Mis à jour le 2 mars, 2024
Blade Runner était … Blade Runner 2049 est …
Blade Runner était RIDLET SCOTT… Blade Runner 2049 est DENIS VILLENEUVE…
Blade Runner 2049 ressemble bien plus à Sicario qu’à Blade Runner l’original dans son essence … L’impression générale est celle d’un récit calibré, millimétré, qui monte en intensité petit à petit pour offrir un final où l’action vient s’insérer crescendo après une ouverture plus cérébrale. D’abord les mots, puis les maux
Blade Runner était HARRISON FORD … Blade Runner 2049 est RYAN GOSLING…
Et Ryan Gosling, c’est avant tout Drive. Si Harrison Ford présente cette caractéristique d’avoir été starisé (et aisément identifié) au personnage de Han Solo qu’il interprète dans la saga La guerre des étoiles, le moins que l’on puisse dire est que son personnage de Rick Deckard dans Blade Runner sonne très différent, et à aucun moment on n’ose dresser un parallèle entre les deux compositions. Car les deux films offrent des propositions antagonistes, l’une est une machine à rêves, héroïque, un récit peuplé d’héros soutenus par tout un peuple résistant, où l’humour et la fantaisie ont toute leur place, l’autre est résolument noir, le héros isolé, son combat indispensable à sa propre survie sans réel espoir futur, et le sérieux de mise les deux heures durant. Blade Runner 2049 pâtit de la trop forte identification au personnage de Drive d’une part, et d’autre part, commet l’erreur irréparable de réintroduire le personnage de Rick Deckard en héros ringardisé, farfelu, retiré. En tuant le héros de Scott, en le rapprochant de son personnage de Han Solo, Villeneuve et Scott commettent un sacrilège.
Blade Runner était UN FILM POLICIER D’ANTICIPATION SOUS COUVERT D’UNE HISTOIRE D’AMOUR IMPOSSIBLE… Blade Runner 2049 est UN FILM QUI N’ANTICIPE PLUS GRAND CHOSE ET S’INTÉRESSE PEU AUX SENTIMENTS ENTRE LES ETRES…
Blade Runner, dans son récit, a trois intentions manifestes: développer une histoire d’amour impossible, maintenir une tension, un mystère en lien avec une entreprise policière, et livrer une vision anticipatrice de la société. Blade Runner 2049 très platement reprend quelques uns des concepts d’anticipations, les modernisent/réactualisent un tant soit peu – hologrammes et écrans devenus plats, machine à produire des rêves (très peu convaincante) , et prend le parti de centrer son récit sur une guerre entre androides de générations différentes.
Blade Runner était MYSTÉRIEUX DE BOUT EN BOUT … Blade Runner 2049 est SOULIGNÉ, TEINTÉ D’ÉVIDENCES…
Ridley Scott avait le bon goût d’inviter le spectateur à revoir plusieurs fois Blade Runner pour pouvoir en lever les mystères, les raccourcis – quasi ellipses – nombreux, qui confèrent au premier visionnage une impression de secrets entretenus, de mystère narratif. Il avait également le bon goût de laisser constamment planer le doute sur ce que doit être la vérité, la linéarité du récit. Les émotions sont omni-présentes jusque dans les larmes des androïdes les plus tortionnaires: leurs revirements de pensées, leurs doutes existentiels, rejaillissent sur l’interprétation possible du spectateur. Plusieurs niveaux de lecture sont ainsi possibles quant au progrès, une vision optimiste de la trame majoritairement sombre peut ainsi s’entendre si l’on remarque ces quelques instants où les sentiments – la conscience de l’affect de l’autre, l’amour – s’introduisent quand on ne s’y attend plus. Villeneuve, lui fait le choix ouvert, de proposer un film qui pourrait plaire aux uns comme aux autres. Pour le spectateur un tant soit peu exigeant, il ne livre pas d’emblée ses réponses, il les insinue. 10 minutes plus tard, afin de ne pas perdre en route les amateurs de popcorn, il appuie ce qui avait pu être senti, clôt le débat, met tout le monde sur le même chemin de compréhension. Quelle erreur !
Blade Runner était SINGULIER … Blade Runner 2049 est INDUSTRIEL …
Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les deux scènes finales – sans les dévoiler bien entendu. Celle de Blade Runner est une ouverture à un champ de possibles quasi infinis, une non réponse absolue au problème sociétal, mais aussi à la possibilité même d’une suite. La fin est résolument ouverte, des réponses manqueront aux spectateurs qui aura libre cours de s’imaginer les mille et une suites possibles, et qui auraient gagné à ne jamais être décidées … La fin de Blade Runner 2049 ne se cache absolument pas, elle est certes ouverte, mais ouverte à une suite possible avec prise de relai à venir. Clairement, Villeneuve nous dit: attendez ce n’est pas fini, y’aura une suite ! Une saga va naître ! Ah le business …
Blade Runner était LENT … Blade Runner 2049 est LENT…
L’écueil principal est évité, le rythme de Blade Runner 2049 est progressif, majoritairement statique comme l’œuvre originelle, et il faut le saluer, car l’époque a tendance à vouloir tout rendre plus vif, plus clinquant, plus immédiat au sacrifice de la prise de recul, de la pérennité.
