Mis à jour le 13 avril, 2023
Après avoir sorti « Conversations avec James Gray » en 2017, et « Conversations avec Darius Khondji » en 2018 (Prix du livre de cinéma remis par le CNC en 2019), l’éditeur Synecdoche ajoute un nouveau livre à sa collection avec « Conversations avec Dean Tavoularis ». Un livre d’entretiens passionnants toujours menés par Jordan Mintzer, journaliste pour Hollywood Reporter notamment.
Moins connu du grand public que James Gray, Dean Tavoularis ne possède pourtant pas moins une place essentielle dans l’histoire du cinéma. Chef décorateur sur de nombreux classiques du cinéma américain comme « Bonnie and Clyde », « Apocalypse now » ou la trilogie du « Parrain », travaillant avec Coppola (père et fils), Polanski, Antonioni, Friedkin, Arthur Penn, Wim Wenders ou encore Warren Beatty, il a façonné l’esthétique du cinéma pendant plus de quarante ans de carrière. Aujourd’hui reconnu comme un des plus grands chefs décorateurs d’Hollywood, son influence n’est plus à prouver. Wes Anderson, qui préface le livre et qui regrette une collaboration qui n’a pas pu se faire, en témoigne lors d’une anecdote savoureuse.
Mettre le métier de chef décorateur à l’honneur, c’est le pari de ce livre. Comme le rappelle Jordan Mintzer, il existe déjà de nombreux livres sur des réalisateurs, un peu moins sur des chefs opérateurs, et très peu sur des chefs décorateurs. Et pourtant, en écoutant les anecdotes et la vision de Tavoularis, il semble évident qu’il est une des pièces maîtresses de la réussite d’un film, au même titre que des postes plus souvent mis en avant. Comme le souligne Francis Ford Coppola: « Tout ce que le spectateur voit dans un film est le résultat d’un travail avec le chef décorateur ». Après une interview réalisée pour So Film sur la carrière de Dean Tavoularis, c’est une évidence pour Jordan Mintzer: un livre doit être réalisé pour évoquer sa carrière en détails. C’est ainsi que la conception du livre démarre, en collaboration avec David Frenkel, éditeur chez Synecdoche.
Tavoularis partage ses souvenirs, toujours très précis malgré ses 90 ans. Il raconte sa petite enfance qui démarre à Lowell, lieu de naissance de Jack Kerouac, avant que ses parents, immigrés grecs, ne décident de s’installer sous le soleil californien près de Los Angeles. Puis sa passion pour le dessin, qui ne le quittera jamais, et qui va l’amener à travailler dans les studios de Burbank de Walt Disney. Il y commence sa carrière comme intervalliste dans les années 50, mais s’ennuie. Il veut partir. Mais la direction de Disney le retient et le mute dans le département décor des films en prise de vues réelles. Il va faire ses premières armes sur « 20 000 lieues sous les mers », avant de quitter Disney une dizaine d’années plus tard pour devenir assistant décorateur, puis enfin chef décorateur sur « Bonnie and Clyde » d’Arthur Penn. C’est là qu’il va enfin pouvoir être reconnu à sa juste valeur et entamer sa longue carrière.
Les échanges avec Tavoularis permettent de mieux comprendre en quoi il a pu révolutionner le monde du décor, en choisissant par exemple de sortir des studios pour aller tourner dans des décors naturels, et en travaillant avec rigueur sur l’authenticité de ceux-ci (matières et couleurs utilisées notamment), avec un souci du détail qui tourne presque à l’obsession. Le livre regorge d’anecdotes fascinantes sur le jusqu’au-boutisme de Tavoularis, qui évoque l’importance de devoir habiller les décors dans les moindres détails, y compris ceux qu’on ne verra jamais devant le champ de la caméra (Il évoque par exemple les tiroirs remplis de magazines d’espionnage dans « Conversation secrète », ou de l’ail et de l’origan écrasés sur le sol d’un décor de restaurant pour « The brink’s job ») afin d’aider les acteurs, le réalisateur et l’équipe en général à s’immerger au maximum dans l’atmosphère du lieu.
Le livre permet aussi de comprendre l’apport du travail de Dean Tavoularis à travers les témoignages de certains de ses plus proches collaborateurs, comme Francis Ford et Roman Coppola, Warren Beatty, le chef opérateur Vittorio Storaro ou la créatrice de costumes Milena Canonero.
Comme pour les précédents livres de la collection, une des grandes qualités de « Conversations avec Dean Tavoularis » est aussi l’importance prépondérante accordée à l’iconographie. Les 350 pages du livre comprennent de nombreuses illustrations et documents de travail passionnants: budgets, feuilles de service, notes, storyboards, croquis préparatoires, photos de repérages, plans, extraits de scénarios et photogrammes de films… Plus de 400 visuels qui ont pu être collectés notamment parmi les archives de Dean Tavoularis, et dont nombreux sont inédits. Des documents rares qui permettent de comprendre un peu plus l’univers à part du chef décorateur.
Dean Tavoularis a donné ses lettres de noblesse au métier, et ce magnifique livre bilingue (les entretiens sont en français et en anglais sur la même page) lui rend parfaitement honneur. Il s’adresse à tous les cinéphiles, les étudiants curieux mais aussi les techniciens qui veulent disséquer ce métier plutôt méconnu.
Le livre peut être commandé sur le site de Synecdoche: https://www.synecdoche.fr
Vous pouvez retrouver ici notre interview de Jordan Mintzer qui évoque la conception du livre.
Soyez le premier a laisser un commentaire