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Dossier 137 de Dominik Moll

Mis à jour le 20 mai, 2025

Un film de Dominik Moll

Avec: Léa Drucker, Yoann Blanc, Guslagie Malanda, Antonia Buresi, Kévin Debonne, Laurent Bozzi, Dorothée Martinet, Etienne Guillou-Kervern, Aleksandra Yermak

Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité. Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro.

Dominik Moll revient en compétition après la bonne réception de son film précédent déjà présenté à Cannes, La nuit du 12, s’appuyant sur le charme d’un Bastien Bouillon en inspecteur imparfait, une thématique sensible et un traitement en léger décalage, pour précisément sensibiliser. Il reprend un peu la même recette pour un nouveau thriller à la française, sur une thématique différente, plus politique cette fois, mais toujours aussi sensible et normalement très peu connu du grand public. Une sorte d’envers du décor qui nous serait proposé, là où le journalisme s’arrête, mais où le droit prévoit des gardes fous, et là où la politique peut interférer, dans un sens ou dans l’autre. En toile de fond, le fascisme, les petits arrangements du pouvoir, l’utilisation de la force policière au service de l’Etat, les éventuels dérapages, leur traitement et la gestion de leur conséquences sur l’opinion publique. Moll met en scène une enquêtrice de l’IGPN, dévouée, sérieuse, qui prend son métier très à cœur, et il prend le soin de lui donner une identité de « classe moyenne », de l’inscrire dans un quotidien qui puisse la rapprocher du barycentre des spectateurs. Une femme qui a grandi en province, qui a le sens de la justice, qui doit jongler avec son quotidien, notamment l’éducation de ses enfants, en garde alternée avec son père, lui aussi dans la police, mais qui s’est rapproché d’une membre du syndicat de la Police, et donc adhère plus naturellement à une logique corporatiste (de droite dirons-nous). L’analogie avec Deux Procureurs de Lostnitza saute au yeux sur le sujet de fond, beaucoup moins sur la forme. Afin de nous immerger dans son histoire, Moll fait preuve de quelques bonnes idées de mise en scène, notamment en incluant des images d’archives, ou des diaporamas assez saisissant qui font ressortir de manière intense, et assez naturellement, la gravité de la situation, mais aussi sa complexité. Comme souvent Léa Drucker est très juste dans son interprétation, et elle dispose d’un potentiel empathique là aussi naturel, le phénomène d’identification peut aisément fonctionner. L »écriture assez ciselé, le rythme bien étudié, l’évolution de l’enquête puis les rebondissements participent au maintien en éveil a minima du spectateur, pour peu que sa curiosité ne soit pas davantage piquée, peu importe son obédience politique. Nous pourrions alors parler de franche réussite si ces qualités n’allaient de pair avec les défauts qui les accompagnent, là aussi de manière très naturelle. Tout d’abord, l’intensification de l’enquête, à des fins dramatiques, ont pour effet de la rendre artificielle. Si alterner entre scène professionnelle et scène de quotidien, et mélanger les deux, produit son effet affectif, un effet indésirable s’invite de la sorte, l’artificialité du récit. Il nous saute aux yeux que dans son récit Moll a fait des choix, et s’est permis de rajouter des éléments de fiction pour le nourrit, au détriment du réalisme (et donc de la portée politique). Cela eut pu être aisément contrecarré s’il avait, comme dans la Nuit du 12, assumer, comme le font parfaitement les bons thrillers coréens, pleinement la fiction, en appuyant certains traits, en osant aller dans la caricature. Bouillon n’était pas crédible en soi en tant qu’inspecteur, trop imparfait, trop maladroit, et précisément, cette absence de crédibilité dans le dessin de son personnage, nous rapprochait non de son personnage, mais du récit en lui même, du sujet. Ici, le phénomène inverse se produit. Léa Drucker n’a rien à se reprocher, son jeu est d’un grand professionnalisme, d’un grand sérieux. Moll a pensé son personnage comme une femme sérieuse., elle manque clairement de fantaisie ou d’un côté sombre qui aurait pour effet non nécessairement de la rendre plus crédible mais de nous embarquer avec elle. Les bonnes idées de mise en scène séduisent au départ, mais elles en viennent rapidement à devenir des motifs répétés, en guise de liaison. Et puis, Moll n’y peut rien, mais un tel sujet aurait, à nos yeux, mériter une prise de position franche, un traitement de choc. En lieu et place, il fait le choix de prendre des précautions, de chercher à ne pas fâcher même ceux qui ne partageraient ses opinions sur les faits, à ne pas mettre d’huile sur le feu. Mais quand il s’agit de dénoncer le fascisme, la montée des idées fascistes, l’utilisation abusive des LBD lors des manifestations, de dénoncer des scandales tus et étouffés, précisément, proposer un brûlot, ne pas craindre la radicalité d’opinion, nous aurait semblé un meilleur choix.

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