Vous retrouverez dans les lignes qui suivent notre journal critique de la 69ème Berlinale. La note maximale que l’on peut donner est ***** correspondant à nos yeux à un chef d’oeuvre, note que l’on donne très rarement, la note la plus basse est – quand on a trouvé le film très mauvais.
FILMS EN SELECTION OFFICIELLE
Di jiu tian chang(So Long, My Son)
Chine
de Wang Xiaoshuai (In Love We Trust, Beijing Bicycle, Chinese Portrait)
avec Wang Jingchun, Yong Mei, Qi Xi, Wang Yuan, Du Jiang, Ai Liya, Xu Cheng, Li Jingjing, Zhao Yanguozhang
Première Mondiale
Elisa y Marcela(Elisa & Marcela)
Espagne
de Isabel Coixet (Elegy, The Bookshop, The Secret Life of Words)
avec Natalia de Molina, Greta Fernández, Sara Casasnovas, Tamar Novas, Maria Pujalte
Première Mondiale
Notre avis:**(*)
Cette histoire d’amour en noir et blanc, filmée, une fois n’est pas coutume pour Coixet sans effets de genre, dans un bel académisme (façon Roma, façon Netflix ?), était un projet qui traînait dans les cartons de la réalisatrice espagnole depuis une dizaine d’années et qui ne trouvaient pas de financeur, probablement du fait de son sujet (la critique contre les lois répressives sur l’homosexualité fémine). Le récit proposé marque par sa fluidité, sa narration simple et limpide.Il met l’accent sur l’amour sincère, la délicatesse, l’engagement de deux jeunes femmes dans un monde qui leur est entièrement ennemi. La caméra, par ses mouvements, son optique (noir et blanc soigné) magnifie les deux actrices, traduit leur attirance l’une à l’autre, dés les premiers sourires. Très vite, à l’instar de « La vie d’Adèle », on sent une passion naître, qui imprime la pellicule pour mieux s’imposer aux yeux du spectateur. La façon de filmer est cependant bien différente, les scènes d’amour s’étirent, mais l’accent est mis sur un désir tendre, sur une sensualité très intime, très privée, quoi qu’Isabelle Coixet y glisse ce qui sans aucun doute s’apparente à un fantasme, une pieuvre dégoulinante (et puante apprendra-t-on en conférence de presse) qui colmatent les vides entre les courbes corporelles enlacées. Sensuel, tendre, presque vidé de tout complément d’ordre masculin, les deux actrices rayonnent; leur amour indiscutable et simple offre un contraste détonnant avec les « on dit » locaux, et leurs dérives conformistes. Militante, Coixet termine son film par un rappel bien d’actualité, l’homosexualité reste dans de nombreux pays considéré comme un crime et passibles de peines pouvant être très lourdes. Quoi qu’elle se défende d’avoir voulu faire un manifeste – et le film lui donne raison, on peut parler d’un « Happy together » au féminin par exemple, une belle histoire bien filmée, il n’en reste pas moins que la réalisatrice espagnole trouve l’occasion de défendre une cause à laquelle elle est sensible, et cette sincérité va de pair avec la restriction qu’elle s’est donnée vis à vis de quelques autres de ses films. Ainsi, ne vous attendez pas à frissonner, voire à passer dans l’au-delà, ne cherchez nul mystère, tout est limpide comme de l’eau de roche, comme un amour sincère et durable.
L’oeuvre sans auteur
Allemagne
de Florian Heckel Von Donnersmarck (La vie des autres, The Tourist)
avec Paula Beer, Sebastian Koch, Tom Schilling, Saskia Rosendahl
Notre avis:***
L’oeuvre sans auteur – Ambitieux assurément !
