Mis à jour le 13 juillet, 2025
Depuis 1951, les Prix Jean Vigo célèbrent des cinéastes à l’indépendance farouche, aux choix formels audacieux et à la vision prometteuse. De Jean-Luc Godard (À bout de souffle) à Maurice Pialat (L’Enfance nue), en passant par Xavier Beauvois (N’oublie pas que tu vas mourir), Mathieu Amalric (Barbara), Alice Diop (Saint Omer), et plus récemment Louise Courvoisier (Vingt Dieux, doublement césarisé en 2025), le palmarès illustre une quête constante d’authenticité et d’innovation.
L’édition 2025, tenue le 7 juillet à la Cinémathèque Française, a distingué trois œuvres singulières, réaffirmant la vocation du prix : révéler des auteurs libres, porteurs de regards uniques.
L’édition 2025, tenue le lundi 7 juillet à la Cinémathèque française, a couronné dans la catégorie longs métrages L’Engloutie, premier long métrage de fiction de Louise Hémon, à sortir sur les écrans le 24 décembre qui concourait pour la Caméra d’or lors du dernier festival de Cannes. Le jury a salué un film à l’atmosphère dense et organique.
L’Engloutie, la montagne comme actrice du trouble
Découvert à la Quinzaine des Cinéastes lors du dernier festival de Cannes, le film suit la magnétique et troublante Galatea Bellugi, dans le rôle d’une jeune institutrice qui, en 1899, rejoint un hameau isolé et enneigé des Hautes-Alpes, déterminée à faire reculer les superstitions. Elle se heurte à une communauté méfiante et superstitieuse, tandis que la montagne elle-même devient vecteur de trouble.
« Un film qui nous a fait voyager dans le temps mais aussi prendre de la hauteur. Un film sur la puissance du désir féminin, tendu entre la blancheur aveuglante de la neige et l’éclairage à la bougie de ses intérieurs », a ainsi résumé le jury.
Réaction de Louise Hémon :
« C’est un immense bonheur et un grand honneur de recevoir ce prix. »
« Mon grand-père avait fait l’IDHEC mais n’a pu y rester que trois semaines, faute de moyens. Quand j’ai dit que je voulais faire du cinéma, il m’a offert un coffret DVD Jean Vigo. Recevoir ce prix, c’est une forme de transmission. » Louise Hénon nous a confié ensuite au Magcinéma: « Je le vis comme une forme d’encouragement, pas une pression. Il m’autorise à continuer. »
Lor de notre entreien, la réalisatrice avoue avoir été « assez inconsciente » des difficultés du tournage dans la neige en se confrontant «aux enfants, aux animaux, à la neige et à l’altitude mais tout en étant bien préparer techniquement aux températures rudes de l’hiver savoyard ». Deux week-ends de répétitions ont permis de travailler les chants avec les enfants et de fédérer les acteurs non professionnels. Les quatres principaux comédiens (Galatea Bellugi, Matthieu Lucci, Samuel Kircher et Sharif Andoura) quant à eux ont bénéficié d’un temps plus long lors des répétitions, « pour explorer leur jeu et préciser les intentions du scénario ».
« Je n’avais aucun acteur en tête en écrivant. Le processus d’écriture a été très long. Je voulais laisser ouverte la possibilité de la rencontre. »
Pour nourrir l’imaginaire de son équipe technique, Louise Hémon nous a confié qu’elle a eu comme références cinématographiques Godland de Hlynur Pálmason, L’Arbre aux sabots d’Ermanno Olmi et La Chevauchée des bannis d’ André de Toth, « pour la beauté de l’image et son approche sensorielle du paysage ».
« Je voulais que la montagne elle-même soit la source d’étrangeté du film. Pas simplement un décor, un acteur du trouble. » Louise Hémon a écrit son histoire à partir du témoignage de son arrière-grande tante qui partage le prénom de son héroïne (Aimée) et des histoires de son grand-père.
Louise Hémon qui possède plusieurs cordes à son arc nous confie pour son futur projet :
« Écrire une pièce, tourner un film ou me lancer dans un documentaire, rien n’est défini pour le moment. »
David Ingels, saisir l’instant
Côté courts métrages, le jury a distingué Bel Companho de David Ingels, « pour sa façon toute personnelle et suggestive d’être sensible à l’instant présent, au passage du temps, aux liens ténus des rencontres, aux frémissements de la nature. Pour le pas de côté qu’il propose, comme un contrepoint à la vitesse du monde. »
Révélé dans différents festivals, le court raconte la rencontre entre un cousin et une cousine dans une forêt mutilée et transfiguré par l’élagage et l’abattage . Damien Bonnard, venu remettre le prix, a salué « l’esthétique du film et la beauté du coucher de soleil captée par le réalisateur.
Wang Bing, le regard patient
Le Prix Jean Vigo d’Honneur 2025 a été remis par Alice Diop au cinéaste chinois Wang Bing, reconnu pour une œuvre rigoureuse et bouleversante. Son nouveau film Retour au pays, dernier volet de sa trilogie Jeunesse, sorti en salles le 9 juillet. Il suit un groupe de jeunes travailleurs du textile dans le district de Wuxing, en Chine.
Alice Diop a profité de cette remise de prix pour rendre un hommage vibrant au documentariste Jean-Pierre Thorn, disparu le 5 juillet, saluant une œuvre militante et le mémoriel des cultures urbaines. La Cinémathèque française lui avait consacré une rétrospective en septembre 2021.
Trois gestes forts, trois visions originales du monde . Le Prix Jean Vigo 2025 confirme, une fois encore, sa vocation unique : révéler des auteurs libres, formellement singuliers et fidèles à leur désir.
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