme plus libre, qui laisse la place à des univers singuliers, à des moments d’émotions et de sincérité que le grand spectacle interdit.
Arrivée toute en humilité, très pédagogue sur ses intentions, et à l’écoute sur le ressenti des journalistes, lors de la conférence de presse, la réalisatrice américaine ne s’attendait certainement pas à repartir de la Berlinale avec un Ours d’argent, un grand prix du jury, sur lequel nous mettions de notre côté une pièce.
Outre la subtilité du ton, la pudeur, la tendresse, les nuances qu’il recèle, le film marque également en ce qu’il bénéficie d’une interprétation très sensible et juste de ses deux actrices principales, Sidney Flanigan, Talia Ryder, qui forment à l’écran un duo magnétique, mâtiné d’une forme d’innocence, reflet tout à la fois d’une grande sincérité, mais aussi, du cynisme de l’époque. Précisément, la sincérité, la naïveté qui consiste à s’y rattacher, s’avère peut être le matériau qui rend le propos si universel, si juste, et si dur.
La jeune actrice principale, Sidney Flaningan à qui nous pensions que l’ours d’argent de la meilleure actrice serait remis, symbolise par ses regards, ses non dits, ses attitudes, mais aussi sa voix lorsqu’elle vient à chanter, tous les états d’âme par lesquelles elle passe, interrogeant simplement la question de l’avortement de l’intérieur, mais aussi plus globalement, la question de la condition féminine. Par effet double de contraste et de relief, un autre sentiment s’invite dans les thématiques principales, celui de l’amitié et de la solidarité, qui là encore, permet d’interroger le spectateur, cette fois sur quelque chose de tout aussi fragile, par un effet miroir qui lui est proposé. Le combat principal que mène la jeune fille (sa quête pour avorter) n’est pas sans conséquence sur sa psychologie, sur son son rapport aux autres, et le soutien que lui apporte son amie qui décide d’embarquer avec elle, constitue le ciment essentiel sur lequel elle peut s’appuyer pour garder courage face aux aléas, aux moments difficiles. La subtilité réside en ceci que, précisément, l’amitié soumise à l’épreuve, peut, elle même, devenir une épreuve fille, lorsque les éléments contraires accumulés, ont pour conséquence le repli sur soi, la perte de connexion à l’autre…
Nous ne pensons pas prendre un grand risque à vous conseiller de vous laisser tenter par Never, Rarely, Sometimes, Always, dont on imagine aisément qu’il pourrait vous communiquer les émotions qu’il renferme et cherche à transposer de façon juste.
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