Mis à jour le 28 janvier, 2022
Travelling Oslo : rencontre avec Corto Fajal, qui s’est intéressé de très prêt à la culture Sami. Travelling permet de voir ou revoir Jon face aux vents.
Le Mag Cinema (LMC) Comment êtes vous devenu cinéaste documentaire ?
Corto Fajal (CF) C’est un parcours assez classique de désir. J’étais attiré par le cinéma étant plus jeune. J’ai donc commencé à travailler en tant que technicien après avoir suivi des études à l’ESRA Paris. Mais le milieu du cinéma ne ressemblait pas forcément à ce que j’imaginais. Petit à petit je me suis plus tourné vers le documentaire, par son format et ce qu’il nous appelle à faire permet des aventures humaines plus riches, ce que je recherche, et j’aime accorder du temps à ce que je fais. Un film plus qu’un objet, c’est un objectif de vie. Par cette quête de vie personnelle, je me suis mis à partager du temps avec des gens que j’avais envie de filmer, des individus à côté de moi comme des sociétés éloignées, traditionnelles, que je vais chercher dans le grand nord ou à l’autre bout du monde. Jon face aux vents diffusé à travelling par exemple c’est une expérience de 5 ans auprès des nomades.
LMC Quelle a été justement la genèse de ce projet Jon face au vent, une rencontre provoquée ou une rencontre fortuite ?
CF Oui, enfin non … Je ne me dis jamais quel film je vais faire. Je pars toujours d’une rencontre, virtuelle ou physique comme ici. En 2005, on est parti en voyages de noces avec mon épouse dans le grand nord scandinave, et on a rencontré des Sami. Comme tout le monde je les imaginais avec des grands bonnets blancs vivants dans la neige, et en fait pas du tout, je rencontre des gens aussi modernes que moi, mais qui ont ce que je nomme une vie en plus. Leur vie en plus ce sont leurs activités traditionnelles, en l’occurrence l’élevage de rennes. Je me suis dit : « tiens on peut être moderne et traditionnel en même temps, comment est-ce possible ? ». J’avais mon sujet de film. J’y suis retourné plusieurs fois, et après c’est affaire de rencontre. Jon , le personnage du film, je l’ai rencontré pour le film : je recherchais un jeune éleveur de ma génération, qui vive les même choses que moi : construire une famille et tout ça. Je trouvais cohérent de rencontrer un jeune éleveur, et de le suivre. Il se trouve qu’on est devenu ami très proche. Le film a démarré ainsi. Pour l’anecdote, c’est pendant le tournage de Jon face aux vents que j’ai rencontré une personne qui m’a donné envie de faire mon prochain film actuellement en préparation. Il s’est proposé à moi, alors que nous étions coincés dans une cabane pendant une tempête de neige, j’avais amené un bouquin. J’avais entendu parler d’une île dans le pacifique, et je me suis dit tiens j’irais bien là, j’y suis allé deux ans après …
LMC D’un extrême à l’autre …
CF D’un point de vue climatique certes. Mais pas en termes de mode de vie, il y a des similitudes. Les deux modes de vie me servent de source d’inspiration.
LMC Votre goût du cinéma était-il lié à votre goût du voyage, que ce soit sur le plan géographique ou peut être plus encore culturel ?
CF Oui. La précision est importante. La notion de voyage est importante, mais pas le voyage physique, beaucoup plus le voyage spirituel. Ces deux dernières fois, ce sont des voyages lointains mais ce n’est pas l’objectif en soi. Que je découvre ces univers, que je les vive pleinement, que j’en fasse partie. C’est cela qui m’intéresse. Ainsi je filme en ce moment depuis 3 ans des jeunes paysans qui essayent de réfléchir à une alternative à la propriété foncière et se réunissent fréquemment. Je ne sais pas ce que je vais faire de ce matériau, mais peut être que ça deviendra un film. Je vis cela avec eux, je voyage avec eux.
LMC Revenons sur les Sami. Ce sont les habitants de Laponie, c’est bien cela ? Pourquoi ne les désigne-t-on pas sous le terme de lapons ?