Ich war zu Hause, aber (I was at home, but)
Allemagne, Serbie
de Angela Schanelec avec Franz Rogowski, Alan Williams, Devid Striesow, Lilith Stangenberg
Première Mondiale
Notre avis: NON NOTE
Un exercice d’art thérapie conceptuel qui dés les premières images nous a littéralement hypnotisé. Nos paupières furent lourdes, lourdes, et seul le générique vint les alléger. On est passé à côté, difficile d’émettre un avis…
Gospod postoi, imeto i’ e Petrunija (God Exists, Her Name is Petrunija)
Macedoine / Belgique / Slovenie / Croatie / France
de Teona Strugar avecevska (When the Day Had No Name, The Women Who Brushed Off Her Tears, I Am From Titov Veles)
avec Zorica Nusheva, Labina avecevska, Simeon Moni Damevski, Suad Begovski, Violeta Shapkovska, Stefan Vujisic, Xhevdet Jahari, Andrijana Kolevska
Première Mondiale
Notre avis: **
Une farce qui s’accapare un fait réel pour mieux résonner avec son époque. Le trait est volontairement appuyé, on sent l’envie de la réalisatrice de tourner en dérision les positions très masculines de l’église et de lui opposer un personnage central féminin qui n’a pas froid aux yeux et ne se laisse pas faire. A travers ces différents portraits, la famille avecevska s’en donne à cœur joie pour dénoncer les traditions en Macédoine, les conservatismes, les attitudes qui encouragent à ce que rien ne bouge (l’omerta est véritablement le thème central de cette édition de la Berlinale). Sympathique, le film manque suffisamment de souffle, ou de rebond, pour que l’on s’esclaffe plus que cela. Peut rappeler l’Ours d’argent de l’année dernière attribuée à Twarz de la cinéaste polonaise Malgorzata Szumowskav. Insuffisant pour figurer dans notre palmarès, mais certains ici ont été très enthousiastes ce matin lors de la projection presse – air des temps.
The Golden Glove
Allemagne
de Fatih Akin
avec Margarethe Tiesel, Jonas Dassler, Uwe Rohde, Dirk Böhling, Lars Nagel ,Jessica Kosmalla,
Marc Hosemann
Première Mondiale
Notre avis:**
Fatih Akin livre ici un film qui rentre sans conteste dans le top 100 des films les plus glauques du cinéma. On peut y voir une inspiration Ferrerienne, ou un parallèle avec Salo de Pasolini, ou plus récemment avec l’entreprise suivie par Von Trier avec The house that Jack Builts . Tout qu’est qu’afre, saleté, et terreur. La Bête humaine dans toute sa splendeur, son morbide. Le récit tentera bien de glisser une petite lueur d’espoir, en ressort dramatique de circonstance, mais non, le laid reprend très vite le dessus; les vapeurs d’alcool, la monstruosité, voilà le spectacle auquel Akin convie ses spectateurs. Sur la forme, outre le soin pris à décortiquer les scènes les plus glauques pour leur conférer une épaisseur, outre le travail formel sur le son, notons cette volonté -ironique ?- de bercer le récit de sons nostalgiques ringards. Le musée des horreurs de Fatih Akin a de quoi révulser sans aucun doute, et en soi, ce peut être un attrait.
Mr. Jones
Pologne / GB / Ukraine
de Agnieszka Holland (Spoor, Europa Europa, Angry Harvest)
avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard
Première Mondiale
Notre avis: ****
Un film d’espionnage qui s’autorise des moments de cinéma très intenses (des abimes/plongées vertigineuses façon Sokhourov ou Bartas), une façon de filmer en lien constant avec son sujet, sa temporalité (statique/dynamique, saturé/désaturé), propose une galerie de personnages crédibles, et un personnage central atypique, naïf diront certains, utopiste ou jusqu’au boutiste diront d’autres, pour dénoncer avec force et fracas l’omerta sur le régime stalinien, dont certains puissants détenteurs reçurent des honneurs (le prix Pullitzer notamment). Nous remarquons une seule fausse note, un détail tragique un chouia trop souligné qui pouvait se comprendre sans autant appuyer, vous l’aurez compris, bien plus qu’un film d’époque, bien plus qu’un film d’espions, le résultat a une portée historique manifeste; et au contraire d’Ozon, on sent que le réalisateur parle de son sujet sans distance, sans fantaisie, frontalement.
