Le 22e festival Golden Apricot a présenté un programme riche – avec une attention particulière portéeau cinéma documentaire – comprenant des compétitions internationales et régionales, des projections spéciales et une compétition de courts métrages dédiée aux productions arméniennes récentes. Contrairement aux grands festivals tels que Cannes ou Venise, Golden Apricot ne donne pas la priorité aux premières mondiales, mais propose une sélection de films issus de plus grands festivals de l’année: Cannes, Venise, Toronto, IDFA et Rotterdam. La compétition internationale présente des œuvres acclamées par la critique, mais la compétition régionale met l’accent sur les films venant du Moyen-Orient (Iran, Égypte, Liban, Irak…). Les projections spéciales comprenaient une sélection de la compétition de Cannes, offrant au public l’accès à quelques uns des films les plus importants de l’année.
Organisé principalement à la Maison du cinéma – propriété de l’Union des professionnels du cinéma d’Arménie, avec trois salles de projection, dont la plus grande du pays, une salle de 500 places – le festival a également utilisé le prestigieux multiplexe Kinomoscow, situé sur la place Charles Aznavour, pour des projections spéciales. Outre les projections, le festival a favorisé les échanges culturels en proposant des masterclasses, concerts, événements et réceptions, créant ainsi une plateforme dynamique pour les cinéastes et le public.
La compétition de courts métrages a permis de découvrir des talents émergents du cinéma arménien (ce que nous n’avons pas souvent l’occasion de découvrir par ailleurs). Par exemple, Motherland (Հայրենիք, dir. Gor Arushanyan), lauréat du prix du meilleur court métrage (coproduit avec l’école de cinéma polonaise Łódź, et précédemment lauréat du prix du meilleur court métrage documentaire au Festival international du film de Copenhague), illustre les prouesses techniques et la profondeur thématique de la nouvelle génération de cinéastes arméniens. Cette section a principalement exploré le conflit arméno-azerbaïdjanais, un motif récurrent reflétant le traumatisme sociopolitique de la nation.
Plusieurs films présents au festival ont abordé la guerre, offrant des réflexions poignantes sur son bilan humain. Waiting for Don Quixote (Դոն Կիխոտին սպասելով/, de Nariné Mkrtchyan et Arsen Azatyan), projeté hors compétition, mêle des scènes fictives inspirées du classique de Cervantès à des séquences documentaires de familles déplacées par le conflit. Les témoignages directs des villageois, notamment des parents qui luttent pour reconstruire leur vie au milieu des pertes subies, soulignent l’impact dévastateur de la guerre, souvent passé sous silence par les médias occidentaux. Ce documentaire-essai hybride invite à la réflexion sur la résilience des communautés prises dans des conflits géopolitiques.
De même, After Dreaming (Երազելուց հետո/Yerazeluts heto, de Christine Haroutounian), dont la première a eu lieu à la Berlinale avant sa projection en compétition régionale au Golden Apricot, présente un voyage surréaliste à travers une région montagneuse en proie à des conflits. Centrée sur une histoire d’amour entre un soldat tourmenté et la fille d’un homme pris pour un ennemi et tué par les villageois, l’esthétique lente et cauchemardesque du film peut interpeller les spectateurs qui ne sont pas familiers avec le contexte. Le premier long métrage d’Haroutounian utilise des images expérimentales pour transmettre le poids psychologique d’un conflit perpétuel, bien que sa narration abstraite puisse limiter son accessibilité pour les spectateurs internationaux.
Dans un registre totalement différent, Mes fantômes arméniens (de Tamara Stepanyan), une coproduction franco-arménienne projetée avant la cérémonie de clôture, propose une exploration nostalgique de l’histoire du cinéma arménien. Tamara Stepanyan, figure emblématique de la nouvelle vague arménienne, mêle ses réflexions personnelles d’artiste immigrée à des images d’archives, dont certaines montrent son père, le célèbre acteur Viguen Stepanyan. La narration claire du documentaire, qui comprend les titres des films, les dates et le contexte historique, garantit l’accessibilité au public international peu familier avec le cinéma arménien. Le prochain long métrage de Stepanyan, In the Land of Arto, qui ouvrira le festival du film de Locarno en 2025, témoigne de sa renommé mondiale croissante.
Golden Apricot 2025 a mis à l’honneur le cinéma iranien, reflétant les liens culturels de longue date entre l’Arménie et l’Iran. Le film d’ouverture, Un Simple accident (de Jafar Panahi), qui vient de remporter la Palme d’or à Cannes 2025, a donné un ton festif. Lors de la cérémonie d’ouverture, Jafar Panahi a remis le prix Parajanov à Amir Naderi, cinéaste iranien chevronné et président du jury de la compétition régionale, dans un moment qui soulignait la solidarité intergénérationnelle.
Une semaine plus tard, lors de la cérémonie de clôture, Naderi à son tour a remis l’abricot d’argent à Saeed Nouri pour son documentaire Téhéran, une histoire inachevée. Ce film retrace l’histoire de Téhéran à travers un siècle de représentations cinématographiques, bien que son recours à des images d’archives sans suffisamment de détails contextuels contraste avec la clarté informative du travail de Stepanyan. Finalement, L’abricot d’or de la compétition régionale a été attribué à l’œuvre d’une autre cinéaste iranienne (basée en France): Put Your Soul on Your Hand and Walk (de Sepideh Farsi), un documentaire sur la photojournaliste gazaouie Fatima Hassouna. Le portrait empathique de la résilience au milieu d’un conflit qu’offre le film a trouvé un écho auprès du public, soulignant l’engagement du festival en faveur d’une narration socialement engagée.
Voici la page dédié au festival Golden Apricot sur le site de la fipresci (la fédération international des critiques de cinéma), dans laquelle vous trouverez la version anglaise de cet article:
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