Mis à jour le 9 juin, 2021
Yougoslavie, avril 1941. Une faune rocambolesque – un apprenti chanteur, un tuberculeux, un chasseur, un notable, un ancien combattant, deux musiciens tsiganes… – attendent l’arrivée d’un car brinquebalant qui doit les emmener à Belgrade. Menée par un chauffeur totalement irascible, la petite troupe s’embarque dans un voyage loufoque accueillant au passage un couple de jeunes mariés. Mais rien ne se passe vraiment comme prévu…
Qui chante là-bas ? est un premier film réalisé par Slobodan Sijan en 1980 devenu culte dans les balkans: il connut un succès comparable par exemple à celui de la grande vadrouille en France. Sa ressortie en salle en France dans une version restaurée s’est faite dés la réouverture des salles, et malgré la très forte concurrence, il continue à bénéficier d’une diffusion très correcte. Malavida, le distributeur du film résume parfaitement ce que Qui chante là-bas? donne à voir: une comédie noire & culte des Balkans, une influence majeure pour Emir Kusturica. Ce n’est pas un hasard si ce dernier fit appel au scénariste de Qui chante là-bas pour Underground, Dušan Kovačević.
A sa vision, outre sa remarquable fluidité, et l’intelligence de son scénario, qui permet d’évoquer de façon habile un pays, ses habitants, sa géographie, ses problèmes, ses tensions, et surtout son histoire, très rapidement il nous a semblé pouvoir rapprocher Qui chante là-bas ?, d’autres excellents gestes cinématographiques sans clairement pouvoir mettre un nom sur ceux-ci, preuve s’il en est de sa singularité. Si effectivement, le message de « vie qui continue malgré tout », si cher à Kusturica, nous parvient, si le drame sous-jacent côtoie une apparente légèreté, le ton d’ensemble, très peu pétaradant, le récit très ordonné et construit, et surtout le regard porté, distant, ironique, et interrogatif, nous éloignent de l’univers du réalisateur d’Underground, Chat noir chat blanc, papa est en voyages d’affaires ou Arizona Dream.
D’ailleurs les premières minutes du film nous font bien davantage penser, et ce n’est pas là un mince paradoxe, à un cinéma plus oriental, du côté par exemple de Nuri Bilge Ceylan. Très vite, la mécanique du film ne fait plus aucun mystère, des personnes se trouvent réunies dans un bus pour un voyage dont on se doute qu’il sera aussi tumultueux que pourront l’être les relations entre les différents voyageurs. Leur rapport entre eux, le regard que les uns portent sur les autres, en dit peut être plus long sur le pays, son état, son histoire, que toute démonstration par l’image.
Ce principe de dévoiler ses intentions de façon affirmée, sans ambiguïtés, que l’on admire par exemple dans des fables ou contes, dans des pièces de théâtre, mais aussi au cinéma chez Bresson par exemple, aurait pu nuire au film, si celui-ci ne parvenait pas précisément à tirer partie du procédé, pour mieux nous surprendre par l’inventivité des situations qui se succèdent les unes aux autres.
Les influences néo-réalistes se perçoivent également, mais il faudrait y ôter la couleur vérité, ou y ajouter le regard si particulier de la comédie italienne, d’autres font le rapprochement avec quelques entreprises de Buñuel (La voie lactée par exemple), en ce que le ressort narratif repose sur une traversée étonnante.
Qui chante là-bas ? ouvre par deux jeunes tziganes, véritables troubadours, narrateurs omniscients, qui entonnent face caméra un air entêtant, aux paroles directement connectées avec l’histoire qui va nous être racontée. (Un peu comme savaient si bien le faire les Monthy Python). Cet air ne nous quittera pas, fil conducteur, narratif, et finalement conclusif, il contribue parfaitement à ce que Qui chante là bas ? puisse nous interroger et nous fasciner.
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