Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé. Il est récupéré illégalement par deux hommes, bien décidés à lui trouver une nouvelle famille. Lors d’un périple insolite et inattendu à travers le pays, le destin de ceux qui rencontreront cet enfant sera profondément changé.
Nous avions cet échange avec Michel Ciment au sujet des réalisateurs (les hérisssons) qui filent leur œuvre et qui, de film en film, semblent soient se répéter, soit approfondir un même geste, quand d’autres (les renards) cherchent perpétuellement à se renouveler en s’attaquant à des thèmes et des genres différents, en référence à un article qui a rendu célèbre Isaiah Berlin. A l’exception peut-être de The third murder, dont nous saluions la prise de risque, nous nous sommes souvent plaints, que ce soit pour Kore-Eda, ou plus encore des frères Dardennes, du geste répété à l’infini qui n’apporte pas un nouvel éclairage ni ne vient épaissir l’Œuvre, pire encore, qui pourrait en enlever de la magie. Naturellement, nous sommes au Mag Cinéma plus enclin à la découverte, ou à la redécouverte, et dans notre ligne éditoriale nous inscrivons l’absence de dogmatisme et de prosélytisme quant au talent d’un auteur, que nous appelons donc à requalifier de film en film, sans considération – dans le jugement en tout cas – de l’œuvre passée.
Qu’annonçaient donc [C]es bonnes étoiles, qu’apporteraient-elles à l’œuvre déjà riche de Kore-Eda sur le thème de la famille, voilà les questions que nous nous posions lorsque l’on découvrît la présence du film en sélection officielle de Cannes, avec un peu de réticence, et plus encore, (cette fois-ci avec un peu plus d’excitation et de curiosité) lorsqu’il nous fut donné de le voir en séance de presse officielle à Cannes. Notre première impression fut la suivante:
Quelle étrange sensation que celle de détester le message conservateur disséminé dans le film « L’avortement est un crime » et d’apprécier fortement le vertige proposé par le scénario, l’espace de réflexion sur la famille offert.
Parfaitement ficelé, avec beaucoup de malices, notamment dans la forme autrement plus rythmée qu’Une affaire de famille, pourtant Palme d’or, Kore-Eda nous propose, en effet, un film qui, sous une apparence légère, multiplie les regards sur le schéma familial et pose des questions sur la nécessité de la famille, qu’elle soit naturelle ou recomposée. Il se range à ce niveau aux côtés d’un Inarritu en ne craignant nullement d’en mettre/dire trop. Intelligent dans son ensemble, pouvant faire craindre une récupération politique, le bon moment passé au travers de l’énigme et du ressort (la trame scénaristique accorde une grande part au rebond), fait assurément passer un agréable moment, le rythme étant alerte et les dialogues divertissants.
Ceci étant, le temps passant, le message diffus que le film distille n’imprime que peu, pas plus que le style n’émerveille. S’il peut paraitre étonnant de le cataloguer ainsi en ceci que l’intelligence du réalisateur japonais se remarque par l’inventivité des rebondissements et la multiplicité des regards, nous aimons Les bonnes étoiles, comme nous aimons par exemple La Chèvre de Veber, pour sa nature plutôt comique, son allant, et sa philosophie dans l’ensemble positive. Mais, au contraire par exemple de ce qu’il était parvenu à faire dans The Third Murder, il ne parvient ici pas à insuffler une composante tierce qui imprime les neurones et résiste au temps. Film sympathique à défaut d’être profond, Les bonnes étoiles s’inscrit donc plutôt comme une prolongation de ses travaux précédents, même si un virage dans la construction narrative (moins linéaire, plus complexe et subtil) semble avoir été amorcé, même si le réalisateur semble avoir voulu prendre de la hauteur et questionner ses propres fondamentaux.