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Apolonia, Apolonia de Léa Glob

Mis à jour le 21 décembre, 2023

Un film de Lea Glob
Avec: Apolonia Sokol, Oksana Shachko, Alexandra Tlolka, Hervé Breuil, Stefan Simchowitz, Mike White
Lorsque la réalisatrice danoise Lea Glob commence à filmer la peintre Apolonia Sokol, il ne devait s’agir que d’un exercice d’école de cinéma. Le portrait filmé s’est finalement tourné sur treize années pour se muer en une épopée intime et sinueuse, celle d’une jeune femme artiste, depuis sa vie de bohème au cœur du théâtre du Lavoir Moderne que dirigent ses parents, jusqu’à son ascension dans le milieu de l’art contemporain, en passant par ses études aux Beaux-Arts de Paris. Mais en miroir d’Apolonia, ce sont aussi les destins d’Okasana Shachko, l’une des fondatrices des Femen, et de la réalisatrice, qui se dessinent. Une sororité à trois faces, à l’épreuve du monde d’aujourd’hui.

Apolonia, Apolonia est précédé d’une très belle réputation qui en ferait l’un des documentaires de l’année, à ne pas manquer. Nous ne pouvions qu’en être curieux. Ce projet, qui d’un projet étudiant s’est finalement étalé sur 10 ans, s’articule autour d’une personne Apolonia, une jeune peintre en devenir, que la réalisatrice danoise suit, par amitié, et parce qu’elle pressent que ce procédé lui permettra d’embrasser divers thématiques, que le hasard l’a mènera là où l’art peut mener, que de son sujet naitra des sujets multiples. Et force est de constater qu’à ce niveau là, elle ne s’y est absolument pas trompée. Suivre Apolonia comporte sa part documentaire totalement fortuite et improvisée, que ce soit sur le terrain militant (Apolonia hébergera l’une des Femen les plus célèbres, et vivra avec elle une relation – hélas très peu approfondie et dont on ne sait dire avec certitude si elle relève de l’amitié, de la sororité, ou de l’amour), sur le terrain sociologique – l’observation du milieu artistique parisien dans un premier temps, avant de s’ouvrir à l’international, sur le terrain politique également, lorsque le théâtre de 400m dans lequel Apolonia a eu la chance de grandir, dans un milieu artistique de gauche, alternatif, à Barbes. Oui mais voilà, de la matière cinématographique, de l’élan vital, du questionnement philosophique ou psychologique, voire même émotionnel, tout était là, dans les rush de Léa Glob, il lui revenait ensuite de pouvoir en extraire un substrat, de pouvoir composer une œuvre à part entière. Nécessairement, son travail consistait à choisir, à retenir, à mettre le curseur ici ou là, et à trouver une voix, un rythme, une forme. Trouver le bon équilibre également dans la gestion du temps qui passe, entre ce qui est montré et ce qui est tu. Cet exercice de montage certes complexe ne nous a tout simplement pas convaincu … En premier lieu, parce que la réalisatrice s’efface et s’attarde sur son sujet, Apolonia, quand elle aurait pu saisir la balle au bond et s’autoriser des écarts, quand de toute évidence, d’autres thématiques autrement plus intéressantes que la success story d’Apolonia, loin d’être aussi magnétique pour le spectateur que ce qu’elle n’est pour Léa Glob, s’invitent. Pourquoi donc ne pas s’être attardé bien davantage sur Oksanna, cette Femen aux convictions fortes, au chemin de vie presque radicalement opposé à Apolonia. Oksanna souffre en silence, elle dépend entièrement des autres, de l’aide et de l’amour qu’elle peut recevoir. Elle pense et agît en totale conscience, prend des risques qui ne seront que très peu récompensés. Elle doute en permanence, elle ne cherche pas la lumière, ne se met pas en avant, sa cause est son combat, sa vie est un combat. Apolonia, a contrario, enfant très aimée et protégée de ses parents, éduquée avec liberté, croît en elle, croit en son succès, et si elle doute, ce n’est jamais pour une durée très longue. Résiliente, travailleuse, Apolonia avance avec beaucoup de certitudes en son talent, quand bien même ses professeurs la rappellent à l’ordre et lui font part, eux, de leur réserves quant à sa démarche artistique. Pourtant, la success story sera bien au rendez vous, malgré quelques petites désillusions, faits contraires sans commune mesure avec la chance dont elle pourra bénéficier par ailleurs. Certes, Léa Glob, nous montre qu’Apolonia travaille dure, mérite, mais à aucun moment, elle nous montre son talent, sa réflexion, sa vision, son génie ou ne serait-ce que sa conviction artistique. Le portrait, très étiré, en vient à nous agacer, quand nous aimerions découvrir une Apolonia moins centrée sur elle même, plus ouverte aux autres, quand nous aimerions également mieux la connaître intérieurement, sur des aspects peut être plus sombres, que ce soient des doutes, des larmes (qui s’inviteront tardivement mais sans que l’on y note la blessure véritable), ou des aspect plus introspectifs. L’intime, certes questionné, nous semble lui aussi trop effleuré pour nous saisir réellement. Même quand, de façon très surprenante et inattendue, Léa Glob quitte enfin son personnage pour nous parler d’elle même, de l’épreuve qu’elle traverse, entre vie et mort. Là encore, le choix ne fait pas mouche, au contraire, on se demande pourquoi ce virage soudain, quand il eut été préférable à nos yeux, de ne pas autant s’effacer et de plus interagir avec ce qui se jouait devant sa caméra. Apolonia, Apolonia aurait tellement eut à gagner à interroger Léa, Oksanna, la maman d’Apolonia, le papa d’Apolonia, Apolonia, à approfndir les relations, les trajectoires, les parcours passés. Il eut tellement gagné à trouver une forme narrative plus forte, et un cheminement artistique plus encré, plus actif, qui ne s’effacerait pas autant devant cette matière qui pourtant s’invitait telle une offrande.

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