Öndög
Mongolie
de Wang Quan’an (White Deer Plain, Apart Together, Tuya’ s Marriage)
avec Dulamjav Enkhtaivan, Aorigeletu, Norovsambuu Batmunkh
Première Mondiale
Notre avis: non vu
La paranza dei bambini(Piranhas)
Italie
de Claudio Giovannesi (Fiore, Alì Blue Eyes)
avec Francesco Di Napoli, Ar Tem, Viviana Aprea, Pasquale Marotta
Première Mondiale
Notre avis:*(*)
Film initiatique sur l’inépuisable sujet de la mafia, réalisé par Claudio Giovannesi qui nous avait proposé le touchant Fiore à la quinzaine des réalisateurs, d’après le roman éponyme de Roberto Saviano.
Le film suit les pas d’un jeune homme, naturellement leader de son petit groupe, qui pour parvenir à ses fins (protéger sa mère, conquérir une jeune fille) voit dans l’engagement criminel une opportunité.
Le rythme est dans l’ensemble bon, et la trame scénaristique, si elle ne fait pas nécessairement dans l’originalité, bien construite.
Le jeune homme insouciant aura des raisons de croire en sa bonne étoile, et le spectateur pourra s’interroger avec lui de cet état de fait, que le crime paye, quand il ne tue pas.
Plaisant mais sans dimension supplémentaire qui puisse en faire un favori de la compétition.
Grâce à Dieu
France
de François Ozon (Fiore, Alì Blue Eyes)
avec Melvil POUPAUD, Swan ARLAUD, Denis MENOCHET, Aurélia PETIT, Eric CARAVACA, François MARTHOURET,
, Bernard VERLEY, Martine ERHEL, Josiane BALASKO,
Hélène VINCENT, François CHATTOT, Frédéric PIERROT
Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi.
Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne.
Notre avis:**
Ozon manque le traitement de son sujet. On sent chez lui l’envie de traiter un thème qui lui est cher: l’omerta, mais on sent aussi qu’en substance le sujet se dérobe à lui. Paradoxalement, il nous semble qu’Ozon cherche avant tout à filer la parabole d’une omerta autre, celle qui entoure l’homosexualité. Le film souffre dans sa première partie d’un rythme rendu pesant par l’omniprésence de relations épistolaires. Les images semblent quasi vaines tant le récit suffit à lui même. Les mots sont pesés, réfléchis, les échanges courtois, les ressentis rentrés. La seconde partie laisse le champ à une forme plus libre, où les douleurs personnelles prennent une place plus importante, où une mécanique humaine se met en place, une énergie réparatrice, la parole se libère. Ozon quitte alors sa casquette de journaliste – dixit lui-même lorsqu’il évoque le travail de documentation qu’il a pu faire auprès des véritables protagonistes de cette affaire – pour rentrer un peu plus dans la fiction, laisser parler ses personnages, leur donner une couleur personnelle. Mais il fait, à notre sens, l’erreur de s’attarder sur quelques uns des aspects au détriment d’autres. Certes certains portraits s’affinent, certes l’action s’invite, certes Ozon parvient, et ce n’est pas un mince challenge, à traduire à l’écran les ressorts d’une omerta, plus ou moins organisée, plus ou moins acceptée, plus ou moins condamnable, mais étrangement on note une résonance parfois maladroite – ainsi de l’exposition de la courbure du sexe du personnage de Swan Arlaud, complexe traumatisant mis en exergue, ainsi de certains conflits familiaux récurrents, qu’ils trouvent leurs origines dans la jalousie d’un frère, ou dans le souci de préserver une réputation, une image de parents, amenés un peu trop brutalement-. Une impression prédomine : Ozon veut nous parler d’un sujet plus large ou plus restreint, il prend une distance trop importante avec son sujet pour nous embarquer, nous saisir. S’il évite l’écueil de la caméra juge, il tombe dans celui du récit qui cherche sa juste tonalité, qui ose ou au contraire s’efface pour mieux faire ressortir. Un ingrédient essentiel manque, un matériau vécu probablement, qui insufflerait une autre rage, ou une autre lueur. Grâce à Dieu nous déçoit donc, sans pour autant être notablement quelconque; si Canal+ a refusé de produire le film, première pour Ozon, ceci indique bien qu’il fallait du courage pour s’attaquer à une telle entreprise, et que celle-ci n’était pas des plus simples.
