Le festival de Cannes 2021 touche à sa fin. Tout à l’heure le jury de Spike Lee va décerner sa palme d’or. Longtemps nous nous sommes dits qu’aucun film, dans une sélection homogène qui comportait un de nombreux bons films, marquée par des thèmes qui se répondent les uns aux autres: la catharsis, le deuil, la société du spectacle, la fracture sociale, le rapport à son ennemi, le désenchantement, le manque d’horizon, la perte de valeurs pour n’en citer que quelques uns, ne se détachait réellement et pouvait être qualifié de chef d’œuvre. Même les films qui ont divisé ne pouvaient prétendre à un tel rang, et encore moins ceux qui ont rassemblé une certaine presse, amatrice de « je vous en mets plein la vue avec rien »; le tout et le rien ayant bien des points communs nous ne leur en voudront pas de voir de l’intellectualité voire même de l’intelligence dans les plans fixes et vides d’Apichaptong Weerasethakul, dans ses vaisseaux spatiaux subliminaux – que nous considérons pour notre part tout simplement ridicules et ennuyeux au possible. Et puis nous avons enfin eu un choc, de la part d’un cinéaste à la filmographie riche, profonde, intrigante et qui n’a jusqu’à ce jour pas encore obtenu le sésame. France de Bruno Dumont n’est pas aimable, il est même détestable pour tous ceux qui s’y reconnaissent ou se sentent visés par la férocité du projet. Sur la forme, le film présente cette ambivalence rare, être du pur Dumont (son meilleur d’Hadewijch, son chef d’œuvre, à Hors Satan en passant par Les démons de Jésus, ou même Jeannette), et ne ressembler à absolument à rien de tout ce qu’il a pu faire auparavant. Il trouve un ton qui nécessairement dérange et interroge; une provocation qui ne dit pas son nom, un miroir aux alouettes qui jette le discrédit le plus total, tout en veillant à ne pas trop appuyer sur le grotesque, sur la foi qui anime les gens qui suivent des buts bien pauvres, sur leur éblouissement. Il s’intéresse à une journaliste symbole de notre société, qui sans scrupule vise la gloire à tout prix, et n’hésite pas une seconde, quand il s’agit de chercher le buzz à tout prix. Tout le film peut s’entrevoir dans les premières minutes, hilarantes, où le vulgaire côtoie la bêtise, lorsque la journaliste star pense être irrévérencieuse et provocatrice en posant une question des plus anodines à Emmanuel Macron. La société du spectacle, voilà le sujet de Dumont, et côté spectacle son film n’en manque pas. Il bénéficie d’une superbe photographie et d’une non moins sublime musique. La façon qu’il a de filmer Léa Seydoux, en clown blanc, en dindon de la farce, loin de tout glamour – elle s’en sort admirablement et révèle un potentiel comique qu’on ne lui connaissait pas – finit de nous convaincre, la palme, pour nous, elle est pour lui ! A noter que les films français étaient de très bonne facture cette année.
Voici donc nos différents palmarès:
Palmarès 1:
Palme d’or : France de Bruno Dumont
Grand prix du Jury: Titane de Julia Ducournau
Prix du jury: La Fracture de Catherine Corsini
Meilleur acteur: Damien Bonnard dans les intranquilles
Meilleure actrice: Dylan Penn dans The Flag Day (ou Léa Seydoux si France n’obtient pas la palme, également son interprétation dans l’histoire de ma femme était très saisissante)
Prix du meilleur scénario: Les Intranquilles de Joachim Lafosse
Prix de la mise en scène: Benedetta de Paul Verhoeven
Palmarès 2:
Palme d’or : France de Bruno Dumont
Grand prix du Jury: Bergman Island de Mia Hansen Love
Prix du jury: The flag Day de Sean Penn
Meilleur acteur: Damien Bonnard dans les intranquilles
Meilleure actrice: Léa Seydoux pour France, L’histoire de ma femme, The french Dispatch et hors compétition Tromperie
Prix du meilleur scénario: La Fracture de Catherine Corsini
Prix de la mise en scène: The french dispatch de Wes Anderson
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