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Jeunes Mères de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne

Mis à jour le 31 mai, 2025

Un film de Luc DardenneJean-Pierre Dardenne

Avec: Lucie Laruelle, Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy Fokan, Samia Hilmi, Jef Jacobs, Günter Duret, Christelle Cornil, India Hair, Joely Mbundu

Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.

Jeunes Mères des frères Dardenne dés ses premières images nous semble vouloir s’inscrire dans la droite lignée de leur œuvre les plus sociales, et, potentiellement pour nous rappeler au bon souvenir d’Emilie Dequenne, auxquels les deux frères ont rendu hommage juste après la séance officielle au Grand Théâtre Lumière, ouvre caméra à l’épaule en suivant les pas d’une jeune femme qui nous ouvre les portes d’un lieu où se joue tous les jours un petit théâtre de la vie, entre rires et larmes, une maison maternelle, où circulent le personnel encadrant, les patientes, et leurs convives. L’usine de Rosetta laisse ici la place à un endroit où l’humain est considéré, où les questions émotionnelles sont prises au sérieux, au centre de toutes les attentions, où chacun se démène pour accompagner, soutenir, aider. Si le procédé d’immersion, en tout point calqué sur une recette qui fonctionna – avant de lasser – nous renvoie aux premières œuvres des frères Dardenne, profondément centrées sur la question sociale, sur un portrait individuel, les premiers développements nous laissent à penser que l’analogie ne s’arrête pas là, que le drame social qui se met en place cherchera de tout son long à nous faire ressentir toute la difficulté de cette jeune mère, que nous serons invités à partager ses larmes, à mesure que la fonction de la maison maternelle se précise. Au delà de la simple mise au monde de bébés, des questions sociales s’invitent, mais aussi sociologiques, psychologiques voire parfois psychiatriques. Derrière les heureux évènements, des passés traumatiques, un présent difficile, et un avenir incertain. La maison maternelle rappelle en bien des points des foyers sociaux, voire des maisons d’aide à l’enfance défavorisée, où un personnel encadrant tente tous les jours de compenser des manques affectifs. En cela, nous craignons que le pathos trop appuyé, trop calculé (voire manipulé) ne vienne « écraser » les intrigues personnelles tour à tour qui s’exposent à nous, et que nous en revenions aux reproches que nous pouvions faire aux Dardenne, qui alors en panne d’inspiration, ne parvenaient pas à se renouveler, ou tout au contraire, nous pouvions aussi craindre que le récit d’ensemble ne s’enlise dans l’ordinaire, comme ce fut parfois le cas lorsqu’ils en venaient à nous proposer des récits fades, surtout quand ils embrassaient l’objectif de verser dans la question politique, et s’attaquaient à un sujet qu’ils traitaient avec beaucoup de distance, quoi que la matière documentaire eût pu la nourrir. Mais un élément vient nous en divertir quelque peu et à nous intéresser, à compenser cette impression « de classicisme » qui s’installe en nous, le renouvellement de l’écriture, plurielle, qui s’intéresse pour l’une des premières fois non plus à un personnage central et son entourage, mais cherche davantage à livrer un portrait collectif, à nous relater des chroniques, voire des nouvelles. Le littéraire s’invite pour une fois, de façon plus évidente, au delà de la nature documentaire évidente, une fiction nous est proposée, sélectionnant ses instants, les concentrant, tout en gardant une facture naturaliste que la mise en scène des Dardenne n’a jamais quitté, et que l’absence de musique renforce. Le développement de chacune des nouvelles, la découverte de chacune des jeunes mères, les problèmes qu’elles rencontrent, ou la manière dont elles interagissent entre elles, ou leur entourage, manque cruellement d’une poésie que l’on rencontre dans des films similaires – nous pensons notamment à des films indépendants américains- et nous laisse de ce fait sur notre faim, quoi que le tout ne manque pas de sèves, quoi que l’équilibre d’ensemble se révèle plutôt habile, subtilement dosé entre difficultés d’ordre psychologiques, et projections vers un autre possible. Tout semble annoncer cependant un enfoncement, un drame, des évènements contraires, ou une continuité dramatique dont nous pourrions voire devrions nous émouvoir. La fameuse recette. Le tire larme efficace. Les larmes nous viendront, oui, à l’image de cette journaliste américaine d’un média de renom qui s’adressera aux frères en conférence de presse avec beaucoup de difficultés, tant l’émotion l’envahissait, 14h plus tard, par ce que le film avait remué en elle, par rapport à son propre parcours de jeune mère. Mais par surprise, au moment où nous ne les attendions plus, et surtout, des larmes très différentes de celles que nous escomptions. Des larmes d’espoir, une lueur dans la nuit, un motif d’espoir soudain, qui nous cueille. Ce « twist », ce revirement narratif, vaudra probablement aux Dardenne de se retrouver de nouveau au palmarès (nous mettons une pièce sur le prix du scénario, qui nous semblerait mérité, mais n’excluons pas non plus le prix d’interprétation collectif pour l’ensemble des interprètes qui chacune semble très proches de leur personnage, totalement concerné par le projet).

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