A tale of three sisters (Kız Kardeşler)
Turquie, Allemagne, Pays Bas
de Emin Alper avec Cemre Ebüzziya, Ece Yüksel, Helin Kandemir, Kayhan Açıkgöz, Müfit Kayacan
Notre avis: **(*)
Une fable sur l’espoir qui expose ses personnages – et ses lieux – d’abord de façon épurée et alentie, pour ensuite développer son sujet de fond, allégorique autour de l’espoir, et de la différence. Sous ses aspects de film profondément tristes, le réalisateur turque cherche avant toute chose à démontrer que la vérité n’est ni blanche, ni noire, qu’elle est à rechercher dans les nuances de gris, et qu’elle doit passer nécessairement par un dialogue retrouvé, par une compréhension plus forte, par un mixte entre les apport de la modernité et les valeurs traditionnelles, par une quiétude à trouver qui prenne en considération des aspects aussi différents que la nécessité d’être aimé, d’être valorisé, d’être éduqué, de s’émanciper, de vivre sa propre vie, de gagner dignement son argent pour élever sa famille et construire, se soigner, de vivre sa vie de femme sans dépendre d’un homme, de gagner sa vie sans vendre son âme au diable, sans dépendre d’un autre, d’avoir du temps à soi, … Bref, sous des aspects très épurés, voire simpliste – le principe d’une fable – le réalisateur turc propose un ensemble de thèmes de réflexion que le specateur peut ou non relever. Pour lui, il y a de l’espoir dés lors qu’il y a une intéraction, un échange, mais le chemin n’est pas aisé. En conférence de presse, il soulève par exemple la question de l’émigration, en citant par exemple les turcs qui rêvent d’Europe et qui peuvent déchanter; preuve en est, s’il fallait nous en convaincre, que derrière la fable, un message plus universel se cache.
Systemsprenger(System Crasher)
Allemagne
de Nora Fingscheidt
avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide, Lisa Hagmeister
Première Mondiale – Premier Film
Notre avis: **(*)
Systemsprenger entre dans la catégorie des films qui s’intéressent à un sujet choc et cherchent à le traiter frontalement, crûment, pour interroger, interloquer. La société ou le système agit en rouleau compresseur qui pousse parfois à générer de grandes injustices pour ceux qui ne sont pas protégés, encadrés, qui ne bénéficient pas du minimum de tendresse nécessaire à tout à chacun pour se construire, se sentir à l’aise parmi les autres. Parmi les oubliés du système, ces enfants confiés à des structures accueillantes, qui se chargent de leur éducation, et ne peuvent le plus souvent que faire office de cache-misère. La misère se doit très souvent d’être éloignée, le plus possible, car elle s’accompagne de troubles du comportements, d’excès de violence, de cris de rages et de désespoir qui effraient tout autant qu’ils émeuvent. Ceux qui aident sont les plus exposés, ils prennent un risque que d’autres n’osent prendre. Leur rôle de substitut ne peut pour autant porter solution à un manque affectif que les conditions particulièrement changeantes, les divers rejets, et solutions temporaires rendent plus prégnant. Le sentiment de rejet et d’abandon s’en trouvent découplé; la violence n’est plus loin. Systemsprenger parvient parfaitement à traduire cette situation, à émouvoir comme à choquer; il trouve quelques ficelles habiles également pour suggérer au delà de la simple démonstration, le langage visuel comporte quelques figures de style intéressantes, que ce soient ces courses/fuites qui laissent entendre une libération possible, que ce soient ces cauchemars qui évoquent au contraire l’angoisse, la cloison existentielle. Seul hic manifeste, le tempo retenu, la trame scénaristique par trop répétitive et qui semble engluer le spectateur en une irrésolution permanente entre espoir possible ou impossible, jusqu’à cette scène finale qui de façon ambivalente ne porte d’autre allégorie que celle du libre choix du spectateur de se faire sa propre opinion. Bon premier film.
