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All We Imagine As Light, une poésie qui sera récompensée

Mis à jour le 8 juin, 2024

Un film de Payal Kapadia

Avec: Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam, Hridhu Haroon

Infirmière à Mumbai, Prabha voit son quotidien bouleversé lorsqu’elle reçoit un cadeau de la part de son mari qu’elle n’a pas vu depuis des années. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, cherche en vain un endroit dans la ville pour partager un peu d’intimité avec son fiancé. A l’occasion d’un séjour dans une station balnéaire, pourront-elles enfin laisser leurs désirs s’exprimer ?

All we Imagine As Light se révèle généreux – au sens premier, le plaisir de parler des autres, de partager un sentiment commun et non la satisfaction de vouloir en mettre plein la vue :-), particulièrement doux, et embrassant un regard féminin, sur les femmes de Mumbai, et sa baie . Il s’agit d’ailleurs quasiment du seul film en compétition (peut être avec Bird que nous n’avons pas encore pu voir), des progrès restent manifestement à faire !.

Très poétiquement, la réalisatrice Payal Kapadia, remarquée pour ses précédents films documentaires expérimentaux, évoque des sujets pourtant douloureux, si propre à la condition des femmes en Inde: La liberté qui leur est refusée, leur place dans la société, les mariages forcées, le comportement des hommes en leur endroit, l’impossibilité d’aller contre la tradition ou la religion. Le film opte cependant, de tout son long, pour le clair obscur, au sens propre comme figuré. L’ancestralité de la société sera par ici contrebalancée par des scènes de métro, des sorties entre femmes qui vont au cinéma ensemble, des textos amoureux, pour nous montrer que les femmes en Inde, aujourd’hui, appartiennent à un monde globalisée, sont femmes avant tout, et non des objets d’étude, des sujets d’étude que l’on devrait regarder avec distance, et considérer comme des exceptions. Non, ce que Kapadia vise relève bien davantage de l’universalité, quitte à perturber en ne choisissant pas une forme rebelle, électrique, mais au contraire, une douceur de tous les plans, dans tous les dialogues, qui peuvent paraître comme une acceptation, ou dont on pourrait légitiment douté de l’efficacité militante . Aucune rage ici pour mener la lutte, juste un état d’esprit mis en avant, une beauté intérieure. Etonnamment, Kapadia réalise pour Mumbai, au féminin, un geste assez semblable à celui de Sorrentino, pour Naples. Une déclaration d’amour-haine, d’attraction répulsion.

La poésie d’All we imagine as light nous parvient si distinctement, passée la mise en place – quand celle du Grand Tour de Gomez nous fut moins immédiate, en grande partie du fait du mode de narration, très particulier, basée sur ce qui s’échange, se dit entre les protagonistes, des confidences qu’elles se livrent les unes aux autres. Cette structure peut nous rappeler des gestes vus par exemple dans des films de Jarmush ou de Wayne Wang/Auster, et probablement d’autres films qui ne nous reviennent pas immédiatement à l’esprit (aidez-nous :-)). Elle permet de rendre compte, tout aussi efficacement qu’un pamphlet qui nous aurait heurté pour nous interroger (on en manque aussi en sélection), du chemin qu’il reste à parcourir, des combats qui sont à mener, et de ce qu’il est autorisé de faire en attendant que les choses changent, le peu d’armes qu’ont les victimes, ce qui reste possible face à l’inexorable: la bienveillance, l’entraide, mais aussi et surtout, se bercer d’illusions, rêver, pour nourrir une vie intérieure plus belle que ne l’est la réalité.

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