Mis à jour le 13 octobre, 2018
Le Mag Cinema: Vous avez travaillé avec des grands noms, qui vous a le plus appris, et qui vous a le plus impressionné ?
Karim Leklou : Ca peut paraître bateau mais on apprend à chaque fois. J’ai eu la chance de tourner avec beaucoup de metteurs en scène que j’aime et j’ apprend de tous. Pareil avec les acteurs, parfois on ne s’y attend pas, ce n’est pas forcément avec des acteurs connus que vous apprenez. C’est un art fragile, on ne sait pas quand un moment va être bien ou pas. Le cinéma c’est l’art de la disponibilité je trouve. Il n’y a pas de choses pré-établies. La politique des noms ne fait pas forcément des grands films.Il y a une vérité de l’instant et j’ai eu de la chance de travailler avec des gens qui ont des méthodes de travail différentes, des acteurs différentes. J’ai eu la chance de me balader dans des univers différents et de pouvoir expérimenter divers personnages. Ce qui m’impressionne le plus, c’est l’écriture. J’ai beaucoup d’admiration pour les scénaristes, ce sont eux qui créent les histoires. Le chemin vers le cinéma vous a été ouvert par Do the right Thing de Spike Lee … Ce n’était pas exactement une révélation où je me suis dit à 10 ans que j’allais devenir acteur, mais … Je regardais les films comme un enfant de 10 ans dans les années 80-90 et c’était la première fois que je voyais un film avec un impact politique aussi fort. Pour moi il a inspiré 5 ou 6 ans plus tard La Haine. C’est tout le génie de Spike Lee, à travers un film sur un quartier de Brooklin, il a été visionnaire, il sentait les États-Unis. On était en 89, et 2 à 3 ans plus tard en 01-92 il y a eu les émeutes de Los Angeles. Il a senti sa société. Et en plus il y a de grands acteurs dans ce film comme John Turturo qui m’épate, que ce soit dans Transformers, ou dans Do the right thing c’est un grand acteur.
L.M.C.: Et vous avez rencontré Spike Lee à Cannes …
K.L.: : Je n’ai pas eu cette chance, mais même si je l’avais eu je ne serais pas permis d’aller le déranger.
L.M.C.:Vous étiez intimidé ?
K.L.: Oui forcément, quand vous avez une forme de respect, d’admiration pour quelqu’un, pour son travail, vous les regarder comme spectateur et c’est déjà très bien.
L.M.C.: On vous a vu dans plusieurs festivals, ici vous êtes membre du jury court métrage, vous avez un rapport particulier avec les courts-métrage …
K.L.: Il y a un court métrage qui m’a beaucoup apporté, c’est celui de Marie Monge, qui a fait Marseille la nuit, récompensé à Angers et à Pantin. C’était la première fois que j’avais un rôle principal. C’est un court assez long de 42 minutes, un moyen métrage presque. C’est vrai que j’ai une dette envers le court métrage, car cela m’a permis de jouer dans des longs ensuite. J’adore ce format car il est très créatif, il est moins cloisonné par le financement, les objectifs de rentabilité. Il permet une forme de liberté. C’est un objet unique. Je ne le vois pas comme un passage obligé pour détecter qui va pouvoir dans des courts métrage, mais comme une forme unique qui porte sa propre signature. J’adore le format court. Des fois, on s’emmerde en une heure quarante, alors que si un mec vous emmerde en 3 minutes, c’est que y a quelque chose qui ne marche pas, alors quand quelqu’un vous raconte des choses formidables en cinq minutes, je trouve ça génial.
L.M.C.: Que vaut la sélection à Dinard ? Vous êtes content ?
K.L.: Franchement oui, très content. Quand on en a débattu avec les autres membres du jury, on était tous très content. En salle aussi. Je trouve qu’il y a une très bonne sélection et beaucoup de liberté.
L.M.C.: Ça se passe comment avec les autres membres du jury, une bonne entente ?
K.L.: Oui, on ne se connaissait pas avant. Mais ça s’est très bien passé. Ce sont des chouettes gens. Il y a une actrice que je ne connaissais pas, enfin si à l’image, qui est une très chouette actrice, Louise Grinberg. J’étais heureux de la rencontrer. La qualité de la personne se retrouve à l’image. Il y a aussi Barnabé qui est réalisateur et puis Cédric qui travaille pour Mad Movie qui est un magazine qui existe depuis longtemps. On a le droit de citer d’autres magazines ? …
L.M.C.: Vous vous êtes faits des contacts ?
K.L.: Non je suis pas là pour ça. Oui j’ai discuté avec des gens, mais je suis là pour voir des films et passer de bons moments.
L.M.C.: On revient sur Le monde est à toi de Gavras, vous vous sentez proche de KourtrajMé ?