Ut og stjæle hester(Out Stealing Horses)
Norvège / Suède / Danemark
de Hans Petter Moland (The Beautiful Country, A Somewhat Gentle Man, In Order of Disappearance)
avec Stellan Skarsgård, Tobias Santelmann, Bjørn Floberg, Danica Curcic
Première Mondiale
Notre avis: *(*)
Moland s’intéresse à la nature profonde de l’homme, à son orgueil, à son rapport à la nature, à son rapport à la souffrance à l’abandon, à sa véléïté, à son besoin de s’éloigner. Il s’intéresse (trop) aux non dits, à ses regards usés, francs, légèrement humides qui traduisent des sentiments et des ressentiments bien plus que de longues tirades. L’ambiance est taiseuse, la nature domine, l’Histoire s’invite dans la destinée de notre héros, qui retrace sa vie petit à petit, ce qui nous vaut d’incessants allers-retours entre l’âge adulte et l’enfance, le monde perdu, le monde construit. Les flashback structurent le récit, la nature l’encadre. Très centré sur la psychologie des dur-à-cuir masculins, qui choisissent de souffrir seuls, plutôt que de s’ouvrir aux autres, le spectateur est invité à décrypter les ressentis par lui même, les mots, les situations, n’y contribuant que très peu. L’impression d’ensemble est naturellement froide; le rythme très alenti; si l’on ressent bel et bien une réelle profondeur, l’inconvénient majeur, et le reproche principale que l’on fera au film, est qu’elle s’avère plus pesante qu’intrigante.
The kindness of Strangers de Lone Scherfig
avec Zoe Kazan, Andrea Riseborough, Tahar Rahim, Celab Landry Jones
Notre avis: ***
Une très belle narration, qui permet à ce film choral de toucher petit à petit, en mettant au centre du récit l’entre-aide entre infortunés. A noter la très belle interprétation de Zoe Kazan.
Synonymes(Synonyms)
France / Israel / Allemagne
de Nadav Lapid (Policeman, Aus dem Tagebuch eines Hochzeitsfotografen, Ich habe ein Gedicht)
avec Tom Mercier, Quentin Dolmaire, Louise Chevillotte
Première Mondiale
Notre avis:**(*)
Voilà bien un OFNI – Objet Filmé Non identifié. Les premières images donnent le ton, le réalisateur n’a pas envie de faire comme tout le monde, quitte à suivre quelqu’un qui marche, autant filmer ses pas plus que sa silhouette. La caméra tremble, virevolte, comme pour donner du tonus, puis quand le personnage principal entre dans un appartement, l’image se fait plus statique, plus classique. Sur le plan formel, on note cette volonté de proposer un puzzle peu académique, qui n’aura de cesse de se confirmer, avec quelques jolies réussites – comme les scènes musicales, sans qu’il y ait pour autant lieu d’y voir la maestria d’un Noe, une esthétique à couper le souffle comme peuvent le proposer les plus grands formalistes – les von trier, lynch et autres Kar wai pour ne citer que ceux-ci. L’entreprise