Mis à jour le 8 mai, 2022
La vie extraordinairement cinéphilique de Lotte H. Eisner(1896-1983), historienne du cinéma, critique de films, conservatrice et co-fondatrice de la cinémathèque française aux cotés d’Henri Langlois et de George Franju, est le sujet d’un documentaire impressionnant réalisé par Timon Koulmasis, diffusé sur Arte.
Lotte Henriette Eisner est née à Berlin dans une famille juive commerçante, un an après la naissance du cinéma. Elle a commencé à publier des critiques de cinéma en 1927, notamment pour Film-Kurier, un quotidien de cinéma berlinois.
Mais l’arrivée des nazis a changé sa vie. En 1933 elle fut obligée de fuir le pays et de se réfugier en France, plus précisément à Paris, où elle rencontre Henri Langlois. Celui-ci lui proposera, en 1937, de travailler à la cinémathèque française. Son travaille est à tel point inoubliable qu’aujourd’hui, la troisième plus grande salle de l’établissement porte son nom. Pendant 30 ans, entre 1945 et 1975, elle occupe le poste de conservatrice en chef à la cinémathèque, parallèlement elle continue à écrire pour des revues de cinéma françaises et allemandes comme La Revue du cinéma, Les Cahiers du cinéma, Filmkritik, Filmfaust … Elle publie également trois livres influents ayant pour sujet commun l’histoire du cinéma allemand: W.F. Murnau, Fritz Lang et L’écran démoniaque. Dans ce dernier, elle analyse plus de quarante films de la période 1920-1933 du cinéma expressionniste allemand, qui, après-guerre, a été considérée comme l’une des sources esthétiques du nazisme, notamment par Siegfried Kracauer dans son œuvre appréciée De Caligari à Hitler(1947). Mais Lotte Eisner, en mettant un accent sur la littérature expressionniste comme un source majeur et en proposant une analyse des inventions visuels des cinéastes allemands des années 1920 et 1930, essaye de revaloriser l’expressionnisme en tant que l’âge d’or du cinéma allemand.
Lotte Eisner avait fait l’objet de précédentes recherches documentaires, comme par exemple Lotte Eisner in Germany(1947) réalisé par le documentariste et réalisateur de TV américain S. M. Horowitz (disponible ici) ou encore Die langen ferien der Lotte H. Eisner(Les longues vacances de Lotte H. Eisner) en 1979, un film très peu vu, plus ou moins disparu, réalisé par Sohrab Shahid Sales, cinéaste iranien exilé en Allemagne.
Lotte Eisner – Par amour du cinéma nous présente cette figure particulièrement importante et inspirante, cette femme pionnière dans le monde de la critique de cinéma et de la conservation de films, à l’aide d’un mélange d’images d’archives(photos et vidéos) et de témoignages de cinéphiles qui l’ont connu, mais aussi de cinéastes comme Wim Wenders, Volker Schlondorff, Werner Herzog… Ce dernier, a publié, en 1978, l’histoire de son voyage/pèlerinage à pied entre Munich et Paris pour visiter Lotte qui était malade, dans un livre intitulé Sur la route des glaces (Il lui a également dédié son film de 1974, L’énigme de Kaspar Hauser).
Dans des extraits d’anciennes interviews, Lotte Eisner montre tout d’abord l’image d’une personne passionnée, avec un sens de l’humour et une présence agréable – par exemple quand elle raconte comment elle a été invitée, par Leni Riefenstahl comme intermédiaire, pour rencontrer Hitler. Nous découvrons en suite quelques vidéos inédites, comme par exemple quand Langlois, excité, présente des accessoires et des objets fétiches (un cadeau de la part d’Hitchcock, qui vient de Psycho…) qu’il a rassemblés pour son musée de cinéma.
Lotte Eisner – Par amour du cinéma propose enfin une vaste palette d’extraits de films (et photos de tournage), notamment de films muets, avec un focus particulier sur Loulou de Pabst, dont l’actrice principale, Louise Brooks, était une amie proche de Lotte Eisner.
Lotte Eisner – Par amour du cinéma est disponible sur Arte(ici) jusque 25/03/2021.
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