K.L.: Moi c’est un cinéma qui me plait énormément. Romain, je le trouve très étonnant. Il a commencé par un drame et enchaîne avec une comédie c’est rare. J’adore sa capacité à aller partout, à explorer des univers avec sa propre vision. Il a une liberté de ton folle. C’est magnifique à notre époque. C’est un très grand metteur en scène, un très grand directeur d’acteurs. J’ai pris un plaisir inoui à travailler avec lui, c’est un film dont je suis fier quelque soit le jugement dessus.J’aime beaucoup leur manière collective de faire du cinéma. J’apprécie leur façon de faire. Ils font leur cinéma sans chercher à copier, ils font leur propre film. Je connais Romain, je répète c’est un grand metteur, un très grand metteur en scène, et j’espère qu’il fera plein de films. On a de la chance qu’il soit français.
L.M.C.: Un très grand réalisateur qui rencontrait une très grande actrice, Isabelle Adjani, qui s’en est donné à cœur joie …
K.L.: Oui elle a pris beaucoup de plaisir. On a tous pris du plaisir à être dirigé par lui. Romain c’est un gars qui travaille énormément en amont. Il a un univers tellement fou. Il permet ça. Il est pas dans le jugement, il permet de tester beaucoup de choses, il nous ramène dans son univers assez incroyable. Ce qu’il fait avec la caméra c’est dingue quand on regarde le budget. Moi je dis ouah quand on voit l’image. De toute évidence c’est un très grand metteur en scène…
L.M.C.: Dans vos interprétations vous captez la caméra, car on vous offre des rôles décalés, recalés, à la marge, que vous interprétez avec beaucoup de générosité et sans retenue. Ce sont des personnages que vous recherchez ?
K.L.: Franchement, je n’ai pas de style pré-établi. J’aime bien trouvé un écho, une résonance,sans savoir où. Je me pose la question si je suis capable d’interpréter le personnage pour x ou y raisons. Mais je n’ai pas de caractère psychologique, de profil sociologique prédéfinis. C’est la rencontre d’un scénario, l’envie que j’ai de le défendre. Est-ce que cela s’inscrit ou non dans une société, est-ce que je peux apporter quelque chose. J’ai travaillé sur Réparez les vivants, j’ai fait un chirurgien, alors que j’ai pas fait médecine. Ca m’a tout aussi intéressé que d’interpréter un personnage décalé. Ce qui m’intéresse c’est la diversité entre les rôles. De s’amuser à explorer des univers différents avec des réalisateurs différents.
L.M.C.:Vous aviez des images du cinéma britannique ?
K.L.: Leurs acteurs sont incroyables, ils ont une force. Ils ont une connexion avec leur société assez forte. Je prends Ian Hart, je peux l’imaginer regarder un match de foot, et tout d’un coup c’est un grand acteur qui va se mettre à jouer du Shakespeare. Pour moi ce sont de très grands acteurs. Ils ont une force dans leur jeu, de l’ordre du documentaire. Le cinéma anglais, le cinéma social, il est extraordinaire. Un mec comme Ken Loach, ffu, voilà !
L.M.C.: Cette couleur là, on l’a vu dans la sélection de court métrage à Dinard ?
K.L.: Oui, on a vu plein de choses, c’était assez chouette, une grande diversité hyper étonnante
L.M.C.:Vous pouvez nous parler de vos projets à venir ?
K.L.: J’ai tourné dans la série Hippocrate de Thomas Lilti pour Canal +. c’est en 8 épisodes, 8 fois 52 minutes qui sortira au mois de Novembre. J’ai eu la chance de voir les 8 épisodes et je suis très fier du résultat.
L.M.C. (cameraman): Un retour à la médecine donc ?
K.L.:Un retour à la médecine, oui. Mais un personnage complètement différent. Sur un long métrage ce personnage ne marcherait pas. Sur une heure trente ce serait impossible à développer. Mais en série oui. Le format de la série permet de développer le trajet d’un personnage. Sur un 8 fois 52 minutes, travailler ce personnage, avec son trajet, c’est hyper intéressant.
L.M.C.:On vous verra à Cannes l’année prochaine ?
K.L.: Bah non, j’en sais rien. On ne fait pas des films pour être récompensés.
L.M.C.:Oui mais Le monde est à toi ou Joueurs par exemple étaient à cannes…
K.L.: Oui c’est super. Une super récompense, pour des films pas forcément calibrés pour ça. Ça fait hyper plaisir. Connaître une manifestation heureuse pour un film, c’est quelque chose de joyeux, de précieux. Comme il y a plein de moments moins heureux, quand on vous annonce qu’un film est sélectionné, c’est un moment super. Et puis après tu vois comment le film est accueilli. Mais ce sont des parenthèses enchantées, il faut prendre du recul. Mais ça ne fait pas un film. Parfois certains films se font détruire et tu les redécouvre dix ans plus tard et tu te dis ouah quel chef d’œuvre ! C’est pour ça je parlais de Romain, je répète, on a de la chance qu’il soit français, c’est un génie visuel qui a des visions, qui tente des choses. Ça fait du bien. Il s’inscrit comme un auteur,avec une volonté de faire des films d’auteur, qui peuvent rencontrer un public. Et je trouve ça important.
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