formelle est juste inhabituelle, un rien décontenançante. Reste donc à vous parler du fond, qui pour l’heure, est plus osé. Le cinéaste cherche le plus souvent à raconter une histoire, à livrer un point de vue, et les mots comme les images viennent en support. Plus la langue est belle et travaillée, plus l’élan poétique a des chances de réhausser le récit, de le colorier et de faire passer des émotions. L’apollonide par exemple de Bonello en est un parfait exemple. Ici, Nadav Lapid propose un paradigme bien différent, quasi inversé. Les mots avant tout. La recherche des mots, l’acculturation des mots, les essais à travers les mots; la quête d’un langage qui puisse trouver son sens dans l’existence, donner du sens à l’existence. Le récit donné à voir au spectateur intrigue, les personnages parlent « comme dans des livres », semblent vivre de façon totalement atypique. Pourtant, une allégorie est filée, elle entretien un mystère sur chacun des personnages. Le corps, la violence, le traumatisme, la France et ses valeurs, Israel et son régime, le désir, la pulsion, la folie, la musique, la perversion sont ainsi quelques thèmes traversés de manière très foutraque… Certaines situations prêtent à sourire par leur excès, elles sont probablement chargés d’un sens caché à deviner. L’impression produite demeure très particulière; si nous sommes certains que l’oeuvre n’est nullement parfaite – nous tairons ces quelques gratuités que l’on retrouve chez certains écrivains par ailleurs très talentueux, autour de la nudité, du rapport au sexe -, elle présente le mérite de tenter quelque chose d’assurément particulier, d’ambitieux.
Yi miao zhong (One Second)
Chine
de Zhang Yimou (Rotes Kornfeld; Heimweg; A Woman, A Gun and a Noodle Shop)
avec Zhang Yi, Fan Wei
PREMIERE MONDIALE
Notre avis: NE SERA PAS DIFFUSE LE FILM N EST FINALEMENT PAS PRET !
L’adieu à la nuit (Farewell to the Night)
France / Allemagne
de André Téchiné (avec 17, In the Name of My Daughter, Wir waren Zeugen)
avec Catherine Deneuve, Kacey Mottet Klein, Oulaya Amamra, Stéphane Bak, Mohamed Djouhri
Première Mondiale – HORS COMPETITION
Notre avis:**(*)
L’adieu à la nuit: Techiné livre une belle réflexion sur le terrorisme
Varda par Agnès (Varda de Agnès) – Documentary
France
de Agnès Varda (Cléo from 5 to 7, The Gleaners and I, The Beaches of Agnès, Faces Places)
Première Mondiale – HORS COMPETITION
Notre avis: ***
Un témoignage d’Agnès Varda avec toute la malice qu’on lui connaît, ses qualités de grande narratrice. Un retour sur sa carrière qui permet, mieux que tout hommage externe, de transmettre. Ressemble à s’y méprendre à un film testamentaire.
Amazing Grace– Documentaire
USA
de Alan Elliott
d’après les originaux datés de 1972 fournis par Warner Bros.
