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Notre conseil lecture: Les chambres noires de Paul Schrader (dialogue avec l’auteur)

Jérôme D’Estais, auteur et critique de cinéma, est connu de nos lecteurs, car nous nous sommes déjà entretenus avec lui à deux reprises au sujet de ses livres (ici et ici). Ecrivain prolifique, il nous a offert récemment (en fin d’année 2023), Les Chambres noires de Paul Schrader, publié chez Marest, un essai précis, beau et original sur l’ensemble de l’œuvre et l’univers cinématographique de Paul Schrader, scénariste et réalisateur américain. Nous avons dialogué avec Jérôme D’Estais autour de son nouvel ouvrage.

Jérôme D’Estais – Berlin

Parce que c’est un cinéaste que j’ai véritablement redécouvert, comme beaucoup je crois, au moment de First Reformed et de The Card Counter, des films très importants, et dont j’ai eu envie, dans un premier temps, de réévaluer la filmographie. Avant de me décider à passer plus de deux années avec lui… 

J’aimais des films comme Mishima, Affliction ou La Féline mais m’étais trompé sur un film comme American Gigolo voire même Hardcore, sur lesquels j’ai encore quelques réserves concernant la fin, mais qui sont passionnants car ils posent les bornes du cinéma de Schrader, ainsi que des motifs qui seront creusés tout au long de son œuvre.

Tout commence dans une chambre dans le cinéma de Schrader, qu’on pense à Travis dans Taxi Driver, le scénario qu’il a écrit pour Scorsese et qui est autant son film que celui de Scorsese. Le personnage s’y calfeutre, hors du monde, prisonnier de ses obsessions et de ses ruminations, y créant sa vérité d’Elu,  avant de la laisser exploser à l’extérieur. Les films de Schrader se terminent pour la plupart  dans une autre pièce, en prison, derrière la vitre d’un parloir, citation directement empruntée au Pickpocket de Bresson et rejouée à l’infini…

Je crois que j’ai toujours essayé de marier littérature et cinéma : c’est ma formation aussi, la littérature d’abord, et le cinéma. De manière littérale d’abord, en citant des œuvres qui dialoguent avec l’univers du cinéaste : je pense ici à Dostoïevski, à Sartre, à Drieu la Rochelle, à Russell Banks ou à Bret Easton Ellis. Mais aussi en travaillant la langue, ce qui permet aussi de dialoguer de manière intime avec l’univers du cinéaste, d’y projeter et de partager des choses intimes. Si c’est pour rester à l’extérieur, analyser les films de manière chronologique ou faire un exercice d’admiration, ça ne m’intéresse pas de partir en voyage avec un auteur pendant deux années, parfois plus longtemps. 

Je trouve le texte intéressant, contestable parfois sur certains points, obscur même. Mais il m’intéresse surtout, à partir du moment où Schrader applique ce fameux style transcendantal à son cinéma. A savoir dans First Reformed

Le scénariste et le cinéaste sont indissociables. Schrader continue d’ailleurs d’écrire des scénarios pour les autres…

Il est difficile de définir une esthétique schraderienne à proprement parler, son cinéma s’étant essayé à beaucoup de styles et de genres différents. On peut juste dire que, comme la chambre schraderienne, il est devenu de plus en plus dépouillé. Il suffit de penser  à la chambre bordélique de Travis dans Taxi Driver et à celle d’Iris dans la dernière scène du film, maculée de sang et les comparer au chambres de motel de The Card Counter, situées dans es non-lieux d’un pays dévasté par les différentes crises,  drapées de blanc, et où la violence est toujours présente, mais laissé hors champ, fors de la chambre et du cadre.

DèsTaxi Driver, il recrée un monde inspiré de sa vie, pétri de ses obsessions, de son éducation calviniste rigoriste. Il y parle aussi du père dans Hardcore, de la mère dans Light of Day, voire même de son  frère dans Affliction.

Mishima, je pense parce que c’est le film dans lequel il s’est complètement identifié à celui dont il retrace la vie de manière subjective, Mishima, donc : un modèle de biopic parfait. The Comfort of Strangers parce que c’est un magnifique conte vénéneux, un très grand film dans lequel l’univers et la langue de Pinter viennent se greffer à merveille sur les obsessions schraderiennes. La Féline qui est l’exemple réussi de faux-remake, Affliction bien évidemment, le plus grand rôle de Nick Nolte et la trilogie First Reformed, The Card Counter et Master Gardener.

Non, pas de cinéastes. De la littérature d’abord. Et puis peut-être aller voir de nouveau du côté de la politique des actrices et des acteurs, prolonger la réflexion entamée dans 50 éclats:  je crois qu’avec ce qui se passe actuellement dans le cinéma français, cela fait sens.

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