Mis à jour le 4 septembre, 2024
Un film d’Athiná-Rachél Tsangári
Avec: Caleb Landry Jones, Harry Melling, Frank Dillane, Rosy McEwen, Arinzé Kene, Stephen McMillan, Thalissa Teixeira, Mitchell Robertson
Le film suit la réaction des villageois face à trois nouveaux arrivants, qui deviennent des boucs émissaires dans une période de troubles économiques.
Notre avis: ** (mais à revoir)
Le film nous a déconcerté comme cela fut le cas pour nombre de spectateurs, par sa complexité, notre critique s’en ressent. Nous vous livrons ici une critique que nous nous autoriserons à revisiter ultérieurement lors d’une seconde vision du film.
Certes, la réalisatrice grecque Athiná-Rachél Tsangári instaure dés les premières images une ligne artistique d’ensemble limpide, sans détour, un univers qui se prête parfaitement à la peinture, un décor, géographique, historique, et des habitants, unis par une communauté. Mais très rapidement aussi, ce qui pouvait sembler comme établi, l’époque, les frontières, les identités des personnages, les relations qui les unissent se trouvent radicalement brouillées, jusqu’à la perte de repères et de certitudes. La langue utilisée, qui va du registre moderne (de nombreux « fuck » à l’anachronisme totalement assumée, nous y voyons même une intention réelle du film) au plus ancien, multipliant les termes rares, participe à ce floutage général, que les évènements, peu lisibles, et générant des réactions en chaîne obéissant à une logique qui échappe à une interprétation simple (cause, conséquence) n’éclairent pas davantage. La rationalité laisse la place le plus souvent à l’émotion, à la pulsion, le collectif ou les collectifs sont mus par des ambitions plutôt secrètes, et parfois contradictoires (peur de l’autre, étranger ou différent, confiance en l’autre, en la bonté, attirance doublée de répulsion, archaïsme, peur du destin, du diable, peur du désir ou de s’attacher à l’autre, …) Ce monde qui nous est donné à voir subsiste, sans le savoir il vit ses dernières heures, et, nous l’apprendrons plus tard, dans une grande illusion. Vient alors à notre esprit qu’Harvest, dont la composante politique n’aura pu nous échapper (racisme, féminisme, jeu politique, hypocrisie, apparence, clans, lutte d’influence, séduction de la population…), là où un Mallick se serait lui penché sur la part religieuse et mystique, nous parlerait d’une époque bien plus proche de nous qu’il n’y paraît, où quelques uns se bercent d’illusions, tentent de résister à la modernité et protègent leur mode de vie, mais une époque amenée à disparaître, révolue, balayée par la sirène du capitalisme, qui n’a que faire des résistances utopiques. Ce concept de nous parler d’une communauté fictive dans un temps reculé eut été passionnant si les intentions en eut été plus claires, ou au contraire plus évanescentes, le chaos narratif d’ensemble ne se laissant réellement décoder que par petits instants. Ainsi comprendrons-nous la place des personnages principaux de la communauté assez tardivement, ainsi supposera-t-on une relation d’amitié (d’amour ?) forte entre le chef et son assistant, et supposerons nous également que des drames passées ont ravagé la communauté, beaucoup semblant avoir perdu leur conjoint, dans la lutte. Ainsi serons-nous éclairé également sur la relation qui unit l’assistant, botaniste à ses heures, voire pharmacologue, qui consigne dans un cahier ses notes et illustrations, et cet étrange personnage, géographe de passage, qui cartographie /peint la région. Art et science trouvent ainsi leur représentants, qui naturellement se comprennent l’un et l’autre. Mais les questions resteront entières sur le regard porté sur la question politique et le comportement politique, la loyauté, l’omerta, les ambitions réelles de nos personnages, leurs amours – éteints ou contrariés, leurs envies, leurs revirements de comportements les uns vis à vis des autres, mais aussi, les évènements en eux-mêmes qui auront eu pour conséquence l’implosion de la communauté, quand celle-ci semblait de toute façon, extérieurement, inexorable. De manière très frustrante, ce récit très noir, par sa complexité et sa ligne directrice peu conventionnelle, ne nous aura pas livré tous ses secrets …
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