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Jacques Rivette un grand monsieur du cinéma français nous quitte …

Mis à jour le 29 janvier, 2017

A l’origine de La Nouvelle Vague

Jacques Rivette était avant tout une figure fondatrice de La Nouvelle vague. Fougueux comme on peut l’être à vingt ans, François (Truffaut), Jean-Luc-(Godard),  Claude (Chabrol) et Jacques (Rivette) furent les pionniers à prendre la caméra après les stylos, pour marquer une rupture dans la production cinématographique française. Ils furent rejoints par d’autres comme Eric Rohmer, Agnès Varda, Jean-Daniel Pollet, Jacques Rozier, Louis Malle ou Alain Resnais ou un peu plus tard (l’appartenance au mouvement étant moins évidente) des auteurs tels Jean Eustache. La renommée du cinéma français à l’étranger leur doit beaucoup, pour ne pas dire tout.

Si le terme « Nouvelle Vague » apparaît sous la plume de Françoise Giroud dans l’Express en date du 3 octobre 1957, son coup d’envoi vient avec Le Coup du berger, le premier court métrage de Jacques Rivette en 1956. En 1958 ou 1959, François Truffaut, Jean-Luc Godard,  Claude Chabrol et Éric Rohmer réaliseront leurs premiers longs métrages.

Le nom de Jacques Rivette est obligatoirement associé aux Cahiers du cinéma:   Il y signa son premier article en 1953, dans le numéro 23, peu de temps après Godard [n°15] et Truffaut [n°21],  en devint le directeur en chef en 1963, fonction qu’il occupera jusqu’en 1965, et collaborera aux Cahiers jusqu’en 1969. Au préalable, avec Éric Rohmer, Jean-Luc Godard et Alexandre Astruc, il avait participé à l’aventure éphémère de la Gazette du cinéma, la revue créée autour du ciné-club du quartier latin.

L’histoire de la Nouvelle Vague est celle d’un groupe de critiques, issus pour la plupart des Cahiers du cinéma, qui voulaient devenir réalisateurs.  Surnommés « Jeunes Turcs », ils fréquentaient la cinémathèque et se montraient très volontiers véhéments à l’encontre des réalisateurs classiques de l’époque, tels  Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, Julien Duvivier, Marcel Carné, René Clair, René Clément,  ou même Georges Clouzot dont Chabrol reprendra pourtant l’enfer, projet au combien moderne.

Ils attaquent ce qu’ils considèrent comme l’académisme du cinéma français dominé par les scénarios littéraires et un jeu d’acteur venu du théâtre -qui sont pourtant les marques de fabrique de Rohmer et de Rivette-, et défendent ce qui à leurs yeux représente des formes plus proprement cinématographiques, qu’ils repèrent chez des cinéastes aussi différents qu’ Alfred Hitchcock, Jean Renoir, Jean Cocteau, Ingmar Bergman, Howard Hawks, Vincente Minnelli, Fritz Lang ou Friedrich Murnau.

Une oeuvre riche

Jacques Rivette fut tout d’abord assistant réalisateur dans les années 1950 de Jacques Becker et de Jean Renoir, avant de réaliser son court métrage  Le Coup du berger.

Le premier long métrage que l’on doit à Jacques Rivette s’intitule Paris nous appartient. Du fait de difficultés financières pour monter le film – il commença par emprunter de l’argent aux cahiers du cinéma pour acheter de la pellicule – le film ne fut diffusé qu’en 1961 grâce au soutien financier de Claude Chabrol et François Truffaut.

Godard lui y est acteur.

Son deuxième long métrage fut défendu avec force par Jean-Luc Godard: il faut dire que Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot met à l’écran, pour l’une de ses plus belles compositions, Anna Karina. Elle tenait déjà le rôle dans la pièce de théâtre La Religieuse que Rivette mis en scène en 1963.

Si le réalisateur est homme de cinéma avant toute chose – La religieuse est sa seule pièce de théâtre!- , plus que tout autre cinéaste il n’aura eu de cesse d’interroger le rapport entre les deux arts, proposant de nombreuses mises en abyme souvent vertigineuses.

Ses films les plus connus se nomment La belle noiseuse, Grand Prix du jury du festival de Cannes 1991 interrogeant le rapport d’un maître (Michel Piccoli) à son modèle (Emmanuelle Béart), Jeanne La pucelle qui valut à Sandrine Bonnaire d’incarner Jeanne d’arc ou Va savoir, quand la caméra s’insère au milieu d’une troupe de théâtre pour interroger le rapport entre jeu et réalité, sur fond d’histoires d’amour présentes, à venir ou passées.

Sa filmographie ne comporte que 21 longs métrages, mais l’oeuvre toute entière forme un tout indéniable. Tous ses films participent à une réflexion qu’il n’est nullement imméritée de qualifier d’intellectuelle. Ce qui marque chez Rivette est avant tout la profondeur. Ainsi s’interdit-il de rentrer dans des formats qui rendraient son approche impossible, le temps est essentiel à la réflexion et Rivette le prend et l’interroge. Pour Out 1 – Noli me tangere, le cinéaste s’inspire de la méthode de Jean Rouch : des acteurs qui inventent leurs propres personnages. et propose une fresque romanesque – près de 13 heures découpées en huit épisodes, réduites à 4 h 15 dans la version « courte ».