Première en europe – HORS COMPETITION
Notre avis:
Marighella
Brésil
de Wagner Moura
avec Seu Jorge, Adriana Esteves, Bruno Gagliasso, Jorge Paz, Luiz Carlos Vasconcelos, Humberto Carrão, Bella Camero, Ana Paula Bouzas
Première Mondiale – Premier Film
HORS COMPETITION
Notre avis: (*)
A s’y méprendre, on dirait un film de Jean-François Richet. De l’action, de l’action, de l’action. Le portrait de l’homme, du poète, du militant est quasi inexistant, tout comme le portrait du pays. Le combat qu’il mène est présenté comme évidemment juste, sans subtilité, sans nuance, sans doute. Le propos en devient simpliste, d’un côté il y a un héros, un leader courageux, de l’autre, de très méchants hommes. La réalité était et est peut être celle là, mais d’un point de vue cinématographique quel intérêt de multiplier à l’envie des scènes de fusillade, d’actions militantes et policières plus ou moins violentes, brusques ? Certes il y a bien la tentative de montrer que notre héros a une famille, qu’il embarque dans son combat, mais cette ficelle narrative n’en devient que caricatural. D’autant plus dommage que ce sujet mériterait un développement d’un tout autre accabit; d’autant que la situation politique brésilienne actuelle est particulière, d’autant que la situation mondiale politique est particulières, d’autant que la thématique principale de la Berlinale s’avère être l’omerta, et que la junte militaire lorsqu’elle avait le pouvoir au Brésil instaurait une forte répression sur les opposants, imposait le silence, et nombre de petits soldats en faisaient leur combat quotidien …
The Operative
Allemagne / Israel / France / USA
de Yuval Adler (Bethlehem)
avec Diane Kruger, Martin Freeman, Cas Anvar
Première Mondiale – Hors competition
Notre avis: *
Un film d’espionnage comme il en existe trente six mille, qui use de la complexité d’une intrigue absconse qui peut laisser croire au spectateur joueur qu’il passe un test de QI: va-t-il comprendre la finesse de l’intrigue ? va-t-il cerner les différents enjeux ? va-t-il ressentir les contradictions, les sentiments des différents protagonistes … Certes à proposer un récit aussi labyrinthique, on pourrait crier au renouveau d’un genre si cher à une mouvance 70 aux USA notamment; mais les oeuvres des Pakula, Coppola ou autres De Palma avaient une portée bien différente… Que restera-t-il après avoir vu The operative ? Probablement pas grand chose, un vague espionnage industriel impliquant le Mossad, l’Iran et l’Allemagne, et une espionne qui tombe facilement amoureuse et ne dit rien sur elle même. Même si le réalisateur choisit un tempo aux antipodes d’un Jason Bourne ou James Bond, même si son héros a le doux regard d’une Diane Krüger chatain, sérieuse à défaut d’être captivante, l’intrigue se révèle très rapidement bien plus creuse que mystérieuse … NB Peut être aurions-nous été plus indulgent si nous n’avions pas vu hier le puissant Mr Jones, film sur l’espionnage à la puissance et portée autrement plus intéressante.
Vice (Vice – der zweite Mann)
USA
de Adam McKay (The Big Short)
avec Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell,Tyler Perry
HORS COMPETITION
Notre avis: (*)
Un film qui choisit une narration très proche du documentaire à la Michael Moore. Le ton principal est l’ironie, et l’humour parfois acide. Dés son générique, l’auteur dévoile son intention, faire un portrait très précis d’un homme de l’ombre sans état d’âme, Dick Cheney. Ce rôle vaut à Christian Bale l’occasion de se transformer physiquement de façon très radicale, tout comme Amy Adams, ce qu’Hollywood adore (les fameux rôles à Oscar) … D’un point de vue purement cinématographique, il nous est cependant très difficile de s’enthousiasmer, le récit est très appuyé, très linéaire, les images viennent illustrer un propos bien plus qu’elles ne suggèrent ou transfigurent quoi que ce soit. Ni plus ni moins, le film vous assène une leçon politique, vous livre un point de vue sans réelle nuance, assez emprisonnant pour les cerveaux qui aiment à ce qu’un espace leur soit réservé pour une interprétation libre (on ne veut pas défendre le personnage Cheney, qui est probablement tout ce qu’il y a de plus antipathique, le bon petit soldat loyal et arriviste, mais certaines allégations nous semblent un peu trop généralisées – comme par exemple celles comme quoi tous les hommes politiques se choisiraient un camps sans plus de conviction que cela, juste histoire de se rapprocher du pouvoir – cela doit être le cas pour au moins 80% d’entre eux, mais on ose croire que pour les 20% restant une part de sincérité résiste, et surtout au delà de toute considération politique, le récit est très inintéressant en soi, il s’agit avant toute chose d’un point de vue politique, d’un acte de journalisme tout au plus, et encore …)