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Sound of Falling de Mascha Schilinski

Mis à jour le 30 mai, 2025

Un film de Mascha Schilinski

Avec: Luise Heyer, Lena Urzendowsky, Claudia Geisler-Bading, Lea Drinda, Hanna Heckt, Laeni Geiseler, Florian Geißelmann, Andreas Anke, Susanne Wuest, Gode Benedix

Quatre filles de quatre décennies différentes grandissent ensemble dans une ferme et semblent être liées les unes aux autres.

Mascha Shilinski pour son deuxième film frappe très fort, et à n’en pas douter, Sound of Falling devrait parler à Reygadas, et probablement à Juliette Binoche. Si nous nous rendons en festival d’années en années, avec un enthousiasme que même la billetterie à 7h ne parvient pas à entacher, (et pourtant), c’est précisément pour que les comités de sélection osent de telles propositions. Non pas que Sound of falling soit un film réjouissant, il en est peut être même le contraire, mais il obéit à une intention artistique des plus nobles, celle de se lancer dans un projet ô combien risqué, brisant tous les codes narratifs, de mise en scène, s’évertuant à quelques concepts radicaux, dans une logique expérimentale et sensorielle. Très ostensiblement, la jeune réalisatrice s’éloigne des règles de continuité scénaristiques, cherchent à proposer une nouvelle voie narrative, comme peuvent le faire des artistes visionnaires. Toute la grammaire cinématographique, ou presque est revisitée, au point que l’on s’interroge sur la virginité d’inspiration. Ces images tantôt subjective (l’oeil d’une protagoniste) tantôt sensorielle (une rêverie, une sensation), cette musique jamais accompagnatrice ou soulignante mais toujours parfaitement intégrée avec ce que l’on voit, ressent, par le prisme du personnage, ce labyrinthe narratif, ces passerelles entre époques et situations intégrées sous formes de transition presque naturelles, multidimensionnelles, ne les aurions-nous pas déjà ressentis chez feu Lynch ? La poésie et la réflexion sur la Mort, le jeu de clair obscur permanent (magnifique travail photographique et plus particulièrement sur la lumière), l’image carrée, ne rappellerait il pas les expérimentations si chères à Reygadas (Post Tenebras Lux) ? La force ténébreuse, l’emprise d’un destin qui échappe à ses personnages et les condamne, tel un motif sans fin, la noyade qui revient comme échappatoire, et surtout, la recherche d’une texture d’image multiples, en fil conducteur, pouvant permettre au spectateur attentif (après plusieurs visionnages, pour reconstruire le puzzle ici rendu dans sa forme la plus brute, éclatée, les pièces en désordres) ne serions-nous pas dans le Mirroir voire le Sacrifice de Tarkovski ? La réflexion sur l’Allemagne, des années 1900 à nos jours, cette traversée d’une époque avec comme motif commun une maison, et une famille, l’influence d’Haneke ne pourrait-elle pas se faire sentir ? Le sound design très travaillé, là aussi pour rendre compte de sensations, mais aussi, jouer le rôle de points de repère, la suggestion de fantômes, le jeu des narrateurs omniscients interchangés, parfois venant même de l’au delà, ne friserait-on pas le genre comme peut l’affectionner par exemple Kyoshi Kurosawa ou même Ari Aster? Le critique débutant, comme le plus émérite peuvent aisément compléter cette liste de manière quasi infinie, laissant à émettre l’hypothèse d’un élan opposé: et si Mascha Shilinski avait tout simplement fait fi de toute règle, de tout précepte empreinté, de tout travail préparatoire trop contraignant pour au contraire se fier à son instinct, pour écrire son film comme s’écrirait un morceau de free jazz, en partant de quelques idées sensorielles, et, à la manière d’un Godard, en les testant grandeur nature au fur et à mesure, dans un vertigineux travail de remise en ordre, pour livrer non pas le portrait global sur lequel nous pourrions nous spectateur donné un nom, mais au contraire, en donné sa réflexion dans un miroir, brisé, éclaté, brillant de mille feux et rappelant constamment la fragilité de l’existence. Sound of Falling ne peut laisser insensible, et pour véritablement le percevoir, dans son intégralité, à l’instar des derniers Tarkovski, ou des meilleurs Lynch, une seule vision ne peut suffire à figer totalement son avis. Assurément, il ne s’agit pas de chercher à comprendre, mais de se perdre dans cette infinie de compréhension, assurément, il est demandé au spectateur un effort permanent pour faire le tri entre le naturel, et le surnaturel. Reste ce rythme particulier, cette sensation étrange que le film fait vivre au spectateur invité à partager une noirceur de tout instant, qui en viennent à interroger, et cette thématique centrale qui elle aussi échappe à une analyse triviale, une morale subsiste-t-elle de Sounds of Falling ? Qui chute ? Le fait de ne pas totalement pouvoir répondre à cette simple question nous fait ici dire que l’essai ne vaut chef d’oeuvre, mais nous pourrions revoir notre jugement ultérieurement, quand, au delà de l’esthétique première, nous aurons pris le temps de décortiquer de nouveau cet assemblage si singulier.

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