Je ne suis pas un salaud est tiré d’une histoire vraie. Celle d’un ami du cinéaste, Emmanuel Finkiel, qui s’est retrouvé arrêté pour une agression qu’il n’avait pas commise, avec une victime,
qui jusqu’au bout s’est entêtée à dire qu’il était bien l’agresseur, entraînant le pauvre homme dans une spirale infernale et kafkaïenne.
Emmanuel Finkiel ne raconte pas cependant l’histoire de son ami. Il s’est amusé à imaginer qui pouvait être cet homme, victime certes, mais bourreau ou salaud, s’évertuant à accuser jusqu’au bout un innocent, avec les lourdes conséquences engendrées, tout en sachant qu’il pouvait se tromper.
Quand le projet était au stade de l’écriture, le cinéaste a proposé le rôle principal à Vincent Lindon qui a décliné, ne voulant pas jouer le rôle d’un « salaud« . L’acteur a cependant ébruité le projet dans son entourage, et selon Emmanuel Finkiel, cela aurait abouti à La loi du marché (tourné après Je ne suis pas un salaud). Il y a, évidemment, de grandes smilitudes entre les deux films : le milieu dans lequel il est tourné, l’âpreté du chômage, le fait de devoir témoigner contre quelqu’un, quitte à lui gâcher sa vie. A ceci près que dans La loi du marché, Vincent Lindon campe un homme bien, capable de tout quitter plutôt que de porter préjudice à autrui.
Nous ne saurions vous dire si l’affirmation d’Emmanuel Finkiel est véridique. Seul Vincent Lindon et d’autres initiés le savent. Une chose est notoire, cependant : Je ne suis pas un salaud est un bien meilleur film que La loi du marché, et c’est là le plus important.
Nicolas Duvauchelle incarne avec charisme cet homme à la limite de tout, alcoolique, sauvage, imprévisible, enfermé dans une vie qui ne lui plaît pas. L’intrigue happe du début à la fin. La mise en scène est impeccable -ce n’est pas pour rien qu’Emmanuel Finkiel a travaillé avec Godard, Kieslovski ou encore Tavernier. On retrouve, d’ailleurs, dans le film, un clin d’œil à Bleu, de feu le cinéaste
polonais, un détail que nous laisserons détecter aux plus fervents cinéphiles.
Sans le vouloir, car il a été tourné avant, le film fait écho aux deux plus grandes tragédies ayant eu lieu en France en 2015 -l’attentat de Charlie Hebdo, et ceux de Novembre.
N. Duvauchelle et E. Finkiel nous ont avoué que, par cette coincidence, le film ne leur paraissait plus le même.
On peut noter aussi, par ailleurs, l’impact réel de l’oeuvre en ceci que la plupart des protagonistes ne sont pas des acteurs, mais des personnes réelles, dans leurs vrais rôles.
Face à Nicolas Duvauchelle, Mélanie Thierry joue de manière plus que juste, le rôle de sa compagne, l’œil extérieur, raisonné, ce visage bouleversé sur lequel se clôt pour ainsi dire le film. Pour l’anecdote, c’est N. Duvauchelle qui a proposé à E. Finkiel que Mélanie Thierry joue le rôle de cette jeune femme prolétaire, car elle vient d’un milieu qui a connu et vécu ces difficultés concrètes de la vie.
Je ne suis pas un salaud est un film fort, à voir. Ce n’est pas un film qui se raconte, qui se commente -nous essayons ici pourtant de le faire et l’exercice est périlleux- c’est un film qui se voit et se vit, et qui n’est pas réservé aux cinéphiles, mais bien à tout le monde.