Blade Runner était FASCINANT … Blade Runner 2049 est PAR INSTANT INTRIGANT…
Quelques minutes suffisent pour comprendre que Blade Runner nous emmène on ne sait où, dans un décor anticipé qui n’a nul pareil. Très vite, on s’attache au récit, au personnage, à l’ambiance. Chaque plan confirme la ligne tenue, serrée. Notre regard est captivé, notre cerveau analyse, traque, observe, et se déroute. Blade Runner 2049 quant à lui reprend du réchauffé, tente, sans jamais y parvenir, de réinstaurer l’ambiance si particulière que Scott avait planté dans ce Los Angeles 2019, où les building rivalisent de hauteur et de majestuosité, où les quartiers grouillent en même temps qu’ils se paupérisent (Chinatown) . Les personnages de Villeneuve sont principalement glaçants, et semblent animés très mécaniquement, sans complexité intrinsèque. Ils ne doutent pas, ils avancent emprunts de certitudes. Le récit s’égare très rapidement, de façon ambivalente, en ce qu’il livre bien trop de repères, spatiaux comme temporels. Le récit tente aussi très maladroitement de jouer sur la carte de la nostalgie, de la mémoire affective, en convoquant des extraits de Blade Runner … Ceci a pour mérite que l’on est tenté dés aussitôt de revoir justement l’oeuvre originelle, et d’arriver à ce triste constat: la nouvelle mouture assurément souffre de la comparaison. Problème d’inspiration, de créativité.
Blade Runner était APOCALYPTIQUE … Blade Runner 2049 est POST-APOCALISPE…
Ridley Scott et son équipe avaient pris le plus grand soin de placer le récit dans une atmosphère clairement apocaliptique, où la lumière n’a sa place que par rayons. Les néons sont de mises dans une nuit noire, pluvieuse, enfumée, les relations entre les êtres semblent des plus compliquées, les individus luttent, survivent bien plus qu’ils ne vivent, dans une société où la police occupe une place essentielle, à la fois protectrice et répressive. Notre héros principal n’a d’autre secours que la boisson pour s’inventer une vie heureuse. Villeneuve lui alterne entre un décor à la Mad max, où la radioactivité a rendu toute vie humaine des plus compliquées, où les conditions climatiques sont cette fois-ci désertiques: la moiteur, l’ambiance glacée laisse donc la place à l’extrême chaleur, et un décor verdoyant, résolument écologiste, lumineux, signe d’un espoir bien mal venu pour asseoir la trame dramatique.
Blade Runner était BEAU … Blade Runner 2049 est COMMUN…
Malgré quelques trouvailles visuelles pas inintéressantes, l’univers proposé par Blade Runner 2049 nous semble presque familier (Mad Max like dira-t-on) quand Ridley Scott avait réussi en 1982 à nous transporter dans un ailleurs sans pareil, mystérieux, apocalyptique, stylé, interrogeant l’humanité et sa propension destructrice. Il fut le premier à dessiner ces villes peuplées de vaisseaux spatiaux, de néons gigantesques, à étudier une troisième dimension plus verticale, véritable invention quand il s’agit d’imaginer Los Angeles, et qui sera ensuite repris preque par tous les films de science fiction (n’est-ce pas monsieur Besson…) . Chaque plan de Blade Runner est étudié et constant dans sa qualité vis à vis des précédents. Les plans de Blade Runner 2049 nous semblent eux le plus souvent empruntés, industrielles, boursouflés. Un trop plein se fait vite sentir.
Blade Runner était CENTRE SUR L’HUMANITE… Blade Runner 2049 est CENTRE SUR LES ANDROIDES…
Rick Deckard est un Blade Runner humain qui au milieu d’autres humains pourchasse des androïdes qui ont développé des sentiments et en deviennent dangereux, car incontrôlables. Ryan Gosling interprète lui un Blade Runner next generation (androide ou humain on vous laisse le suspense), très froid, au milieu d’une population majoritairement androïde, qui pourchasse des androïdes dont l’émotivité ne nous apparaît pas évidente… Rick Degard évolue dans un milieu où les distractions existent encore entre hommes, que ce soient les bars, les bars à strip tease, où les restaurants sur le pouce en pleine rue. Le personnage de Ryan Gösling rentre le plus souvent chez lui pour parler avec une femme hologramme qui n’a pas même de matérialité. Blade Runner laisse espérer que l’homme triomphe de ses inventions, dans Blade Runner 2049 la bataille est déjà perdue.
