Mis à jour le 15 février, 2025
Un film de Michel Franco
Avec: Jessica Chastain, Isaac Hernández, Rupert Friend, Marshall Bell, Eligio Meléndez, Mercedes Hernández, Tatiana Ronderos
Croyant que son amant le soutiendra, un jeune danseur de ballet mexicain traverse la frontière pour poursuivre ses rêves à San Francisco. Mais alors que l’ambition et l’amour se heurtent à la dure réalité, il doit faire face à la véritable nature de leur relation.
Notre avis: **
Michel Franco ne cherche plus comme à ses débuts à s’inscrire dans les pas d’Haneke, à tarder à révéler son message politique, ou à user de concepts de mise en scènes complexes et styliser pour cueillir le spectateur, en le provoquant également. Depuis peu, il file plutôt une filmographie qui s’intéresse à des thématiques qui lui sont proches, ce fut ainsi la criminalité sur la plages mexicaines, ou la question de la perte de la raison, de la mémoire, et les questions d’identité. Il assume pleinement de parler au spectateur au premier degré, d’être accessible, et de composer ses films en partant de l’action, au sens dramatique du terme: les évènements, pour ensuite en proposer une observation de la trace sur les différents personnages. Dreams ne déroge pas à cette nouvelle règle, Franco cherche à traiter linéairement, frontalement, de la question du racisme anti-mexicain qui se fait de plus en plus présent sous l’impulsion des mouvements droitiers trumpistes, l’immigration illégale faisant comme en France l’objet d’une attention démultipliée de certains médias, qui y voient le problème numéro un dont découleraient de nombreux problèmes structurels, à commencer par le bonheur de chaque américain implanté de longue date. Franco pose ici un concept, il invente un conte de fée, un peu à la manière de Sean Baker, qui voit un jeune danseur mexicain, désireux de vivre aux Etats-Unis, vivre une histoire d’amour intense avec une jeune femme riche, fille d’une haute figure du financement culturel. Le réalisateur mexicain, commence son récit par un grand moment de tension, des mexicains qui viennent de traverser la frontière américaine sont enfermés dans un camion, et cognent aux parois, pour pouvoir en sortir, posant ainsi la première pierre de l’équation mise à l’écran, immigrer c’est prendre un risque immense. Puis, le récit convoque d’autres tensions, que ce soit celle liée au désir charnelle entre les deux amants, que tout ou presque oppose, à commencer par l’âge et la condition sociale, celle liée à la tension sociale ambiante, mais aussi celle, plus perfide, de l’acceptation sociétale, de la différence entre un discours de position, une image véhiculée, et un ressenti profond. Franco, étonnamment interroge de façon parallèle, avec une certaine efficacité et une frontalité qui caractérise son écriture, les fondements du racisme, mais aussi de la domination d’une classe sur l’autre. Développant de façon trop longuette cette perspective pour la faire progressivement évoluer (le second tiers du film ayant tendance à stagner sur les quelques motifs, et les essais de Franco d’aérer son récit – ou de l’intensifier ?-par des scènes de danse chorégraphiées, ne fonctionnent pas, pas même pour alimenter le conte de fées dont chaque spectateur se demande à partir de quand il va vriller, et sous quelle forme. Dreams inversera bien le rêve éveillé, et posera alors de nouvelles questions, autour de la vengeance, de l’amour brisé, de l’ambition personnelle trahie, de façon certes précipitée mais, autre marque de fabrique du cinéma de Michel Franco, avec intensité, piquant le spectateur potentiellement assoupi. Jessica Chastain semble parfois un peu en retrait de son propre personnage et ne pas le pousser assez loin, quelque peu engoncée par le concept même du scénario, glisser progressivement d’une histoire d’amour ardente en une théorisation plus complexe de pulsions contraires, quoi qu’elle semble très investie dans le projet et dans son personnage. Le tout manque assurément d’une part de vérité, voire de vécu, et d’éléments tiers qui auraient pu compléter le point de vue développer, Dreams, quoi que facilement identifiablle comme un film de Michel Franco, reste un petit Michel Franco, qui ne devrait pas provoquer de déflagration berlinoise ni même parvenir à l’oreille de Trump.
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