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Lee Miller d’Ellen Kuras, un biopic trop classique pour une figure si extraordinaire

Mis à jour le 26 octobre, 2024

L’incroyable vie de Lee Miller, ex-modèle pour Vogue et muse de Man Ray devenue l’une des premières femmes photographes de guerre. Partie sur le front et prête à tout pour témoigner des horreurs de la Seconde Guerre, elle a, par son courage et son refus des conventions, changé la façon de voir le monde.

Comment raconter la vie de Lee Miller, énième femme que les manuels d’Histoire ne mentionnent pas, au talent et à la tenacité pourtant indescriptibles ? Comment réaliser un biopic d’une personnalité si complexe, ayant vécu mille et une vies ? La réalisatrice Ellen Kuras ne semble malheureusement pas avoir répondu à la question. Car si l’histoire de la jeune femme et le casting cinq étoiles promettaient tous deux une adaptation palpitante, le film qui en découle est loin d’être à la hauteur. 

D’abord, la narration se construit sur un axe relativement classique ; Lee Miller se remémore son existence au micro d’un journaliste qui la sollicite. Un récit (en voix off) destiné à un interlocuteur externe : une technique vue et revue mais bien mieux maîtrisée par exemple dans les films d’Orson Welles (Citizen Kane), ou de Baz Luhrmann (The Great Gatsby). La vie de la photographe défile donc sur l’écran, dans un ordre chronologique relativement simple lui aussi ; Ellen Kuras prend le spectateur par la main pour lui montrer de façon presque enfantine l’évolution de Lee Miller, au fil des années et des évènements. Le « plot twist » final n’égaye en rien ce choix traditionnel de narration. 

Crédit : Roadside Attractions/Courtesy Everett Collection

À cela s’ajoute une esthétique certes léchée mais à l’univers bien « trop propre » pour nous immerger dans le réel de la Seconde Guerre mondiale. En effet, pas une tâche sur le costume des militaires américains ou sur celui de la journaliste, bien que cette dernière sillonne l’Allemagne « sans se doucher durant des jours ». Et si des tâches apparaissent, elles demeurent toujours artificielles. Au même titre que le nombre de clichés présents dans le film sur l’époque de l’avant-guerre, comme cette réplique de Lee Miller : « Quand on est une fille, il nous arrive pleins de choses terribles », adressée à son confrère du Life, David Scherman (Andy Samberg). En pleine seconde guerre mondiale, cette phrase semble plutôt vouloir assoir et rappeler – sans cesse – l’ambition féministe du film. Même chose lorsque la photographe intervient dans une tentative de viol ; à trop appuyer sur la corde « héroïque » d’un personnage, l’effet inverse s’invite: l’admiration du spectateur à son égard disparaît petit à petit. D’autant que, dans ce cas précis, la vie et le travail de Lee Miller se suffisent à eux mêmes pour qualifier cette femme d’extraordinaire (et de féministe).

Seul point positif, la performance de Kate Winslet également productrice, qui porte le film à bout de bras, tentant désespérément d’incarner l’aspect indépendant, libertaire et avant-gardiste de son personnage tout en composant avec le côté parfois rétrograde du scénario qui omet par exemple d’évoquer la relation d’adultère qu’entretînt Lee Miller avec David Scherman. Sexualisée dès son premier grand rôle dans Titanic (James Cameron), l’actrice rompt avec son image de sex symbol – comme le fait plus ou moins consciemment Vincent Vega dans Pulp Fiction (Quentin Tarantino) – en ressemblant vraiment à une femme de son âge. 

Crédit : Kimberley French / © Roadside Attractions / courtesy Everett Collection

Le long-métrage puise donc son unique force dans la vie passionnante de son personnage principal et dans le jeu de son actrice phare mais ne parvient pas même à transmettre une quelconque émotion. Constat d’autant plus frustrant que la réalisatrice aurait pu aborder à travers Lee Miller des sujets passionnants comme le pouvoir politique des magazines de mode.

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