Mis à jour le 14 février, 2025
Un film de Meng Huo
Avec: Wang Shang, Chuwen Zhang, Zhang Yanrong, Zhang Caixia, Cao Lingzhi, Zhou Haotian, Jiang Yien
Ses deux parents travaillant au loin, Chuang, dix ans, est élevé par sa famille élargie dans son village natal, où des milliers d’années de tradition rurale se heurtent aux changements socio-économiques de la Chine du début des années 1990.
Notre avis: **
Un premier film hors temps, hors mode, qui questionne et montre à l’écran la Chine oubliée, celle agraire, où la tradition dicte le temps, où la vie en collectivité se mélange avec la famille, concept presque flou, en total isolement de ce qui peut se jouer dans le monde, ou dans les grandes villes chinoises. Meng Huo, s’intéresse à un point de départ et à un point d’arrivée, plutôt rapprochée dans le temps, mais qui donneront lieu à 3 enterrements et un mariage, à une fuite d’une partie de la famille vers Shenzen, à des naissances aussi, le tout alors que le temps semble suspendu, quoi que la modernité semble poindre le bout de son nez. Le petit tracteur viendra remplacer le bœuf pour charrier le blé, déplacer les tombes. Le réalisateur chinois semble très inspiré d’un cinéma chinois qui aime les grandes fresques (on pense d’avantage à Epouse et Concubines qu’à Jia Zhang-Ke), et pour un premier film surprend en ce qu’il parvient à tenir le fil, épineux, dans lequel il s’est lancé: maintenir un tant soit peu une intrigue familial, livrer un portrait collectif, et fort peu individualisé, raconter une Chine oublié par l’image, suspendue. Marque de fabrique ou regard porté, le film marque aussi par ce qu’il distille de tout son long une grande froideur, les émotions vives étant presque proscrites, remplacées par de fausses émotions théatralisées, la population semblant totalement emprisonnée sous le poids de traditions millénaires, érigée comme loi vitale. Ainsi, un jeune homme handicapé mental sera traité presque tel un animal, la jeune tante se verra obligée d’épouser un inconnu, et avouant son envie de divorcer en sera fortement dissuadée par sa mère, le symbole le plus criant ressortant lors d’un rêve d’un jeune garçon, conteur de cette histoire, qui voit la famille laissée pour mort un autre garçon respirant encore et tout de suite passé à autre chose. De la sorte, Meng Huo semble simplement nous dire : voyez ! (de l »extérieur). Sheng Xi Zhi Di s’apprécie un peu comme les premiers Hou Hsao Hsien, nous contemplons un temps présent qui s’appuie sur un passé ancestral, reste figé dans ce passé, mais qui pourrait subir des mutations intenses avec l’arrivée de la modernité. Là où le maitre Taiwanais cherchait à en montrer les mécanismes, mais aussi quelque part les vertus, malgré la tendresse envers le temps arrêté, Meng Huo choisit lui une approche bien différente, il introduit la modernité et les mutations qui l’accompagnent par toute petite touche, par un symbole presqu’insignifiant, mais surtout jamais ne détourne sa caméra de cette terre qu’il filme; la ville évoquée au loin restera au loin, voulant la aussi nous signifier, quoi que son histoire se déroule dans les années 90, qu’aujourd’hui encore la modernité ne se diffuse que très peu dans le monde agraire, et que ce qui valait hier, continue de perdurer pour quelques populations chinoises dont la vie semble programmée.
Soyez le premier a laisser un commentaire