Le festival de Cannes s’est achevé sur un palmarès avec lequel nous aurons à redire … (et nous le redirons). La qualité de la sélection nous a semblé difficile à estimer, comparativement aux années précédentes notamment. Elle nous a semblé en tout cas bien davantage dans une logique très calculée, un film prévu pour faire plaisir à ce public là, un film pour faire plaisir à tel autre, et de fait, n’encourageait pas tellement le débat cinéphilique, au contraire, elle avait tendance à laisser chacun dans sa chapelle, et à l’encourager à prêcher bien davantage pour cette dernière. Un peu à l’image de notre société qui a de plus en plus tendance à se replier sur soi, chacun trouvant refuge aux côtés de celui qui lui ressemble et ayant tendance à se méfier de celui qui émet une opinion différente ou éloigné de ses certitudes. Nous pensons aussi que les critiques eux même sont influencés par l’époque, et que certains films en profitent ou en pâtissent, mais aussi que les réalisateurs eux mêmes, par rebond, sont amenés à revoir leur art en fonction de ce qui se fait, ne se fait pas, se dit, ne se dit pas, plaît, ne plaît pas.
La sélection ne comprenait ainsi par exemple que peu de films qui osait une tonalité provocatrice, ou qui adoptait des partis-pris esthétiques totalement assumés, au contraire, la tendance est nettement à des formes pensées pour pouvoir plaire à plusieurs catégories. Un art qui suivrait donc une société, et non qui la précéderait ou l’éveillerait.
Nous y reviendrons, dans un article où nous interrogerons ce que les films de Cannes ont rendu compte de façon collective de notre monde, en 2024.
Nous regrettons également que la signification des prix du festival de Cannes soit détournée, ou peu clarifiée, et que de nouveaux prix soient créés de manière étrange et peu lisible. Le Prix du Jury et le Grand Prix ont leur définition par exemple. Le prix du Jury devrait normalement, si l’on en croit wikipedia, être attribué à un film coup de cœur du jury, et souligner la singularité d’une démarche cinématographique ou avoir valeur d’encouragement pour un jeune cinéaste au talent prometteur. Le Grand prix, lui, toujours en se référant à Wikipedia ne devrait pas être vu comme un second prix, mais comme un prix qui vient récompenser le meilleur film « art et essai » quand la palme d’or s’intéresserait au meilleur film « pour le public ». Grille de lecture qui pourrait dans ce cas largement légitimer des palmes accordés à des films ayant un large potentiel public, comme il y a pu y avoir ces dernières années, et comme il nous semble que cela soit le cas cette année encore.
Tout comme le prix du scénario est sensé récompensé un scénario (et donc un ou une scénariste) et non être un prix compensatoire vis à vis d’un classement plus émotionnel qu’autre chose.
Voici le palmarès complet:
Longs métrages
Palme d’or
ANORA de Sean Baker
Grand Prix
ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal Kapadia
Prix du Jury
EMILIA PÉREZ de Jacques Audiard
Prix de la Mise en Scène
MIGUEL GOMES pour Grand Tour
Prix Spécial
MOHAMMAD RASOULOF pour Les Graines du figuier sauvage
Prix d’Interprétation Masculine
JESSE PLEMONS dans Kinds of Kindness réalisé par Yórgos Lánthimos
Prix d’Interprétation Féminine
ADRIANA PAZ, ZOE SALDAÑA, SELENA GOMEZ & KARLA SOFÍA GASCÓN dans Emilia Pérez réalisé par Jacques Audiard
Prix du Scénario
THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat
Courts métrages
Palme d’or
THE MAN WHO COULD NOT REMAIN SILENT de Nebojša Slijepčević
Mention Spéciale
BAD FOR A MOMENT de Daniel Soares
Caméra d’or
Caméra d’or
ARMAND d’Halfdan Ullmann Tøndel – Un Certain Regard
Mention Spéciale
MONGREL de Wei Liang Chiang & You Qiao Yin
La Cinef
Premier prix
SUNFLOWERS WERE THE FIRST ONES TO KNOW… de Chidananda S Naik
Deuxième prix ex æquo
OUT THE WINDOW THROUGH THE WALL d’Asya Segalovich
THE CHAOS SHE LEFT BEHIND de Nikos Kolioukos
Troisième prix
BUNNYHOOD de Mansi Maheshwari