Mis à jour le 2 mai, 2022
Le fils du fameux cinéaste iranien sort son premier film, intitulé Hit the road. Le titre de cette première œuvre n’est pas sans rappeler la célèbre chanson de Ray Charles . Le récit prend la forme d’un road-movie , où Panah Panahi raconte à sa manière les difficultés de l’exil et la situation actuelle de son pays. Le sujet, complexe, n’est pas attaqué de façon frontale, censure oblige. Le film se veut apolitique, mais le contexte social qui entoure l’histoire se dégage assez nettement. Avec beaucoup de légèreté et de drôlerie, Hit the road révèle la naissance d’un cinéaste qui rend un hommage certain à son père, Jafar Panahi.
L’apparition d’une identité cinématographique
Panah Panahi signe un premier film ambitieux, soigné, artistiquement intéressant et s’affirme. Son essai, réussi, démontre une grande capacité à filmer le réel avec subtilité et finesse. Il parvient à décrire l’exil et toutes ses conséquences humaines avec décalage et humour. Sous des apparats de road-movie aux contours dramatiques se glisse une œuvre qui se démarque par sa singulière volonté de faire rire malgré tout. Toute la force du film réside dans un humour délicieux virant parfois à la critique acerbe . Panahi fait le choix de montrer les situations sous un jour heureux, mais elles cachent une intrigue secondaire bien moins joyeuse. On note ici un habile contournement de la censure.
Il est intéressant de s’arrêter sur les quelques similitudes que présentent Hit the road avec les films de Jafar Panahi (en particulier Taxi Téhéran) : l’action qui se situe en partie dans une voiture, et le goût prononcé et humoristique pour la description de la société iranienne. Hit the road peut être ainsi vu comme un léger hommage du fils à son père, mais également une bravade envers les problèmes de censure rencontrés par Jafar Panahi ces dernières années. Cependant, Panah s’émancipe du style politique de son père pour proposer une vision en apparence moins à charge.
Panah Panahi s’approprie parfaitement les décors déjà aperçus dans les films de son père (mais aussi dans ceux de son maître Abbas Kiarostami), en particulier les scènes d’intérieur de voiture. À tel point que celles-ci deviennent un élément moteur du film, à en faire un road-movie. De nombreux plans magnifient la beauté des paysages iraniens. La mise en scène, au plus près des personnages, permet de capter leurs réactions et leurs émotions. Le style du cinéaste s’affirme ainsi. La mise en scène use, avec exigence et subtilités, de variations dans la composition des plans, alternant entre plans serrés et plans plus larges.
L’originalité et l’inventivité d’un « scénario-baromètre de l’Iran »
Le scénario d’Hit the road brille par sa simplicité, et son style comique parfaitement assumé. L’affiche ainsi que le titre s’inscrivent en cohérence avec le propos. Panahi touche au but recherché: nous raconter un exil avec une part d’ironie, notamment par l’entremise d’une galerie de personnages aussi fantasques que burlesques. Les dialogues évoquent bien plus une ambiance familiale et décontractée que la sombre réalité qu’ils sont en train de vivre. Cet aspect décalé domine durant une partie du film. Pourtant, le déracinement, la peur du changement, la séparation deviennent ensuite bien plus palpables. La critique du pays se sent, mais le scénario insiste prioritairement sur cette famille unie, particulière et si attachante. Le film permet de mesurer la température de l’Iran, et de nous rendre compte d’une importante réalité migratoire. Mais tout ceci avec intelligence et créativité. Ce film, sans être frontal, brise les tabous, et se joue complètement de la censure en vigueur. Œuvre engagée ? En tout cas, le metteur en scène préfère la représentation d’une famille soudée à la peinture glauque de la condition iranienne.
Cependant, le film s’avère surtout bouleversant. Les moments plus intimes et délicats se mélangent harmonieusement avec le road-movie si éloigné des codes du cinéma iranien. Les scènes finales, baignées d’une lumière sombre et belle, marquent par leur intensité. Quelques scènes précédentes renfermaient déjà une émotion forte, parfaitement servies par la qualité de l’interprétation de l’ensemble des protagonistes (et la direction d’acteurs).
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