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Slalom, notre coup de cœur de l’année 2020

Lyz, 15 ans, vient d’intégrer une prestigieuse section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Fred, ex-champion et désormais entraîneur, décide de tout miser sur sa nouvelle recrue. Galvanisée par son soutien, Lyz s’investit à corps perdu, physiquement et émotionnellement. Elle enchaîne les succès mais bascule rapidement sous l’emprise absolue de Fred…

Découvert lors du festival lumière 2020, Slalom est résolument notre grand coup de cœur de la sélection Cannes 2020. Très difficile de voir les défauts inhérents à un premier film, tant l’exigence est de mise, sur tous les plans, tant les qualités se manifestent rapidement. 

Slalom bénéficie, en premier lieu, d’une très belle image, que ce soit les décors alpins, les lumières nocturnes ou crépusculaires mais aussi et surtout les magnifiques scènes de ski, filmées de sorte de rendre tout à la fois compte de l’impression de vertige, de vitesse, de danger, mais aussi de façon très artistique, en rendant grâce à la chorégraphie, à la beauté du paysage. A travers ces courses, tout le parcours intérieur de Lyz se ressent, ses émotions, sa volonté d’aller de l’avant, de se relever, de se surpasser, son rapport à la compétition, mais aussi et surtout les obstacles qui se présentent à elles, l’immense danger, la possibilité de chuter et de ne jamais s’en relever.

La lumière est très étudiée également, que ce soient les bleus nocturnes, les reflets des lumières sur les pistes enneigées, où la chaleur des intérieurs des chalets montagnards, parfaitement retranscrites à l’écran.

La bande sonore, sobre dans son ensemble, vient parfois éclairer également, les quelques impressions renfermés dans ce scénario étonnamment bien ficelé et digne d’intérêt quant aux sujets traités. Le tout bénéfice de l’ interprétation très convaincante de l’ensemble des protagonistes, que ce soit Noée Abita ou Jérémie Rénier, chacun excellent dans son registre, sa partition.

Le résultat est d’une rare justesse, Charlène Favier maîtrise parfaitement son sujet, son envers et ses décors. Elle montre la complexité des choses, dresse un sublime portrait d’une jeune fille qui, se sentant abandonnée par ses parents – et surtout par sa mère, tombe dans un piège tendu par celui qui devrait la guider.

Elle tombe sous le charme de ce professeur de ski, aux méthodes harcelantes, très souvent limites. Parce que le haut niveau n’autorise pas le relâchement, il maintient ses élèves constamment sous pression et se montre très exigent envers eux.

L’univers du sport de haut niveau, les relations entre un professeur et une jeune élève (on songe à Brisseau… mais cette fois-ci la parole est portée par la victime et non le bourreau), la peur de l’abandon, la réappropriation du corps (pour citer Noée Abita), l’apprentissage à dire non, les abus sexuels, les amours adolescents, la frontière mince entre l’amitié, l’admiration, l’amour et le désir, le passage à l’âge adulte, sont autant de sujets parfaitement visités par Slalom.

Sur le plan cinématographique, Charlène Favier pouvait difficilement faire mieux, et le film ne faisait pas partie de la sélection officielle cannoise 2020 sans raison. Nous aurions même apprécié que le film comporte quelques minutes de plus. Le récit est volontairement très recentré, concentré. Quelques intrigues secondaires, quelques scènes qui font l’objet d’ellipse, que ce soit les relations adolescentes , les scènes de vie de groupe, c’est à dire les respirations en dehors de la relation malsaine entre l’élève et son professeur abusif, auraient ainsi pu être davantage développées, et contribuer plus encore au questionnement porté par le film, sa portée psychanalytique: qu’est-ce qui est normal, qu’est-ce qui ne l’est pas ? A partir de quand la frontière est-elle franchie par le pygmalion.

Guidée par souci de vérité, Charlène Favier a manifestement recherché un équilibre. Peut être par pudeur, et de façon plus étrange, car le sujet accompagne le réveil féministe, et ne manquera pas d’être repris par #metoo -, le traitement vise à une certaine neutralité. Probablement, car de la sorte, elle cherche à taire toute subjectivité, et à proposer un traitement qui se veut plus objectif, et donc au message plus fort encore.

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