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Rencontre avec Alain Cavalier

Mis à jour le 24 novembre, 2017

Nous avons pu rencontrer Alain Cavalier à l’occasion d’une carte blanche au TNB (Théâtre National de Bretagne), où sont rediffusés quelques uns de ses films majeurs –Le plein de super, Martin et Léa, Thérèse et Pater. Si nous connaissions bien l’œuvre du cinéaste, avec l’illusion de le connaître au travers d’œuvres de plus en plus autofictionnelles, nous avons découvert l’homme, qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Alain Cavalier nous dit refuser les interviews filmées depuis 40 ans -notre première intention était un entretien filmé-, ce qui a donné lieu à l’interview suivante, qui s’est muée en une intéressante conversation à bâtons rompus.

Comment s’est construit ce projet de carte blanche avec le TNB ?

Je parle avec Mohamed El Khatib en public pendant une heure dix et c’est le théâtre qui a décidé de présenter en même temps quelques uns de mes films et je trouve ça épatant.

Et les films ont été choisis par le TNB ou par vous ? 

Par nous deux, en commun.

Comment passe-t-on de La Chamade au Plein de super, et du Plein de super à Thérèse ?

C’est la même chose pour moi. Vous voyez des différences que je ne vois pas parce que c’est moi qui l’ai fait en toute liberté. Moi quand je les vois j’y vois un petit fil rouge, très net. Mais ça parait un peu différent pour les gens. C’est drôle parce que les gens ont l’habitude de voir les écrivains faire des articles, faire des poèmes, écrire des romans et quand un cinéaste n’est pas toujours répétitif ils trouvent ça un peu bizarre

Quels sont les réalisateurs qui vous ont influencés quand vous étiez plus jeune dans le métier ?

Je ne répond jamais à cette question. Parce que s’ils sont encore vivants ils seront très flattés d’entendre leur nom, je n’ai pas à les flatter et je n’ai pas à livrer mes petits secrets de fabrications.

Vous avez commencé en dirigeant des acteurs comme Romy Schneider, Alain Delon, Jean-Louis Trintignant au debut de votre carrière. Quels souvenirs gardez-vous de ces tournages-là ?

Un très très bon souvenir parce que ce sont des personnes assez magnifiques, des corps assez glorieux, un rapport érotique avec les spectateurs, magnifiques! Mais petit à petit si vous continuez à faire ça toute votre vie vous êtes comme un tailleur, vous leur taillez des costumes qui leur vont bien, et vous assurez simplement que leur carrière fonctionne bien. Et si vous filmez bien vous gagnez de plus en plus d’argent. Et tout ça finit dans la sclérose, dans les habitudes, les films s’éteignent complètement, l’esprit du film fout le camp. Vous ne pouvez pas faire ça toute votre vie. Ils sont très chers en plus. Ils coûtent très cher au film.  Et l’argent c’est la liberté pour un film.

Est-ce que la matière de vos films est directement liée à votre vie ?

Entièrement ! Je ne cherche qu’à filmer ce que je vois, ce que j’entends, ce que je ressens,ce qui me traverse, qui m’émeut. C’est la seule chose qui m’intéresse parce que c’est la seule chose qui sera filmée avec  une certaine force, une certaine émotion et que le public recevera. Avant j’ai filmé des choses qui m’intéressaient mais après coup je les voyais se dérober. J’écrivais un scénario je demandais à des acteurs de le jouer, mais le temps était passé entre l’émotion première et la réalisation du film tandis qu’aujourd’hui je filme directement quelque chose qui m’émeut, j’ai une caméra dans ma poche, vous comprenez ça change tout.

Ce soir Martin et Léa sera projeté… Est-ce que ce film vous définit comme le cinéaste de l’intime ?

C’est un vrai couple dans la vie. Alors il y a une intimité qui est à l’écran. Je ne suis pas responsable [de cela] mais je suis responsable parce qu’elle m’a intéressée et que je l’ai filmée donc j’en suis responsable. Mais la chaleur intime qui unit cet homme et cette femme  vient d’eux et ça vient d’eux parce qu’ ils la ressentent dans la vie. Ce ne sont pas deux comédiens qui se rencontrent à un déjeuner avant le tournage et qui après vont s’embrasser torridement. C’est pas du tout la même chose. Bon ben je crois que ça suffit, hein. 