 La belle noiseuse dure 4 heures, l’amour fou 4h12 , la plupart de ses films durent plus de deux heures.  En cela, il impose une forme affranchie de codes, et s’inscrit en cohérence avec ses idées de jeunesse.

Ce temps se retrouve aussi dans sa façon de concevoir des films et de filmer, ses films n’ont pas ou peu de scénario, il s’accorde le droit à l’écriture improvisée, et il laisse également ses acteurs libres de proposer, refusant des cadres plus rigides, s’autorisant des détours ou des expérimentations imprévues dans une démarche que l’on retrouve une fois encore plus souvent au théâtre qu’au cinéma.

Ce temps se retrouve également dans ses titres de film, très réfléchis comme il en témoigne.

Si Rivette s’est signalé par une fidélité vis à vis de ses actrices, Juliet Berto, Jane Birkin, Géraldine Chaplin, Sandrine Bonnaire, Emmanuelle Béart, Jeanne Balibar, une actrice traverse le cinéma (pour ne pas dire le théâtre) de Jacques Rivette plus que toutes les autres, Bulle Ogier,  que l’on retrouve à l’affiche de 7 de ses  films : L’amour fou, Out 1 : Noli me tangere, Céline et Julie vont en bateau – qu’elle co-écrit avec Rivette, Duelle, Le Pont du Nord – elle participe à l’écriture du scénario tout comme sa fille, Pascale Ogier– , La Bande des quatre, et Ne touchez pas la hache.

Elle parle ici de sa discrétion, du rapport qu’il instaure.

Très estimé par ceux qui connaissent son cinéma, mais finalement très confidentiel, il est fort à parier que son oeuvre soit reconsidérée à sa plus juste valeur , redécouverte puis réappropriée, maintenant l’homme parti – Jacques Rivette est décédé ce 29 Janvier à l’âge de 87 ans -, et qu’il retrouve une place de choix aux côtés de ses camarades Truffaut ou Godard, auquel il n’avait rien à envier – on saluera notamment qu’il ne se soit jamais renié, qu’il n’ait jamais basculé dans un systématisme qui lui aurait assuré une reconnaissance plus importante, confort que La Nouvelle Vague dénonçait. Des œuvres très marginales comme Hurlevent, par exemple, méritent très sincèrement d’être vues plus largement.

 
Filmographie sélective de Jacques Rivette

  • 1956 : « Le Coup du Berger » (court métrage) avec François Truffaut, Jean-Claude Brialy
  • 1961 : « Paris nous appartient », co-réalisé par Jean Gruault avec Betty Schneider, Gianni Esposito
  • 1966 : « Suzanne Simonin, la religieuse de Denis Diderot », scénario de Jean Gruault avec Anna Karina, Liselotte Pulver
  • 1968 : « L’Amour fou » avec Bulle Ogier
  • 1971 : « Out One : Noli me tangere », scénario de Suzanne Schiffman avec Bulle Ogier, Michael Lonsdale
  • 1972 : « Out One : Spectre », avec Juliet Berto, Bernadette Lafont
  • 1974 : « Céline et Julie vont en bateau », avec Juliet Berto, Bulle Ogier
  • 1976 : « Duelle » avec Juliet Berto, Bulle Ogier, « Noroît » avec Bernadette Lafont, Géraldine Chaplin
  • 1978 : « Merry-Go-Round » avec Maria Schneider, Joe Dalessandro
  • 1981 : « Le Pont du Nord » avec Jean-Francois Stévenin, Pierre Clémenti
  • 1984 : « L’Amour par terre » avec Géraldine Chaplin, Jane Birkin
  • 1986 : « Hurlevent » avec Fabienne Babe, Lucas Belvaux
  • 1988 : « La Bande des quatre » avec Bulle Ogier, Benoit Regent
  • 1991 : « La Belle Noiseuse » avec Michel Piccoli, Emmanuelle Béart
  • 1994 : « Jeanne la Pucelle » (film en deux parties « Les batailles », avec Sandrine Bonnaire, Jean-Marie Richier et « Les prisons », avec Sandrine Bonnaire, André Marcon)
  • 1995 : « Haut bas fragile »
  • 1998 : « Secret Défense », avec Sandrine Bonnaire, Grégoire Colin
  • 2001 : « Va savoir » avec Jeanne Balibar, Sergio Castellito
  • 2003 : « Histoire de Marie et Julien » avec Jerzy Radziwilowicz, Emmanuelle Béart
  • 2007 : « Ne touchez pas la hache » avec Jeanne Balibar, Guillaume Depardieu
  • 2009 : « 36 vues du pic Saint-Loup » avec Jane Birkin, Sergio Castellitto

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