Nous étions nombreux sur la croisette à attendre le nouveau film de Hou Hsiao Hsien, d’autant que celui-ci s’est fait attendre, huit ans se sont en effet écoulés depuis le très sympathique « Le voyage du ballon rouge« .
il revient donc à Cannes pour présenter The Assassin, l’occasion pour lui, le maître Taiwanais reconnu, de se heurter à un genre local, le film d’art martial.
Chine, IX siècle. Nie Yinniang revient dans sa famille après plusieurs années d’exil. Son éducation a été confiée à une nonne qui l’a initiée dans le plus grand secret aux arts martiaux. Véritable justicière, sa mission est d’éliminer les tyrans. A son retour, sa mère lui remet un morceau de jade, symbole du maintien de la paix entre la cour impériale et la province de Weibo, mais aussi de son mariage avorté avec son cousin Tian Ji’an. Fragilisé par les rebellions, l’Empereur a tenté de reprendre le contrôle en s’organisant en régions militaires, mais les gouverneurs essayent désormais de les soustraire à son autorité. Devenu gouverneur de la province de Weibo, Tian Ji’an décide de le défier ouvertement. Alors que Nie Yinniang a pour mission de tuer son cousin, elle lui révèle son identité en lui abandonnant le morceau jade. C’est maintenant qu’elle va devoir choisir entre sacrifier l’homme qu’elle aime ou rompre définitivement avec « l’ordre des Assassins ».
L’ambition est assurément très noble. On pense d’emblée à deux entreprises relativement récentes qui ont valu à leurs auteurs quelques lauriers, bien mérités, « The Grandmaster » de Wong Kar Wai et « Tigre et Dragon » de Ang Lee. Si cette comparaison vaut, c’est principalement par la similitude de la démarche, centrée principalement et quasi exclusivement sur l’esthétique. Le résultat est haut en couleur, l’image est chatoyante, très contrastée, les cadres sont chacun un à un digne d’un tableau, les mouvements sont d’une grâce évidente, portée par l’inspiration de Hsiao Hsien, qui à l’image d’un grand chef qui revisite des plats du terroir, préfère la qualité à la quantité et nous propose des scènes d’actions rares, brèves mais gracieuses comme peuvent l’être le mouvement d’un chat. La proposition est donc très différente, et en ceci très intéressante, de celle de Wong Kar Wai, très noire, très vive, très pluvieuse, très Hong-Kongaise, et de celle d’Ang Lee, très virevoltante, très aérienne, très chorégraphique.
The Assassin est donc un film à regarder avant toute chose. Mais que nous aurions aimé que le film soit également à entendre, à humer, qu’il donne à réfléchir, ou à s’émouvoir. Car au delà de l’esthétique, le seul autre intérêt notoire qui nous apparaît est une inscription dans l’Histoire chinoise du récit, qui nous est, à nous autres occidentaux, peu précise et de l’esprit duquel nous sommes peu imprégnés. Le propos nous semble assez souvent abscons. Les dialogues assurément poétiques, sous le sceau de la prophétie des sages, ne nous imprègnent que très peu. Les belles images se suivent les unes après les autres tel un diaporama, oubliant de nous convier à une expérience sensorielle plus complète, comme pouvait le faire si bien par exemple Millenium Mambo.