CF Le terme lapon est en fait étymologiquement péjoratif. Cela signifie plus ou moins les « sous hommes », plus exactement cela signifie chiffon, en rapport à leur façon de s’habiller pour se protéger du froid. C’est donc très péjoratif. C’est un peu la même chose pour les esquimaux et les Inuits, le terme esquimau est péjoratif, le terme inuit beaucoup plus utilisé de nos jours. Et puis les Sami, ce sont leurs vrais noms, ils se sont toujours appelés ainsi, venant du pays Sam.
LMC Peut-on rapprocher les Sami des esquimaux et des Inuits dans leur façon de vivre ?
CF Ce n’est absolument pas leur préoccupation. Ils s’en foutent comme ils s’en foutent de plein d’autres choses. Leur quotidien est fait de tellement de choses épanouissantes, que ce ne sont pas des militants de grandes causes. Même si aujourd’hui ils commencent à se confronter à des problématiques universelles et que leur quotidien est menacé. Et puis surtout, ils n’ont que très peu de commun avec les esquimaux, les Inuits, si ce n’est habité dans le grand Nord. Leur mode de vie, leurs origines, leurs modèles économiques : tout diffère. Les Inuits sont des chasseurs de phoques, les Sami des éleveurs de rennes. On trouve maintenant des élevages de rennes en Alaska, mais qui sont issus des Sami, par effet migratoire. Ce qui est intéressant c’est de comparer les deux : les raquettes, ce sont les Inuits, les Sami en raquette cela relève de l’exotisme, les chiens de traineau ce sont les Inuits, les Sami ont toujours utilisé les Rennes pour tirer leurs traineaux. Les langues n’ont rien à voir. Les Inuits ont été sacrifiés sur l’autel du monde moderne, que ce soit les maladies, les difficultés économiques, l’alcoolisme alors que les Sami ont réussi à préserver leur activité économique d’élevage du Rennes, leurs identités, non sans que cela soit sans difficultés.
LMC Ils se sentent norvégiens, européens ?
CF Non Sami, uniquement Sami. Ils peuvent nous servir de source d’inspiration à ce niveau là aussi, ils sont soucieux de leur territoire.
LMC Dans la bande annonce, vous dites les derniers éleveurs nomades seront les premiers réfugiés climatiques …
CF Oui c’est une vraie question. Ce qui m’intéresse dans le film ce n’est pas tant mon regard sur eux, mais leur propre regard. A un moment donné, Jon évoque justement que pour nous un degré de plus ou de moins cela ne change rien, mais que pour eux cela change tout. Le bouleversement climatique, que je ne nomme pas réchauffement climatique parce que chez eux ce n’est pas forcément le cas, cela les impacte directement. Ca met en danger leur activité d’élevage, les pâturages l’hiver. Ils se soucient si pendant 8 mois ils vont pouvoir nourrir leurs bêtes. Ce qu’ils nomment les mauvais hivers sont de plus en plus fréquents. Ils ne se posent pas la question si c’est de la faute des gens, ce qui les intéresse c’est de réussir à s’adapter à une situation bien réelle. Ce qui est très clair également c’est qu’au vu des bouleversements climatiques, leur activité d’éleveur de rennes, leur modèle économique est en danger, sa viabilité n’est plus assurée. Leur mode de vie est remis en question, ce qui en ferait éventuellement des réfugiés climatiques.
LMC Leur activité d’élevage de Rennes est une activité à plein temps, toute l’année ?
CF Ils sont éleveurs à plein temps, même si l’activité est saisonnière, avec les périodes de migration. Dans une année d’élevage, il y a 8 périodes d’élevage, qui correspondent à des tâches différentes sur des lieux différents. Le territoire concerné s’étale sur 800 km. Ils peuvent avoir des semaines où ils n’ont rien à faire, mais il suffit d’un changement de climat pour que tout de suite cela devienne le bon moment pour une tâche. En deux jours, ils doivent être opérationnels, pour partir dans les plaines, ou la montagne. C’est une préoccupation à plein temps. Mais il est vrai que de plus en plus d’éleveurs ont tendance à se lancer dans des activités de complément, pour couvrir les frais d’élevage. Ils ont besoin d’avoir de plus en plus de rennes pour assurer une rentabilité. Mais ils sont confrontés au rétrécissement des territoires exploitables. Ils se lancent dans des activités autour du bois, dans l’artisanat, ont des abattoirs de rennes pour conditionner la viande, tout un tas d’activités compatibles avec l’élevage de rennes.
