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« Iconique Catherine Deneuve », entretien avec Guillaume Evin, l’auteur du livre, qui parait aujourd’hui.

Depuis plus de soixante ans, Catherine Deneuve règne sur le cinéma français avec une grâce et une intensité rare. Tour à tour muse de Demy, Buñuel, Truffaut ou Techiné, elle a su incarner des femmes fortes, complexes, parfois insaisissables, toujours fascinantes.

Ce beau-livre de 176 pages, disponible dès le 23 octobre chez Casa Editions, retrace sa carrière exceptionnelle, de ses débuts puis de sa révélation dans Les Parapluies de Cherbourg, en 1964, à ses rôles les plus récents, en passant par les grandes œuvres qui ont marqué sa légende. À travers des analyses de films, des témoignages, des photos et des anecdotes choisies, Guillaume Evin met en lumière Catherine Deneuve : ses choix d’actrice, son élégance naturelle et l’influence majeure qu’elle a exercée sur le cinéma mondial. Un portrait riche, vivant et nuancé d’une actrice unique, dont l’aura continue de traverser les époques.

Rencontre avec Guillaume Evin, auteur du livre « Iconique Catherine Deneuve », chez Casa éditions, ce spécialiste du cinéma a déjà consacré de nouveaux ouvrages à des légendes hollywoodiennes telles que Audrey Hepburn, Jane Fonda, Grace Kelly ou encore Robert Redford.

Propos recueillis par Pierre Sokol

Guillaume Evin (G.E.) :Après L’Encyclopédie Delon, co-écrit il y a quelques années avec le réalisateur Patrice Leconte, il me tardait d’écrire un beau livre sur celle qui occupe une place à part dans le cinéma français depuis les années 1960 ; celle qui demeure le seul mythe féminin depuis Brigitte Bardot : Catherine Deneuve. Ce livre se veut « moins » une biographie classique (ça a déjà été fait et très bien par d’autres) qu’un essai/récit pour cerner le phénomène Deneuve : une actrice d’une rare polyvalence, une icône culturelle et une muse intemporelle. Sa carrière semble ne jamais devoir s’arrêter. Elle était encore à l’écran en début de cette année, dans le film Yōkai – le monde des esprits.

G.E. Oui bien sûr, on essaie de défricher ce qui a déjà été fait, les anciens livres etc… C’est même obligatoire ! Je suis parti également d’une interview du cinéaste Arnaud Desplechin, du livre de Catherine Deneuve, paru il y a 21 ans : À l’ombre de moi-même : carnets de tournage et d’anciens entretiens parus dans la presse.

G.E. Je ne connaissais pas personnellement l’actrice. Avec l’éditeur, Damien Bullot, directeur de Casa éditions, nous avons entamé des démarches pour l’informer de notre projet par différents canaux, mais nous n’avons pas eu de retour. Ce livre n’étant ni polémique, ni intrusif dans sa vie privée mais bel et bien un ouvrage d’analyse de ses films et de mise en perspective de toute sa carrière, nous avons poursuivi ce projet.

G.E. Dans un premier temps, je pense qu’il est pertinent de montrer au lecteur ce que Catherine Deneuve a pu représenter comme star incontestée du cinéma français, mêlant élégance, audace et mystère. Puis, dans un second temps, je rembobine le fil : son éveil au cinéma, la naissance d’une grande actrice, son rapport à sa sœur ainée Françoise, sa « presque jumelle », sa rencontre avec Roger Vadim qui va accélérer son destin, la sortie des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964) qui va la propulser au rang de star…et ceci à 20 ans seulement !

G.E. J’ai repris énormément d’interviews radio, TV, de documentaires consacrés à Catherine Deneuve, j’ai revu ses meilleurs films et ceux que je n’avais pas vus…mais vous savez, j’aurais adoré qu’elle me consacre un long entretien. 

G.E. Oui, forcément.

G.E. Oui, même si cette image est faussée ! Le grand public la tient pour une star inaccessible, froide, vaguement hautaine… Une beauté blonde et froide à la Hitchcock. Alors que, de l’avis de ceux qui la côtoient, c’est une femme, vive, drôle et énergique, dotée d’un entrain et d’un aplomb incroyable. Elle est de nature extravertie. Elle est très volubile. D’où le contraste avec l’image qu’elle renvoie dans certains films, laquelle a pu faire office de carapace.

G.E. La rencontre amoureuse en 1960 avec Roger Vadim va se révéler décisive car son compagnon de l’époque, qui voulait être son Pygmalion, lui ouvre les portes du cinéma. Puis, sa rencontre artistique avec Jacques Demy va la propulser en haut de l’affiche avec Les parapluies de Cherbourg.

1967 demeure une année clé pour elle. L’année où Brigitte Bardot commence à se désintéresser du cinéma (ses plus grands rôles sont désormais derrière elle), Catherine Deneuve montre qu’elle se tient prête à assurer la relève, en jouant dans deux films emblématiques : Belle de jour de Luis Bunel et Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy.