(Etonnamment) Comme vous voulez…

Non mais vous n’allez pas, pendant des heures…

Non mais déjà c’est bien d’avoir votre voix.

Moi je vous parle pour que vous puissiez faire votre métier, écrire ! Vous écrivez ?

Oui. Nous sommes spécialisés dans le cinéma.

Enfin voilà si vous écoutez bien je vous ai à peu près tout dit ce que je faisais

Ah oui mais vous avez votre plus grand fan ! (Nous sommes deux à l’interviewer, dont un inconditionnel de l’oeuvre d’Alain Cavalier NDRL). Il a vu plein de fois Martin et Léa, le plein de super, Irène, un étrange voyage. Et c’est vrai que nous avions beaucoup de questions sur votre oeuvre

(s’adressant à la programmatrice du TNB NDRL) Et ça passe aussi un étrange voyage ?

Non il ne passe pas, ils ne passent pas tous.

 

 

Le plein de super va passer ?

Oui. (dixit l’inconditionnel d’Alain Cavalier NDRL) Le plein de super j’ai adoré, je m’étais reconnu dans les personnages

Ce n’est pas votre génération.

Non, ce n’est pas ma génération, mais ce sont des jeunes, moi j’ai la trentaine et c’était des jeunes à l’époque du film qui avaient dans les trente cinq ans…

Ah non ils avaient 25 ans  dans le film ! Ah non… 23, 24, 25… ! Et moi j’étais plus âgé qu’eux, j’avais 12, 13 ans de plus qu’eux.

Et ils avaient écrit le scénario ?

Le scénario reposait entièrement sur leurs histoires et leurs mots. Ils l’ont écrit à cinq, Il y avait des magnétophones et on enregistrait tout moi je faisais la synthèse et après je leur reproposais ce que j’avais retranscrit. C’est d’une fidélité à eux même totale.

Et c’était une bande de copains en fait ?

Oui ils sortaient tous les quatre d’un cours d’art dramatique. Le plein de super ça date de…

1976 ?

1975 En 2017 ça fait combien de temps, 40 ans ?

Oui.

40 ans. Et la chamade ça fait 50 ans.

C’est vrai qu’on voit vraiment une différence quand on voit Martin et Léa par rapport au Plein de super, où c’est plus masculin, avec des conversations un peu crues dans la voiture

Ah c’est eux aussi. Ce sont leur conversations. Je tombe sur une matière et je l’écoute. Ce n’est pas ma fabrication, vous comprenez ? C’est mon attention à eux qui compte.

Ce qui était assez intrigant aussi c’était que Martin et Léa c’est très naturel, naturaliste et quand on voit des film comme La chamade avec Catherine Deneuve qui était très sophistiquée…

Oui mais elle vivait comme ça, comme le personnage. Elle vivait maquillée le matin, allant chez son coiffeur régulièrement, se faisant habiller par Saint Laurent, c’était le personnage. Le personnage Deneuve était comme ça. Si vous regardez bien elle vit avec un homme qui est riche, qui l’entoure… Donc tout ça c’est pas simplement une mode. Et toutes les femmes étaient à cette époque-là tirées à quatre épingles comme on dit… elles étaient tirées à quatre épingles ! C’était même la forme première de leur séduction et quelques fois passait au milieu une jeune naturelle qui les détruisait parfaitement.

Isabelle Ho, l’actrice…

Ce n’était pas une actrice.

Nous l’avons vue dans Mortelle randonnée de Claude Miller où justement on ne l’avait pas reconnue car elle était très sophistiquée.

Après, des gens ont vu Martin et Léa et des gens lui ont demandé de faire des rôles.  Mais avant c’était simplement la femme du comédien.

Nous avions vu Pater à Cannes lors de sa projection… Il y a eu quatorze minutes d’applaudissements !

On a eu de la chance parce que c’était le jour où Strauss-Khan comparaissait devant le tribunal américain.

 

 

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