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Avec On Falling, Ken Loach produit un film qui partage son engagement

‘Aurora, migrante portugaise, travaille comme préparatrice de commandes dans un entrepôt à Édimbourg, en Écosse. Coincée entre les murs d’un immense centre de distribution et la solitude de sa propre chambre, Aurora cherche à saisir toutes les occasions pour résister à l’aliénation et à l’isolement qui menacent son identité.

On Falling prend le parti pris radical de montrer la déshumanisation de notre époque en accordant une large place à la répétition des motifs. Ce film social, dont nous apprenons a fortiori, et sans surprise, qu’il est produit par un certain Ken Loach traite un sujet cher au réalisateur des Larmes de Joy ou de Sorry we missed you, dont il pourrait être sinon le second volet, le miroir. Plus précisément,On Falling se situe quelque part entre ces deux films, cinématographiquement, thématiquement, géographiquement même. Aurora est la nouvelle Joy, qui n’a que ses yeux pour pleurer. La fatalité s’abat sur elle, ou plus exactement, la violence sociale, tue, cachée, ignorée, s’exerce en son endroit, quoi que son attitude soit des plus remarquables, des plus courageuses et méritoires, et donc, que la société ne puisse lui retourner avec évidence la faute (vous savez, ces gens dans le besoin parce qu’ils le méritent, parce qu’ils sont fainéants ou n’ont pas changé de trottoir pour trouver du travail). On Falling file un portrait sans fard, âpre, sans mansuétude ni transigeance à la manière de Loach donc, ou de Kollek (Sue perdue dans Manhattan), en refusant toute scénarisation artificielle, en restant concentrée sur le dessein de cette jeune femme victime (principalement) de la société, mais aussi, quand même, d’elle même. Peu à peu, cette jeune émigrée, enfermée dans un schéma de vie qui l’isole, a perdu tout rêve, tout véritable espoir. Sa vie consiste en son travail, dont tout le ridicule se révèle parfaitement à nous, mais aussi à quelques passe temps établis (regarder sur son téléphone des réels). La société moderne se voit passée au crible, comme la propension des gens à s’isoler d’eux même, à s’appauvrir intellectuellement ; au travail les conversations portent sur les dernières séries à voir à la télévision, à ne plus vivre les uns avec les autres, ou si peu. Le fort du film consistera, par des images inlassablement répétées, de nous faire passer son message, radicalement critique sur cette société rouleau compresseur qui laisse de côté ceux pour qui sociabiliser demande un effort, ceux qui ne parviennent pas à faire semblant, ceux aussi, qui vivent dans des conditions précaires et qui ne sont aidés par personne.

La jeune réalisatrice (Laura Carreira) nous livre un poignant récit totalement opposé à l’American dream, où les immigrés ne rêvent plus d’avenir, si ce n’est de revenir dans leur pays, tant l’accueil qui leur est réservé ne ressemble à rien d’humain. Les sentiments humains les plus élémentaires ne trouvent plus de place dans une société où les téléphones et les réseaux sociaux remplissent le quotidien, comme nous le rappellera une très jolie scène de boîte de nuit, où tentant de trouver du réconfort et de la tendresse auprès de son nouveau colocataire, Aurora se retrouvera à consulter son téléphone assise à côté du nouvel arrivant, lui aussi sur son téléphone. L’incommunicabilité à son paroxysme, que n’a pas vu venir Antonioni. La temporalité du film, particulièrement lente et répétitive, eût certes pu nous décontenancer, mais le film séduit petite touche par petite touche, il affine son portrait, jamais de manière brutale ou directe, toujours avec retenue.  Ingénieusement, Laura Carreira poussera même le symbolisme à son paroxysme dans une scène finale à message: le portrait d’Aurora (notons au passage la très belle interprétation de l’actrice principale Joana Santos) en valait mille.

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