Mis à jour le 2 novembre, 2019
Marco Bellocchio proposait ce jeudi soir, en ouverture de La Quinzaine des réalisateurs, Fais de beaux rêves, un film tiré d’une autobiographie d’un journaliste Massimo Gramellini.
Au casting, nous retrouvons deux actrices françaises – la production est franco-italienne, on se souvient que Bellocchio a déjà dirigé Béatrice Dalle, Isabelle Huppert ou bien encore Maruschka Detmers.- : Bérénice Béjo en femme médecin séduisante et séduite,
Emmanuelle Devos en mère idéalisée. Il est affaire de femmes, d’amour vous l’aurez compris. Ceci étant dit, le sujet n’est pas tant leur présence, mais leur absence. Car Marco Bellocchio s’attaque à un projet particulièrement difficile, celui de dresser le double portrait d’un homme blessé. L’équilibre ne peut tenir que sur un fil, les sentiments des hommes sont très rarement auscultés – qui plus est avec la maestria d’un Bellocchio – de ce que côté-ci du spectre. D’aucuns se serait attaché aux conséquences des blessures plus qu’à ses causes. D’aucuns y verrait un sujet pleurnichard, car comme tout le monde le sait – notamment dans le cinéma d’arrière garde ou dans les action movies, seules les filles pleurent, seules les filles ont le vague à l’âme.
Bref, le projet de Bellocchio avec Fais de beaux rêves consiste précisément à s’arrêter, et à mettre le focus tout entier, sur un pan presque oublié de la masculinité – et ce ne sont pas les italiens qui diront le contraire – l’attachement à la mère. Ce sujet permet à Bellocchio, une fois de plus si cela était nécessaire, de s’affirmer comme un très bon réalisateur. Ses techniques sont simples: une narration douce, millimétrée, une qualité de portraitiste hors pair, un temps oscillant entre flashbacks éloignés et nostalgiques – le plus souvent, contant l’enfance, son innocence, le socle fondateur, flashbacks plus rapprochés, contant l’âge adulte, le chemin
suivi, et le temps présent, où la blessure refait surface et avec elle la vérité. Cette valse à trois temps s’orchestre à l’écran élégamment, et en musique. S’il faut chercher un fil conducteur,
outre Massimo il va sans dire, il est à chercher du côté de la construction de l’imaginaire issue de l’enfance, des remparts qui y sont fondés, de Belphégor.
Bellocchio scrute les causes vous disait-on, plus que les conséquences, même si celles-ci ne sont pas occultés, elles ne sont pas tapageuses. Les silences, les regards, les sentiments perçus en disent bien plus long que les dialogues; de nombreux indices sont disséminés ici ou là, sans effet de trop plein, dans un grand souci de justesse. Nécessairement, presque mécaniquement, le film parvient à toucher. Sans être particulièrement intime, sans être voyeur, sans être flamboyant ou chevaleresque, sans être de mille éclats, sans être minimaliste ou métaphorique, le portrait se construit, trait après trait, et la part de tendresse qu’il comporte indéniablement nous saisit.
Le public a d’ailleurs très bien accueilli le film !
Soyez le premier a laisser un commentaire