LMC N’étiez-vous pas tenté de narrer cette histoire sous l’angle de la fiction ?
CF J’y ai pensé oui, notamment il y a un auteur qui écrit très bien sur les Sami qui se nomme Olivier Truc. J’ai pu y pensé. Je ne dis pas que je n’y penserais pas car j’ai encore des attaches.
LMC Les personnes étaient réticentes à accepter le projet ?
CF Ils ont eu 4 ans pour s’habituer à ma présence, à ma caméra. Je participais aux tâches. J’étais presque devenu un Sami. L’année où j’ai tourné, la confiance s’était instaurée entre nous.
LMC Comment fait-on pour subvenir à ces besoins quand on part 5 ans en Laponie ?
CF On chasse, on pêche, on dort part terre. Après la vérité c’est que sur les 5 ans, j’ai passé deux ans et demi avec eux et je rentrais pour être auprès de ma famille régulièrement. Et le film était financé, notamment par un co-producteur suédois, Sami lui-même. Mais je le répète, les frais là-bas sont très limités.
LMC Qu’avez-vous retenu de cette expérience de vie ?
CF Cela m’a conforté dans cette quête constante de chercher du sens à la vie, en s’encrant là où on vit. Quand on est dans la démarche, quand on prend le temps de remplir sa vie avec ce qui nous entoure, on n’a pas forcément besoin d’aller chercher ailleurs, même si j’en suis un peu un mauvais exemple. Le bonheur pour moi il est chez moi, dans ma maison, dans mon jardin, dans la simplicité, dans l’humilité.
LMC On vous présente comme quelqu’un d’engagé, mais vous êtes très loin d’un Mathieu Kassovitz …
CF Je ne me suis jamais présenté comme quelqu’un d’engagé. Mais ceux qui me connaissent me considèrent comme très engagé. Ce qui est engagé, c’est ma vie, ce que je vous ai dit tout à l’heure, mon jardin, ma manière de vivre. Si on me sollicite j’ai beaucoup de choses à dire, mais je ne suis pas un militant. Si on ne me sollicite pas je n’ai rien à dire. Chacun est responsable et l’épanouissement pour moi ce n’est pas de revendiquer mes idées mais de les vivre. Je veux bien partager si on me le demande, mais je ne défends pas mes idées. Je n’ai pas de temps à perdre à cela. Je préfère vivre mes idées ou les écrire
LMC Vous n’êtes pas dans un combat politique ?
CF Si ma vie peut inspirer c’est une forme de politique. Je n’ai pas la prétention d’avoir raison, mais j’ai la certitude d’être en accord avec mes convictions.
LMC Vos prochains projets ?
CF Un film est en préparation sur une île du pacifique. Ce film devrait sortir en toute logique sur les écrans de cinéma en 2016, ou en 2017, il a déjà un distributeur. La moitié du film est déjà tourné. Je dois encore y retourné. C’est un endroit magique, comme tout ce que je vis autour de ce projet, avec pleins de gens en Polynésie, en Nouvelle Zélande, en Australie. Le teaser peut être vu en ligne. C’est un document qui a une part de fiction, le personnage principal c’est l’île qui vit, qui rit, qui pleure, qui parle avec ses habitants. Cela raconte l’histoire de gens qui sont sur cette île de 3 km sur 4 et qui y vivent depuis plus de 3000 ans.
Bonjour,
Je m’appelle Bella et je fais partie de l’équipe responsable du contenu numérique chez Wordbank pour le London Pass, la carte officielle de tourisme créée par la ville de Londres en 1999.
L’équipe d’experts de London Pass a compilé une liste unique de lieux de tournage de films qui ne manquera pas de séduire les amateurs du 7e art. Ce blog examine l’histoire cinématographique de Londres, divisée par quartiers, dont Greenwich, King Cross Station et Notting Hill pour ne citer qu’eux.
Si cette recherche réalisée par le London Pass vous intéresse pour la section de Cinéma de Le mag cinéma, nous serions ravis de vous envoyer le communiqué de presse accompagné d’un lien Dropbox avec des images et leurs sources.
Merci pour votre temps et nous espérons avoir bien vite de vos nouvelles.
Cordialement,
Bella
Bonjour, oui cela peut être intéressant.