Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui, Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son fils disparu…
Sorogoyen fait partie de ces réalisateurs qui nous divise, que l’on peut aimer comme détester, et parfois pour des raisons très diverses. Ainsi au sein de notre rédaction, certains ont aimé El Reino, d’autres, et c’est un euphémisme de le dire, beaucoup moins.
Madre a précisément séduit ces derniers, une fois passée la mise en situation, reprise d’un court-métrage qui avait certes fait sensation, mais somme toute très classique vis à vis de la production cinématographique espagnole contemporaine, en ce qu’il accorde une large place au clinquant, au genre – Hitchcock en eut été friand- au stress, le tout dans une frénésie que l’on avait déjà aperçue dans El Reino.
Ce court métrage, Sorogoyen a décidé de le prolonger, et de proposer un cinéma très différent, pour nous donner à voir une autre palette de ses talents de cinéastes. La matière en elle-même est différente, beaucoup plus introspective, psychologique, et le traitement bien plus mystérieux et fin, comparé à celui d’El reino. Il faut dire que d’un coté nous avions un thriller politico-journalisto-sensationalo-abscons, quand nous avons de l’autre un portrait de femme, doublé d’un sujet peu relativement peu commun.
Si ce n’est le retour au clinquant vers le troisième tiers, le développement de l’intrigue, la patience employée, la qualité du trait ont réconciliés quelques uns d’entre nous avec le cinéaste. Le trouble mis en lumière, la finesse et la crédibilité psychologique, la très belle interprétation de Marta Nieto sont d’autres indéniables atouts de Madre que nous avons découverts lorsque le film fut diffusé en avant-première lors du festival Travelling. D’ailleurs, avant même de découvrir El Reino, nous avions déjà coché Madre comme film à voir à la Mostra de Venise, où Marta Nieto recevait, aux côtés de Sami Bouajila, un prix d’interprétation très mérité. Sa fraîcheur en conférence de presse, sa joie non dissimulée, nous avait marqué.
Pour vous donner quelques repères, par instants, nous nous sommes rappelés au bon souvenir d’un des premiers très bons films de François Ozon, Sous le sable; peut être parce qu’une mère étrangère (Charlotte Rampling), particulièrement digne, y errait telle une âme en peine, traînait son chagrin sur une plage française. Dans les deux films, le deuil ne se fait pas, le souvenir reste constamment présent, la douleur vive ne s’efface que dans le fantasme, la projection d’un futur qui intègre le passé perdu.
Quelques uns parmi nous voyaient déjà une belle promesse dans El Reino, et s’opposaient à une autre partie de notre rédaction, qui prend ici le stylo, qui ne voyaient qu’un petit film dans l’air du temps, surévalué, certes vitaminé mais très vain, dont le final seul valait la peine.
Vous pourriez donc pensé, à nous lire ici, que Madre a mis fin à notre petite querelle bien anecdotique. Helàs, il n’en est rien, nous devons vous prévenir qu’une partie de notre rédaction est restée très hermétique au charme de Madre …
Dans quel camps vous situerez-vous ?
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