Mis à jour le 1 septembre, 2025
Un film de Jim Jarmusch
Avec: Cate Blanchett, Adam Driver, Charlotte Rampling, Tom Waits, Mayim Bialik, Vicky Krieps, Indya Moore, Luka Sabbat, Sarah Greene, Françoise Lebrun
Des frères et sœurs séparés se retrouvent après des années de séparation, obligés de faire face à des tensions non résolues et de réévaluer leurs relations tendues avec leurs parents émotionnellement éloignés.
Notre avis: **
Father Mother Sister Brother de Jim Jarmusch offre une sorte de miroir à Midnight on earth 30 ans plus tard, dans sa reprise du procédé formel consistant à s’immiscer dans une ville, à en capter quelque chose, à une époque, à un temps précis. Ici, à des scènes nocturnes dans un taxi de villes vivantes, qui suit des personnages éclectiques, un peu paumés mais en mouvement, plein de vies et de couleurs, Jarmusch substitue une observation de scènes de retrouvailles familiales, le plus souvent en lien avec des douleurs passés et des non dits. Il nous livre sa réflexion sur la famille, ce qu’elle est devenu de nos jours (nous ne doutons pas un seul instant que derrière la noirceur, la mysanthropie se cache un exercice critique féroce) ou plus exactement le rôle qu’elle ne remplit presque plus dans ses deux premiers volets. Le troisième volet (Sister and Brother) moins mysanthrope s’inscrira en contraste des deux premiers qui se répondaient l’un à l’autre. Enfin, nous observerons une famille fonctionnelle, où l’un est à là pour l’autre, où la communication est fluide, où l’un comme l’autre se comprenne d’un simple regard, jusqu’à la blague énoncée simultanément avec beaucoup de complicité, quand cette même blague (Bob is your uncle) était totalement incomprise dans la première exposition familiale, où un père resté rock’n’roll et libre, est rejeté par ses enfants au fonctionnement bourgeois, qui attache une grande importance aux apparences dont le vieillard (Tom Jones) aime à jouer, là aussi en miroir d’une situation plus réelle, celle qui consiste à prétendre que tout va bien quand tout va mal, pour faire bonne figure. Le film se joue de détails, de petites touches, de silences malaisants, de faux semblants et de l’importance de l’image en famille. Il se joue surtout de non dits sur des douleurs passées. Il interroge le regard, le dysfonctionnement de la famille, le caractère obligé de la famille, et le fossé générationnel, l’incompréhension qui peut naître entre un père et ses enfants du fait d’un divorce, d’une attitude destructrice, entre deux sœurs que tout semble opposé. Par instant, surtout dans son exposition des deux premières situation, nous pouvons nous demander si Jarmusch n’a pas vieilli lui même, si son sens de l’observation, son goût pour les personnages marginaux, ou plus exactement sur l’élan de vitalité que l’on retrouve chez eux, ne s’est pas quelque peu affadi. Jarmusch a ses débuts s’exprimait d’autant mieux qu’il s’intéressait aux franges, à ces heures où la lumière éclaire ceux qui de jour sont laissés pour compte. Il parvenait à saisir et à restituer toute la poésie cachée, la magnifiant de son propre univers rock’n’roll. Mais à y regarder de plus prêt, et malgré ses allures bourgeoises ou minimalistes, le film peut se voir comme un petit manuel concentré, se lire comme un petit pamphlet anti bourgeois, un appel à se réveiller et à regarder. Un bon film, en soi, qui, pour la gloriole, renvoie aussi par petites touches aux essais plus récents de Jarmush, sur ces quelques motifs dont il aime nourrir sa mise en scène (la symétrie formelle, ou les jumeaux, les objets et situations qui se retrouvent ici ou là -une rollex, vraie ou fausse, des skaters plein de libertés vis à vis des règles de circulation.) Artistiquement en retrait de ses films les plus marquants, Father Mother Sister Brother marque cependant une volonté de Jarmusch de revenir à ses premiers amours cinématographiques, à ce qui nourrissait ses premiers films, le quotidien, l’observation de ce qui se passe juste à côté de lui et non une fiction narrative qui n’aurait de prise avec le réel (ni zombie, ni vampire donc, quoi qu’Only lovers left aside fut très en prise avec le réel). Mais à l’instar d’A pied d’oeuvre, et parce qu’il ne cherche pas sur la forme à s’éloigner du réel, il s’inscrirait davantage dans une catégorie de film « quotidien », qui s’apprécie davantage en salle qu’en festival, où sa place peut être discutée.
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