Mis à jour le 15 septembre, 2024
Un film de Maura Delpero
Avec: Tommaso Ragno, Roberta Rovelli, Martina Scrinzi, Giuseppe De Domenico, Carlotta Gamba, Sara Serraiocco, Orietta Notari, Rachele Potrich, Anna Thaler, Patrick Gardener
Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l’Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu’un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l’instituteur local est changée à jamais. Le jeune homme et la fille aînée tombent amoureux, ce qui mène au mariage et à un destin inattendu.
Notre avis: **
Un récit austère, qui nous semble avoir été raconté tant de fois, s’invite à nous dans un prélude qui s’attarde sur le cadre d’ensemble, un village, ses habitants, une famille où monsieur demande à madame l’exercice régulier de son devoir conjugal. La famille vit relativement harmonieusement, sous l’autorité patriarcale de cet instituteur, rare personne instruite dans le village, et qui se charge donc de l’éducation de la famille, des enfants du village, mais aussi de quelques réfugiés (siciliens notamment) de passage par temps de guerre. Au sein de cette famille très nombreuse, qui vit dans des conditions modestes, mais aussi dans ce village reculé, la question de l’avenir est tout entière posée, malgré ce temps suspendu. Les frères et sœurs se distinguent par leurs aspirations futures, notamment amoureuses, leurs caractères rebelles ou dociles, mais aussi les capacités intellectuelles. L’éducation, mais aussi les épousailles déterminent leur futur. Sur ces deux tableaux, les enfants ne sont pas sans dépendances vis à vis des choix de leur père. Cette exposition sociologique certes appliquée mais longuette, nous laisse entendre deux développements possibles. Le premier se rapprocherait de la construction individuelle dans le collectif (la soralité plus que la fraternité, l’accent étant davantage porté sur les jeunes filles et leurs relations entre elles) d’enfants qui vont devoir basculer dans l’âge adulte, se former à l’art, comme à la vie, et trouver leur place, pouvant rappeler les récits tirés des destins des sœurs Bronte ou Les quatres filles du Docteur March. Le second, qui opterait pour un point de vue plus masculin, questionnerait davantage la société en temps de guerre, la question du retour de ceux partis en guerre, mais aussi l’organisation et les bouleversements de société en leur absence, sur un schéma semblable au Retour de Martin Guerre par exemple. L’originalité et la force de Vermiglio qui se fera ensuite découvrir tient précisément à ce que, sans que ces deux questionnements ne soient totalement écartées, un troisième semble peu à peu, à mesure que les évènements s’accélèrent, parfois de manière étonnante (en quasi fausses pistes), se poser là, en matière première, autour de la transition vers la modernité, mais plus encore, en miroir de notre société actuelle. Une critique sociétale relativement forte qui ne revient pas uniquement pas sur un temps révolu, mais qui interroge tout autant notre époque actuelle, ses contradictions, ces luttes ambivalentes entre d’un côté des mouvements progressistes, qui tendent à mettre en lumière ce qui ne doit plus perdurer (discriminations en tout genre, combats menés par les courants féministes, la lutte contre l’homophobie, le racisme, etc…) mais aussi les relents d’instincts conservateurs, et les retours arrières souhaités par ceux qui s’opposent à cette vision de la modernité qu’ils ne partagent pas. Intelligent, toujours appliqué mais plus dynamique, bénéficiant d’une écriture subtile et d’un bon équilibre, Vermiglio parvient alors à nous rapprocher de ces personnages, à nous faire entrer en empathie avec elles (essentiellement), mais aussi plus globalement, à nous faire réfléchir avec lui sur ce que le regard sur le passé peut nous apporter dans la lecture du monde d’aujourd’hui.
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