Acteur devenu réalisateur (Crazy heart, Les brasiers de la colère, Strictly criminal), Scott Cooper se frotte pour la première fois à un genre cinématographique très établi, celui du western. Hostiles déjoue les attentes en déployant un convoi au long cours où le classique thème de la vengeance n’est pas l’élément moteur. Dans son quatrième long-métrage, Cooper privilégie un ton apaisé assez déconcertant face à des westerns récents tels que Brimstone (2016, Martin Koolhoven) ou encore Django unchained (2012) et Les huit salopards (2015) de Quentin Tarantino.
En 1892, le capitaine de cavalerie Joseph Blocker, ancien héros de guerre devenu gardien de prison, est contraint d’escorter Yellow Hawk, chef de guerre Cheyenne mourant, sur ses anciennes terres tribales. Peu après avoir pris la route, ils rencontrent Rosalee Quaid. Seule rescapée du massacre de sa famille par les Comanches, la jeune femme traumatisée se joint à eux dans leur périple.
Façonnés par la souffrance, la violence et la mort, ils ont en eux d’infinies réserves de colère et de méfiance envers autrui. Sur le périlleux chemin qui va les conduire du Nouveau-Mexique jusqu’au Montana, les anciens ennemis vont devoir faire preuve de solidarité pour survivre à l’environnement et aux tribus comanches qu’ils rencontrent.
Le récit linéaire et chronologique d’Hostiles se situe en 1892. La conquête de l’Ouest et le génocide des Amérindiens font désormais partie du passé. Mais en introduisant son film par une citation indiquant que l’âme américaine a été et est encore dure et solitaire, Scott Cooper envoie un message politique à ses concitoyens membres d’une société américaine dont les fondements n’ont guère changé depuis ce violent XIXème siècle.
La violence imprègne d’ailleurs le film dès une première séquence annoncée par le synopsis. Du massacre filmé sèchement d’une famille de Colons blancs, seule la mère incarnée par Rosamund Pike échappera à la mort. Alors que cette scène liminaire semble parfaite pour introduire un revenge movie, Hostiles dévoile ensuite un inattendu récit apaisé refusant la vengeance à tout crin.
Cooper allie ainsi Colons et Cheyennes pourtant ennemis dans un convoi placé sous la menace d’attaques perpétrées par des Comanches… Ici, l’hostilité-titre est d’ordre humain et non liée à l’environnement naturel. Ces libertés prises face à des faits historiques permettent à Hostiles d’échapper à un regard manichéen entre Blancs et Amérindiens et de montrer les divergences d’intérêt entre les tribus amérindiennes.
Le film adopte le rythme au pas du convoi placé sous la responsabilité d’un capitaine d’infanterie interprété par Christian Bale, déjà présent au casting des Brasiers de la colère (2013). Ce long trajet initiatique aurait pu être propice à l’approfondissement de la psychologie des personnages secondaires mais ce n’est pas l’option retenue par le réalisateur-scénariste. En retard sur les évènements, nos héros ne peuvent souvent que constater les conséquences des actes commis par les Comanches. Ainsi, la réitération des scènes de sépulture (par exemple) fait écho au placement immuable des protagonistes dans la file indienne formée par cette chevauchée d’hommes.
Cet effet retard permet à Cooper de placer la violence de son récit dans des ellipses ou hors-champ. L’hostilité est diffuse et la violence n’est jamais traitée frontalement y compris dans la première scène du film où les plans larges son privilégiés. Hostiles manque dès lors un peu de radicalité et de dynamisme. Autant d’éléments que la mise en scène adoptée, peu aventureuse, n’apporte pas malgré un incontestable travail effectué sur le réalisme notamment à travers des dialogues en dialecte cheyenne. Quelques belles images émanent de ce western au ton nouveau dans lequel le réalisateur avoue avoir copié quelques plans de La prisonnière du désert (1956) de John Ford.
Le recours à un montage classique jouant très peu sur l’alternance de registres et de tons ne permet pas d’imprimer au film l’aspect épique qui lui fait défaut. Parmi les rôles principaux, seule Rosamund Pike parvient à donner du relief à sa prestation d’actrice. Derrière une barbe et une épaisse moustache, Christian Bale incarne un homme taciturne et peu bavard. Son interprétation se révèle monocorde et monolithique. Le capitaine Joseph Blocker est, à l’image du film, taiseux. La bascule idéologique de l’Amérique d’un XIXème siècle finissant méritait probablement un traitement moins discursif dans sa narration et moins classique dans sa forme.
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