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The Lobster: « barré » vous êtes surs ?

Dans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme soeur. Passé ce délai, elle sera transformée en l’animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s’enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants ; les Solitaires.

Si vous lisez des critiques de The Lobster ici ou là, et notamment à l’issue de sa projection lors du dernier festival de Cannes, vous pourriez avoir l’impression de voir un film « barré« , c’est à dire un film qui porte un souffle nouveau, propose un angle de vue inhabituel et décalé, qui usuellement prête à rire. Dans cette catégorie, nous avions par exemple adoré Borgman d’ Alex Van Warmerdam au point de le mettre dans nos films cultes – et nous ne regrettons pas cet élan ! Pourtant, nous tenons de notre côté à vous avertir  que cette présentation de The Lobster est trompeuse, au combien ! Diriez-vous de Salo, les 120 jours de Sodome – que nous n’avons pas mis dans nos films cultes, même si Pasolini est un immense cinéaste et que Salo une oeuvre qui compte ! – ou de La Grande Bouffe de Ferreri que ce sont des films « barrés » ? Car The Lobster appartient bien davantage à une autre catégorie de film que nous qualifierons de pamphlet philosophico-politique.

« L’idée de ce film est née d’une discussion à propos des gens qui ressentent le besoin d’être toujours en couple, du jugement envers ceux qui n’y arrivent pas, et le fait que l’on considère comme un échec de ne pas être avec quelqu’un » dit Yorgos Lanthimos le réalisateur, interrogé à Cannes. De cette idée, naît une projection d’une société hyper totalitaire, où les hommes et femmes sont obligés de se trouver un partenaire semblable sous peine de ne pas se voir transformer en animaux.

Comment ne pas y voir un clin d’œil  à La Ferme des Animaux de Georges Orwell, qui livrait une satyre de la révolution russe et une critique du stalinisme ? Le procédé en tout cas nous semble très proche, et il nous semble véritablement, que Lanthimos use également d’allégories pour pousser un message intellectuel, que nous ne décodons que très partiellement – on pense à la voie politique choisie par la Grèce, la rigueur imposée par l’Europe en alternative à la faillite – sans une analyse plus poussée, comme pouvait le faire Ferreri qui critiquait lui la société de consommation dans La grande bouffe.

Interprété en premier lieu par un Colin Farrell méconnaissable (déguisé en Ned Flanders nourri aux burgers), le récit nous saisit et nous glace très rapidement, et il n’aura de cesse de le faire. Très peu de lueurs pourront réjouir le spectateur, sauf à solliciter son côté sadique, le propos est tout entier d’une noirceur radicale, et malaisante. Comme les protagonistes de l’histoire, qui subissent leur sort sans véritable rébellion possible, sans porte de sortie, de façon très conditionnée, il est difficile pour le spectateur de laisser son esprit échapper au chemin tracé par le réalisateur, très emprisonnant et resserré.

Le film, assurément, a de quoi faire réfléchir et interloque. Sa forme est plutôt ordinaire, si ce n’est quelques parti-pris assez radicaux sur l’ambiance musical. A notre niveau en tout cas, ce critère est rédhibitoire pour affirmer que The Lobster puisse être une oeuvre qui compte. Le jury du festival de Cannes lui a attribué son prix spécial, qui récompense la singularité d’une démarche cinématographique d’ordinaire, et ici pour nous bien plus encore la singularité du scénario.

Retrouvez également notre diaporama de la conférence de presse, avec la belle Rachel Weisz notamment, et pour le public français, Léa Seydoux, abonnée aux éditions récentes du festival de Cannes.

 

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