G.E. Oui, elle est hyper audacieuse, regardez son rôle dans Indochine (1992), dans Dancer in The dark (2000) ou dans Elle s’en va (2013), c’est une anticonformiste qui raffole de son métier, une vraie boulimique de film. Je sais qu’elle fréquente grandement les salles de cinéma. Elle aime se mettre en danger sur un plateau, changer, ne pas s’enfermer dans les stéréotypes.

G.E. Je dirais que c’est la référence ultime de nos actrices françaises. Catherine Deneuve occupe une place unique. Elle a cette capacité à transcender les époques, les genres, les attentes, à naviguer entre les différents emplois du cinéma, entre les différents types de cinéma (populaire et film d’auteur, premiers films et grosses productions), tout en restant une grande figure de la culture française

G.E. Dans Yōkai – le monde des esprits, sortie en février dernier, réalisé par Eric Khoo, Catherine Deneuve incarne Claire Emery, une célèbre chanteuse française qui, après un dernier concert au Japon, décède et entame un voyage métaphysique dans un au-delà inspiré du folklore japonais (yōkai). Ce film ouvre des réflexions sur la mort, le deuil et la réconciliation. Catherine Deneuve accepte pour la première fois de « mourir » à l’écran dès le début du film….un choix osé !

G.E. Elle a été très proche de sa sœur ainée Françoise, elle aussi actrice. Leur relation était marquée par une complicité fraternelle, une complémentarité de tempérament évidente – Catherine est réservée, secrète, mélancolique et déterminée, tandis que Françoise était extravertie, espiègle, fantasque presque extravagante –  et une très légère rivalité artistique, due à leurs carrières parallèles, et une collaboration professionnelle majeure dans Les Demoiselles de Rochefort (1967), où elles incarnaient des jumelles. La mort tragique de Françoise à 25 ans dans un accident de voiture en 1967, a profondément et durablement marqué Catherine. Toute sa vie, elle a continué d’honorer sa mémoire. Leur lien reste immortalisé évidemment par leur formidable alchimie dans la comédie musicale de Demy.

G.E. Elle a été déçue, je pense, par son aventure éphémère à Hollywood à la toute fin des années 1960 (Folies d’avril de Stuart Rosenberg en 1969). Elle a aussi été approchée fin 1968 pour jouer une James Bond Girl dans le sixième Bond, Au service secret de Sa Majesté, mais ce type de rôle ne l’inspirait pas…. « Quelques remords, mais pas de regrets », a-t-elle confié dans A l’ombre de moi-même, en 2005.

G.E. Il y a eu entre eux une collaboration unique en 1965 (il y a donc 60 ans), sur le film Répulsion, un thriller psychologique qui marque un tournant dans sa carrière (Catherine Deneuve a 21 ans à l’époque) et dans celle du réalisateur. Catherine Deneuve casse son image lisse dans ce film : elle y incarne une schizophrène troublante. Catherine Deneuve évite depuis de s’étendre sur Roman Polanski, peut-être pour ne pas raviver les polémiques.

G.E. Je dirais que ses prises de position au sujet du mouvement #MeToo et les débats autour du cinéma français reflètent une posture nuancée, subtile et non dogmatique.

G.E. Elle mène des combats sociétaux depuis toujours. Par exemple, le 5 avril 1971, elle signe dans Le Nouvel Observateur le « Manifeste des 343 ». Comme tant d’autres femmes, elle révèle publiquement qu’elle a déjà avorté. C’était un acte fort à l’époque qui pouvait valoir poursuites pénales. Dès les années 1980, elle milite pour l’abolition de la peine de mort, prêtant sa voix à Amnesty International. Elle dépose en 2001 une pétition de 500 000 signatures à l’ambassade américaine. Elle reverse ses droits d’image à l’ONG. En 1997, elle dénonce la loi Debré sur l’immigration pour son caractère xénophobe. En 2007, elle soutient Ségolène Royal via la pétition « Un million de femmes s’énervent », dénonçant le sexisme en politique. En 2021, elle soutient les Restos du Cœur en vendant 125 paires de chaussures aux enchères. En mai dernier, elle co-signait une pétition à Cannes dénonçant le « silence » sur le conflit à Gaza.

G.E. Elle cultive la rareté, sa rareté. Son tempérament l’incite naturellement à la pudeur, Elle n’étale pas sa vie privée dans la presse ni sur les réseaux sociaux comme certaines. Elle a pu être trahie par le passé. Elle a mal vécu des tentatives d’intrusion dans son intimité.  C’est pour elle un moyen de « défense », de contrôle de son image. Comme Robert De Niro de l’autre côté de l’Atlantique (ils ont deux mois d’écart !), Catherine Deneuve préfèrera toujours parler de ses projets et de ses films plutôt que d’elle-même !

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