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PERFECT DAYS

Mis à jour le 25 mai, 2023

Un film de Wim Wenders

Avec: Koji Yakusho, Arisa Nakano, Tokio Emoto, Sayuri Ishikawa, Tomokazu Miura, Aoi Yamada, Min Tanaka, Yumi Asou

Notre avis 1: **

Un homme nettoie les toilettes publique de Tokyo en écoutant du rock dans sa voiture

Perfect Days de Win Wenders a de quoi diviser …Le film commence par porter un regard que l’on pourrait qualifier de sociologique, dans une approche documentaire, autour d’un homme, que l’on apprend à connaître par sa fonction, son emploi, très peu valorisant (pour ne pas dire humiliant) d’homme d’entretien. Wenders choisit ici, à la manière de Wang Bing, de faire ressentir les états d’âmes du protagoniste non pas en les évoquant, non pas en en montrant les conséquences, mais au contraire en en exposant les causes, la répétition de gestes, l’inscription dans un quotidien triste, privé de contacts humains enrichissants, valorisants, remplis de rituels, et de petits moments à soi. En mettant sur le même plan l’avilissement que sa profession lui procure, – mais qu’il a pourtant choisi quelque part, la seconde partie du film nous en exposera, plutôt subtilement non pas les motivations mais les explications familiales, et l’appétit pour l’art photographique et la littérature, de façon très humble, Wenders vise à nous rendre le personnage victimaire, sympathique, touchant. Et il y parvient plutôt habilement, de notre point de vu, même si l’approche narrative, volontairement réduite à peau de chagrin, a par ailleurs de quoi rebuter et contrarier. Le réalisateur des Ailes du désir et de Paris Texas trouve ici une manière de renouveler les effets hypnotiques qui ont pu faire toute la sève de son cinéma, sans avoir nécessairement recours au magnifique, à la beauté des paysages, ou à l’infini spatial. Il malaxe le temps avec une approche nouvelle, et parvient à le suspendre. Mais, dans une seconde partie, dans une logique que l’on retrouve dans la construction de ses œuvres passées, la fiction vient à s’inviter et à chercher à amener le récit ailleurs, à viser d’autres émotions. L’approche documentaire laissait une grande place au ressenti personnel de chaque spectateur, de façon très ouverte, le réalisateur allemand ne peut maîtriser ou contrôler les émotions et interrogations que les images répétées produisent sur les neurones des spectateurs. Quand il vient à introduire, certes parcimonieusement, des éléments narratifs qui appartiennent résolument à la fiction, il entreprend de reprendre le contrôle, de diriger le spectateur vers une réflexion que lui même porte sur notre société, sur les dérives que notre système capitaliste comprend, sur ses limites, ses mécanismes exclusifs, son aspect inique. Mais ce faisant, quelque chose de parfaitement artificiel se met alors en place. Certains s’en émouvront, d’autres s’interrogeront sur le pouvoir narratif finalement plus faible, plus enfermant qu’exerce la fiction comparativement au document. Le parallèle avec le travail de Wang Bing, qui parvient à faire ressortir le fictionnel du document, et même de Tran Anh Hung, qui s’intéressent comme Wenders à la répétition du geste nous vient de suite à l’esprit. Le parallèle avec le cinéma hypnotique des chefs d’œuvre de Wenders s’invite aussi de nouveau dans notre réflexion, là où Paris Texas, où les Ailes du désir parvenaient à former un tout sans coutures, formidablement aidé par des cadres horizontaux infinis, des musiques hypnotiques, des jeux de couleurs permanents, qui venaient illuminer les destinées de personnages errants mais mû par des forces insoupçonnées, force est ici de constater que quelques années plus tard, Wenders a perdu en magnétisme et en force politique. Le constat qu’il dresse, pessimiste, ne s’accompagne d’aucun autre espoir ou échappatoire autre que ceux apportés par la musique des années 70 dans lesquels Wenders semble lui même s’être enfermé, et qui vaut ce titre parfaitement Velvet: Perfect Days. En 2023, les combats et aspirations des 70 semblent bien loin. Etrangement, là où la fiction vise à sous-tirer (et cela a semblé fonctionner sur quelques uns de nos voisins, dont Kore-Eda) des larmes, elle peut avoir un effet bien contraire, celui de sortir du processus hypnotique, de regretter la facilité du motif et des ficelles explicatives, de faire ressortir l’absence d’engagement ou de prise de position, de susciter un parfait désenchantement quand nous étions dans les conditions parfaites à nous laisser guider de manière plus universel vers un combat plus poétique.

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