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Queer de Luca Guadagnino

Mis à jour le 4 septembre, 2024

Un film de Luca Guadagnino

Avec: Daniel Craig, Drew Starkey, Lesley Manville, Jason Schwartzman, Henry Zaga, Omar Apollo, Drew Droege, Ariel Schulman, Colin Bates, Simon Rizzoni

Dans le Mexique des années 1950, William Lee, un expatrié américain d’une quarantaine d’années, mène une vie solitaire au sein d’une petite communauté américaine. Cependant, l’arrivée en ville d’Eugene Allerton, un jeune étudiant, incite William à établir enfin un lien significatif avec quelqu’un.

Luca Guadagnino ne nous a jusqu’à présent pas prouvé qu’il était un grand cinéaste. Un bon faiseur, tout au plus, un disciple de Bava et Argento plus que de Ferreri, plutôt appliqué, et qui excelle plus dans la petite provocation, dans le giallo, que dans la grande œuvre d’art. Son remake de Suspiria était d’ailleurs plutôt intéressant, comportant quelques bonnes idées rafraîchissante. Avec Queer, il s’attaque, le mot n’est pas trop fort, à un projet intéressant, adapter à l’écran un récit de S. Burrough. L’exercice demande application, imagination, et maîtrise de son art, car l’essence même réside dans l’esthétique, cette fameuse atmosphère qui vaut entièrement sujet. La première partie du film déconcerte pour plusieurs raisons. La première, narrative, liée probablement au récit originel, ne donne que très peu de points de repères sur l’identité et les motivations profondes du personnage principal dont on suit les pas, parfois, et il s’agit là de la deuxième raison, sur fond de Nirvana ou de Prince. Déconcertant, et pas forcément du meilleur goût, convoquant des effluves très teintés 90 quand le récit semble se dérouler bien davantage dans les années 60. Cette première partie s’étire d’ailleurs plus de raison, d’un point de vue cinématographique comme narrtif s’installe un schéma répétitif, sans que cette répétition (façon nouveau roman) ne comporte de variantes ou de petits détails qui viendraient renforcer l’impression d’ensemble. A ce stade, c’est à dire, pendant toute la première heure du film, nous ne comprenons pas trop pourquoi Guadagnino a cherché à relever ce défi, tant son cinéma à lui semble ici contraint, empêché, ou sonnerait faux s’il venait à lâcher la bribe. Ceci étant-dit, de cette première partie nous retirons quelques satisfecit, à commencer par la direction d’acteurs, intéressante, qui transforme radicalement (et fait quasi renaître en tant qu’acteur) Daniel Craig, dans un habit et une posture qui s’oppose en tout point à la grande classe façon 007 ). Ce rôle très bukowskien (on pense à Contes de la folie ordinaire, vu par Ferreri) lui permet de totalement casser le stéréotype, et lui donne un espace de jeu qu’il utilise à merveille, pour donner corps à son personnage, dans un récit où précisément le corps, son usure comme la beauté de sa jeunesse, tient une place essentiel. Autre bon point, la sobriété de l’approche, notamment décorative, qui permet de familiariser le spectateur avec quelques intérieurs crasseux, et quelques rues tout aussi crasseuses, tout à la fois enjeu et conséquence du choix de vie de ces quelques hommes plus ou moins à la dérive, plus ou moins en transit, plus ou moins dans l’attente d’un avenir ou d’un plaisir immédiat, dans un Mexico à la fois refuge et repaire. Puisque les motivations des personnages ne s’affichent pas de manière évidentes, nous pouvons à ce stade encore imaginer que Queer se révèle un récit d’espionnage, un peu à la manière de ce que Claire Denis proposait récemment, avec beaucoup de soin et de perfectionnisme, dans Stars at noon. Mais le développement du récit nous amènera résolument ailleurs, apportant ici une part de dépaysement (nous partons en voyage dans toute l’Amérique du sud) géographique, mais aussi dans un ailleurs où les enjeux corporels, les désirs seront moins contrariés, plus explicités, et laisseront peu à peu la place à un autre enjeu, celui de l’évasion spirituelle. La recherche de la transhumance, de la sortie de route spirituelle, une pulsion de mort venant de pair avec la pulsion de vie hautement contrarié. Notre héros ne navigue aucunement à vue, il s’est précisément où la vie l’a mené, ce qu’elle lui a apporté, et là où elle le mène. Il ne se fait que peu d’illusions sur ce qui relève du réel, le jeune homme dont il s’est épris et qui nourrit son désir, ne peut lui apporter une réciprocité de sentiment qui le ramènerait à une jeunesse révolue. L’illusion doit le contenter. Mais ses addictions le rattrape, et le motif du grand voyage verra alors le jour, tout comme s’éclairera l’intention de Guadagnino, celui d’enfin se rapprocher d’un psychédélisme, d’hallucinations sensorielles, qui convient dés lors davantage à sa manière de s’affirmer en tant que cinéaste visuel, qui trouvera son paroxysme lors d’une jolie scène fusionnelle, qui n’aurait certainement pas déplu à Cronenberg. La boucle bouclée, le récit reviendra là où il avait démarrer, nous laissant avec lui sur ce qui en tout point et en tout sens, nous semblait le quai de départ comme d’arrivée.

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