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Avec l’explosif et transcendantal Sirat Oliver Laxe a conquis la Croisette

Avec Viendra le feu Oliver Laxe proposait déjà un film envoûtant, qui avait beaucoup fait parler de lui. Le procédé hypnotique, évident, fondé sur de belles images, en l’occurrence, celles de feux de forêts, mais aussi sur un rapport aux éléments, où plus précisément sur le peu de prise que l’homme peut avoir sur ces derniers, ne nous avait pourtant pas particulièrement conquis. D’une part, car le procédé s’affichait, par trop directement, d’autre part, l’amorce à peine entamée annonçait déjà sa suite. Même si l’influence d’Antonioni pouvait se faire sentir, il semblait que le jeune réalisateur franco espagnol n’avait que relativement peu à dire, la possibilité d’une destruction de la planète par le feu valant tout à la fois idée principale et trame narrative, en somme nous lui reprochions tout à la fois un relatif manque d’inspiration et l’inscription dans un registre codifié, éculé, plus proche du cinéma de genre que du cinéma d’auteur (non nécessairement antagoniste ceci-dit).

Dés ses premières images Sirat, démontrent bien d’autres intentions, Oliver Laxe pousse visiblement le curseurs trois crans plus loin, pour une franche réussite. Le trip qu’il nous invite à suivre – nous pouvons parler de truck electro movie- avec lui nous renvoie d’emblée autant à Mad Max qu’au Désert Rouge, et, son développement, autant au Salaire de la peur qu’à Western. Le tout forme un bel ensemble, artistique, expérimental, qui bat au rythme des beats de la musique techno, endiablée et contagieuse. Le procédé hypnotique cette fois-ci, certes toujours annoncé, prend, les images et le tempo s’accordent dans une même vibration, intense, puissante, et avant tout, transcendantale.

Par l’entremise de son personnage principal, Louis, interprété par Sergi Lopez, nous pénétrons une communauté , presque par effraction. Nous nous rendons dans le désert avec elle, pour un voyage périlleux, dont nul ne sait où il ne mène précisément, si ce n’est qu’il tente d’échapper au monde, à la troisième guerre mondiale qui s’ourdit. Par certains aspects, Sirat porte un regard ethnologique, très habité, aux antipodes du manque d’incarnation que nous ressentions dans Viendra le feu. Manifestement, Oliver Laxe joue sur certains ressorts pour que le spectateur lui même apprenne à connaître la communauté, les codes qui la lient, la quête qui anime chacun de ses membres. La recherche du trip ultime, d’une dernière danse, qui motive la troupe contestataire, résistante à un monde qui les oppresse, côtoie celle de Louis en recherche de sa fille disparue. Désespéré, il tente, par utopie de la retrouver, sans indices véritables, parmi la foule, comme on recherche une aiguille dans une botte de foin, avec une probabilité de succès proche du néant. Les deux utopies s’affrontent entre elles, se heurtent mais aussi s’entretiennent l’une l’autre, comme elles se confrontent à la dystopie ambiante. Sirat parvient de la sorte à proposer une odyssée mystérieuse, envoûtante, perturbante, quasi mythologique, et constamment surprenante. Presque parfait dans son ambition artistique et dans sa forme, Il ne s’altère à nos yeux que d’un mince détail, quelques inserts d’humour (pourtant bien sentis) qui atténuent parfois un peu la fascination exercée. Détail que nous empêche aucunement d’affirmer que Laxe propose avec Sirat un film qui compte, un film urgent, à voir de toute urgence, qui parvient à diffuser, comme par magie, une métaphysique qui en réchappe.

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