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Langue étrangère, Claire Burger se souvient

Fanny a 17 ans et elle se cherche encore. Timide et sensible, elle peine à se faire des amis de son âge. Lorsqu’elle part en Allemagne pour un séjour linguistique, elle rencontre sa correspondante Lena, une adolescente qui rêve de s’engager politiquement. Fanny est troublée. Pour plaire à Lena, elle est prête à tout.

Claire Burger s’est rapidement inscrite comme une réalisatrice à suivre, lorsqu’en 2014, accompagnée de ses amies de la Femis Samuel Theis, et Maria Amachoukeli, ils raflaient pour leur émouvant premier film (collectif) Party Girl, marquant par son regard, et l’usage fait de matériaux intimes.

Quelques années plus tard, la réalisatrice de Forbach s’émancipait de ses compagnons, et revenait là aussi avec un geste très sincère. Party Girl parlait de la maman de Samuel Theis, c’est ça l’amour du père de Claire Burger. Point commun entre les deux, ce regard tendre et jamais accusateur, cette caméra bienveillante qui interroge au delà des personnages principaux, et des interprétations fortes et sincères. Nous étions donc particulièrement curieux de suivre l’évolution de Claire Burger, de découvrir comment elle souhaitait faire évoluer son travail, en renard ou en hérisson, chercher à suivre une voie tracée ou au contraire s’en détourner pour chercher d’autres possibles.

Langue étrangère commence par poser ses pions, suit une ligne directrice très appliquée, et nourrit son récit de manière très mécanique (pour ne pas dire scolaire), laissant s’inscrire en nous une désagréable impression, celle d’une surécriture, qui ne nous quittera plus. Le film, en voulant cocher toutes les bonnes cases du scénario, finit par ne plus en cocher aucune. Les thèmes abordés, intéressants, le sont avec sincérité et sérieux, mais ils se voient déroutés les uns les autres puisque superposés.

Là où un temps d’intérêt aurait pu permettre d’aller plus loin dans la question du désir, dans celle du mal-être adolescent, du harcèlement, et surtout de l’engagement politique, le florilège qui nous en est proposé rappelle beaucoup trop de nombreuses productions télévisuelles qui se contentent de porter un thème à l’écran et reposent sur ce thème pour faire ressortir de celui-ci un effet, une émotion partagée. D’autant plus dommage que certaines scènes et idées scénaristiques ou de mises en scène amènent le récit un peu plus loin, (une scène de piscine où les lunettes de soleil semblent amorcer un virage, un procédé de quête d’une sœur virtuelle qui peut rappeler, par exemple, la démarche du personnage interprété par Guillaume Depardieu dans Pola X, fasciné par le personnage de Katya Golubeva qu’il poursuit de manière totalement aimanté (comme l’était lui même Leos Carax), … D’autant plus dommage que la seconde partie du récit convoque des revirements, une évolution de la relation entre les deux protagonistes, et parvient à en dire davantage de cet âge particulier qu’est l’adolescence, où les possibles s’invitent en même temps que les défauts des parents commencent à se faire jour, où le monde de demain commence à supplanter celui d’hier. D’autant plus dommage, que le casting tout entier, intéressant dans l’absolu, semble très investi dans le projet, les confrontations entre les deux mamans (Nina Hoss, Chiara Mastroianni) mais aussi les deux jeunes filles (Lilith Grasmug, et Josefa Heinsius) jamais ne manquent de sincérité, et racontent un peu de ce qui sépare la mentalité française de la mentalité allemande.

Mais voilà, trop appliqué, plus didactique que mélancolique ou nostalgique, le récit cousu de fil blanc, linéaire (même s’il permet de voir un peu de Leipzig et de Strasbourg) n’en raconte pas assez pour nous emporter, nous émouvoir, nous surprendre. Le projet en reste hélas au stade de la jolie note d’intention, d’autant que les interprètes ne parviennent pas eux non plus à nous emporter avec eux; la distance entre la jeune française et sa correspondante allemande, instauré en point de départ, semble se diffuser sur le spectateur, une distance respectable s’instaure entre nous et les deux jeunes filles. Il y avait pourtant assurément un matériau sensible, un questionnement, une vision politique, qui, s’ils s’étaient inscrits dans une esthétique plus rassemblée, s’ils s’accompagnaient d’une sensorialité transmise par l’image (une couleur, une odeur, une impression, un regard perceptible) auraient su davantage nous captiver, à l’instar de ce qu’ont réussi à faire les frères Boukherma avec Leurs Enfants après eux.

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