Blade Runner était UN FILM D’ATMOSPHERE INTENSE… Blade Runner 2049 est UN FILM D’ATMOSPHERE QUI S’AUTORISE DES RESPIRATIONS…
Rien ne laissait au hasard dans Blade Runner pour insuffler l’atmosphère. Tout au long du film, il n’est question que de pluies torrentielles, d’ambiances nocturnes, et très enfumées. Les intérieurs comme les extérieurs sont tous des plus inquiétants.
Blade Runner 2049 s’autorise des petits oasis où il fait bon vivre, des intérieurs luxieux et classieux … offrant un contraste avec des extérieurs où tout n’est que chaleur, explosion, et radioactivité bien mal venue.
Blade Runner était NOVATEUR DANS SES PRISES DE VUE … Blade Runner 2049 est IMITATEUR DES PRISES DE VUE DE BLADE RUNNER…
De nombreux plans de Blade Runner démarrent par une vue de dessus, montrant une facette de la ville, pour mieux plonger dans ses bas-fonds, dans des ruelles surpeuplées où notre héros déambule tant bien que mal, dans une atmosphère que l’on imagine peu respirable. Villeneuve reprend ces plongées sans proposer/imposer sa propre signature. Pire, le film sort en 3D, dont il n’exploite absolument aucune possibilité ! Le renouvellement aurait pu être là, des vertiges étaient possibles, làs, la 3D de Blade Runner 2049 est un parfait ratage.
Blade Runner était SUBTILEMENT RYTHME PAR VANGELIS… Blade Runner 2049 est INTERESSANT PAR SON AMBIANCE SONORE…
Les synthétiseurs sont probablement à l’origine des sons les plus pops et léger qu’ils soient, mais force est de constater que des artistes comme Vangelis, Tangerine Dream ou Bryan Eno ont su utiliser à merveille les nappes de synthé pour instaurer une ambiance si particulière. Les films de Michael Mann, Blade Runner, ou plus récemment Drive en sont de parfaits exemples; si les réalisateurs avaient faits le choix de violons jamais oh grand jamais ces films n’auraient eu une telle aura. La BO de Blade Runner 2049 est bien plus mécanique, bien plus ordinaire, mais ceci dit, l’ambiance sonore est très travaillée, et particulièrement intéressante en ce qu’elle propose des sons de nature inquiétante, à mi chemin entre sons industriels et ambiance musical.
Blade Runner était EN AVANCE SUR SON EPOQUE … Blade Runner 2049 est DANS LA MOUVANCE HOLLYWOODIENNE ACTUELLE…
Au delà du récit d’anticipation, Blade Runner était une oeuvre en avance sur son temps, qui a inspiré de nombreux cinéastes et spectateurs, ouvrant une porte à de nouveaux imaginaires. Si un lien de parenté peut exister avec les ambiances que John Carpenter a insufflé dans ses films d’anticipation, si Ridley Scott a emprunté, la forme, les effets spéciaux sont si travaillés dans leur ensemble qu’ils marquent une rupture évidente avec ce que l’industrie cinéma pouvait proposer par ailleurs, alors même que quelques années auparavant George Lucas avait donné la voie de la grande production américaine, réinventé Hollywood. Villeneuve lui nous semble juste avoir confié les effets spéciaux de son film à la boîte tendance du moment, qui lui a servi la soupe qu’elle a l’habitude de servir. Techniquement très réussi assurément, mais artistiquement sans valeur.
Blade Runner était UNE PROPOSITION DE SCIENCE FICTION FORTE … Blade Runner 2049 est UNE PROPOSITION DE SCIENCE FICTION NEUTRE…
La magie de la science fiction de K Dick n’opère pas dans Blade Runner 2049 quand elle faisait des merveilles dans Blade Runner. La faute à ces quelques bouts de ficelle pour recoller les deux histoires, la faute à cette intention de moderniser ce qui avait déjà été proposé sans jamais se poser la question de créer de nouveaux univers. La science fiction qui nous est servie nous paraît au mieux démodé, au pire abracadrabante …
Blade Runner était CULTE … Blade Runner 2049 est ORDINAIRE…
Vous l’aurez compris, le sublime reste avec Blade Runner 2049 à quai, et s’il n’y pas non plus sacrilège, Denis Villeneuve ne réussit pas le pari fou d’inscrire Blade Runner 2049 dans le sacré, ni même de prolonger le plaisir cérébral que confère le chef d’oeuvre –probablement fortuit eut égard au reste de sa filmographie – de Scott
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